JahKasa est de ces artistes qui savent faire passer le message à travers leur musique. En tant que griot moderne qui sert de porte-parole, il s’est senti le devoir de lancer des alertes, dénoncer tout en maintenant cette envie de faire balancer les corps à travers son balafon reggae, comme il le décrit lui-même, un savant mélange de reggae et d’instruments de musiques traditionnels d’Afrique.
Et après les très réussis Pompe à Fric (2012) et Enfants du Pays (2015) il nous revient ce 16 mars avec la sortie du tout aussi croustillant et fracassant Née chikora. Deux ans de composition avec des collaborations artistiques de qualité, où JahKasa nous livre encore une belle histoire de griotisme aux 11 chapitres.
Il démarre savamment avec le titre éponyme qu’il avait eu l’excellente idée de mettre en vidéo (l'article ici) et qui est un jeu de mots entre le cauchemar et le rêve dans lesquels sont nées les générations victimes d’inégalités, de souffrances et d’injustices. Très belle guitare en intro, une batterie qui cogne dure, le balafon en arrière plan. Il est accompagné du soldat Tyiab sur ce morceau pour lui donné un coté punch DJ tandis que le tempo s’accélère.
Sur le morceau "ma tradition", qui démarre vraiment dans la musique traditionnelle, il s’est adjoint Dramane Djeli, son cousin, griot lui aussi, qui ont grandi ensemble et ont joué dans des mariages,et cabarets. Il est aujourd'hui une des valeurs sûres de la musique burkinabé et africaine de part sa voix puissante qui n’est pas sans rappeler le grand Salif Keita. Comme le chante l’artiste, même si il part vivre ailleurs, sa culture le suivra partout et à travers celle-ci tous ses amis.
Démarrage guitare et voix, suivi des chœurs pour attaquer "oppresseurs Babylon", là encore un très beau chant pour montrer l’éveil de l’Afrique, de celui qui ne doit plus subir mais aller de l’avant car comme le dit JahKasa, ils sont de la lignée des lions et de Sankara !
un son bien Afrique de l’Ouest pour attaquer la famille Le PHaine dans "esprit raciste", Cela rappelle les beaux jours des Sinsemilia avec "la flamme", car comme il le dit si bien, même si le ton a changé depuis le père, Marine a "des discours plus doux mais bien plus pervers". Le monstre a plusieurs têtes, le combat continue.
Des petits cris, du balafon et ce chant moré "Rakiré", une institution dans toute l’Afrique qui consiste à plaisanter entre les différentes ethnies sur leurs coutumes. Moment fort de l’album avec une guitare endiablée, des changements de rythmes, des voix magistrales des percussions et des balafons comme possédés par la magie pour vous faire rentrer dans la danse. Cela rappellera peut-être même à certains des morceaux du regretté Lucky Dube.
Avec une très belle ligne de basse, "Ne ka rastamousso" nous compte une belle histoire d’amour qui peut mal finir quand trop de ‘bouches sales’ : Vivre l’instant plaisant et se laisser transporter par le plus beau sentiment sur Terre.
"Gare à vous" démarre sur un balafon très haut dans la gamme pour nous parler de l’individualisme de la société africaine (même si..., un des mal de notre époque, où rien ne se fait gratuitement, tout est calculé, pas d’entraite entre les personnes, pas plus qu’entre artistes où chacun doit se faire une place, les politiques ne sont épargnés, il n’hésite pas à donner des noms car, comme il dit :
"Pendant vos campagnes électorales
Vous devenez tous des chanteurs de chorales
Qui annoncent les bonnes nouvelles
Vous promettez ciel et terre (…)"
"Nous en fou", très bon thème où chacun y va de sa propre vérité, la voix de JahKasa se fait plus grave, comme dans un psaume moderne, un véritable orateur de la bonne parole et pour le coup, on écoute la vérité du chanteur et on l’adopte, tout comme dans « grand frère africain ». On sent les grands frères Tiken Jah, Alpha Blondy aussi à travers ce chant, qui se veut là pour éveiller un peu plus les consciences, les grand frères ayant déjà ouvert un chemin.
Avec "FcFa (nos dirigeants africains)", c’est un des grands moments de l’album qui a déjà sa vidéo.Le démarrage sur le balafon et une bonne grosse basse nous comptent l’histoire de cette scandaleuse histoire de billets de banque encore fabriqués en France et qui après des années d’indépendance, bloque encore les pays africains anciennement français d’être dépendants. Natty Dread Reunion enfonce lui aussi le clou dans cette chanson. Artiste engagé, JahKasa chante ce qu’il milite et milite ce qu’il chante et n’a pas hésité à aller manifester devant la banque de France de Chamalières (ville à côté de Clermont-Ferrand), lieu où sont fabriqués ces fameux billets. Comme le somme l’artiste, les présidents africains doivent prendre leurs responsabilités pour devenir souverains suprêmes de leur pays avec leur propre monnaie.
L’album se termine par le tout autant sérieux "partir oh" avec Luciano (Mabrouk) du groupe réunionnais Kom Zot où partir devrait être un plaisir de vacances et non une obligation de survie. Une histoire de migrants (mot tellement à la ‘mode’ pour éviter de dire ‘émigré qui avait un côté plus péjoratif). 2 mots, une même définition qui ne doivent pas nous embrumer les yeux sur la détresse de l’humain avant tout.
Pour cet album, il a su enregistrer ces titres à travers trois lieux qui lui sont chers et se faire accompagner par des musiciens de la Réunion, du Burkina ou de la métropole, à savoir :
Yvan Boucheras et Guy Noël Alexis, Gildas Zallé aux claviers,
Francis ‘Picket Bass ‘ Dstchoutezo, Paul Koussoube et Nabuchodonosor Jacquelin à la basse,
Kevin Wendpanga Ouedraogo et Pascal Gasp à la batterie,
Jonathan Tapsoba et Jean Marie à la guitare,
Issouf Dembélé, Esai Somlaré aux percussions
Issouf Dembélé, Nihani Sanou et Karim ‘JahKaSa’ Sanou au balafon,
Tandis que les chœurs sont assurés par Nourat Zoma (voix magnifique qui avait sorti l'album Daaré en 2013), Krys Imany,et Mamy Dread.
Toutes les chansons ont été écrites par JahKasa et les arrangements et compositions se sont faits avec différents musiciens et se sont partagé les enregistrements
Un album frais tout en étant engagé, de belles sonorités, et comme l’a dit le grand écrivain, philosophe et ethnologue malien, Amadou Hampâté Bâ à l‘lUNESCO en 1960 « En Afrique, quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle. », on pourrait dire enrichissez votre discothèque de ce merveilleux album, celui-ci étant comme un livre des temps modernes !
Disponible en Cd et sur toutes les plateformes de téléchargement légales.
Sortie le 16/03/2019 à mjc o totem avec une release party (Chronique ici)
Tracklist :
01- Née chikora (feat. Tyiab)
02- Ma Tradition (feat. Dramane Djeli)
03- Oppresseur babylone
04- Esprit raciste
05- Rakiré
06- Ne ka Rastamousso
07- Gare à vous
08- Nous en fou
09- Grand frère africain
10- FCFA - nos dirigeants africains (feat. Natty Dread Reunion)
11- Partir oh (feat. Kom Zot /Luciano Mabrouk)