Pour celui qui a déjà vu les membres de la Granja sur scène, il sait que ceux-ci aiment la couleur, le déguisement et la mise en scène. Leur musique est elle aussi très colorée et authentique sans se cantonner à un style prédéfini ; les différents musiciens y amènent leurs expériences même si le reggae dans le sens drum & bass est puissant et bien présent.
Après Musical ob Session, Massey Vibration, et Wake up, Ils nous proposent le 1er chapitre d’une série intitulée Stories to Tell qui sort le 19 mai ; 6 titres claquant qui vont égayer même les plus tristes des oreilles. Disponible en vinyle 12 pouces, on lève le bras et pose délicatement le diamant (ou saphir) sur la première piste. Bienvenue dans la galaxie LGO.
Non, votre disque ne fait pas un pull up dès le début de "Ask Yourself The Question", mais il pourrait avoir ce coté frénétique à chaque écoute, une guitare tout de suite entraînante, la voix de velours de Jolly Joseph entonnant de nous poser les bonnes questions à chaque moment de notre existence et qu’une chanson peut justement avoir ce pouvoir. Aux chœurs, Thomas Kahn, un soul man du Collectif Flower Coast (auxquels appartiennent aussi LGO, The Dub Shepherds et Païaka, une grande famille) donne encore plus de profondeur à ce titre qui vibre au son d’un piano jazzy.
On ne sait pas le mélange qu’il y a dans le chalice de La Granja Orchestra, mais on peut dire que c’est puissant tant il y a d’alchimie musicale dans l’instrumental "African shade". La batterie démarre avec toute sa force de frappe comme sur le "smoking mi ganja" des Capitals Letters puis lorgne vers le flying cymbal style qu’affectionnait le producteur jamaicain Bunny Lee, un orgue qui puise dans les aigus avant de devenir complétement psychédélique tel un "light my fire" des Doors, une basse bien ronde qui nous enveloppe de son doux son, les percussions de Guitou venu en renfort et la lead guitare, très Afrique de l’Ouest (Casamance au hasard) font de ce morceau quelque chose d’unique qui nous fait planer à mille lieues d’ici.
Avec "8 shades of shame", nous n’allons pas à la rencontre du ténébreux Christian Grey , cher à ces dames mais dans un univers bien plus sombre. D’ailleurs la voix de Jolly Joseph se fait plus grave sur ce titre qui nous parle de droits humains, un jour libre, un jour emprisonné et de ceux qui tentent leur chance en traversant la grande bleue, savoir qui arrivera dans ce qu’il pourrait considérer comme un semblant de paradis. Une basse tout aussi grave que la voix du chanteur, une guitare tirant dans les aigus pour tirailler, coincé entre deux feux, les chœurs amènent ce même étant d’esprit de conscience.
"Arthus" est un véritable OMNI (Objet Musical Non Identifié), du son lourd, très lourd même du Drum&Bass de haute efficacité et une ligne d’orgue qui vous rentrera dans la tête pour ne plus en sortir. Hautement addictif, vous la fredonnerez même le soir, effet garanti, avec des samples de films magistraux, La Horse, film policier de 1969 avec Jean Gabin dans le rôle d’Auguste, un riche fermier normand qui découvre que sur son exploitation se trame un trafique d’héroïne (la horse, en argot) sur des musiques composées entre autre par le génial Serge Gainbourg et des dialogues de Pascal Jardin et Pierre Granier-Deferre, dignes d’un Michel Audiard et Le jour se lève, film dramatique de 1939 composé par Jean Carmé avec toujours le monstre sacré Jean Gabin autour duquel gravitent Arletty et Bernard Blier avec des dialogues du poète Jacques Prévert.
"Vision a Come from Far" est assuré au chant par Ivan Jah que l’on avait pu entendre aussi sur l’album de Dub Shepherds Time To Reap (et qui sont en fait Jolly Joseph et Doctor Charty de LGO) et qui sort aussi un album (La Grosse Radio devrait en parler prochainement). Morceau dub assuré par tous les musiciens sur une chanson qui rappelle les beaux jours d’un Linton Kwesi Johnson de par le phrasé Ivan Jah qui nous parle de Sa majesté sur un dub poetry bien senti. Sa voix étant parfois passée au réverb et qui se marie à merveille avec le roulement de batterie.
L’Ep se termine par "Hope, Will & Dreams", avec Jolly Joseph en lead vocal accompagné de Doctor Charty et Papa Boss aux chœurs sur un reggae qui se veut plus classique, partant parfois en dub où l’on parle d’espoir, de volonté et de rêves, les uns étant accrochés aux autres, les rêves étant des espoirs, et sans volonté par d’espoir donc la perte des rêves. Un morceau qui nous conforte dans l’idée que nous sommes les seuls maîtres de notre vie et à nous d’en faire ce que nous en voulons plutôt que de la subir.
Et comme on n’est jamais mieux servi que par soit-même, l’artwork est assuré par Jolly Joseph, il a été enregistré et mixé à la fameuse Grange Studio (la Grosse radio vous en avait parlé lors de la vidéo "sun is shining" qui illustrait justement sa naissance) par Doctor Charty et Jolly Joseph. Tous les morceaux ont été produits et arrangés par la Granja Orchestra.
Plus qu’un univers, la Granja Orchestra est une galaxie dont on n’a pas fini de découvrir sa multitude d’étoiles. Vivement le chapitre 2 !
La Granja Orchestra :
Jocos : batterie
Xav’ Rodriguez : basse
Papa Boss : Percussions
Doctor Charty : guitare lead et choeur
Beufa : orgue, pinao et synthé
Jolly Joseph : Lead vocal, Guitare rythmlque et chœurs
Sortie le 19/05/2018
Label CFC
Disponible sur les plateformes, format vinyle 12 et Cd