Après avoir consécutivement publié deux EPs, Class War (la grosse chronique ici) en 2017 et Step Along (la grosse chronique ici) en 2018, Feldub passe cette année à la vitesse supérieure en optant pour un album, Weapon, qui sera dévoilé le 11 octobre chez Banzaï Lab. En effet, le producteur bordelais a sorti l'artillerie lourde pour ce nouvel opus, à travers lequel il a convoqué un grand nombre de featurings vocaux et instrumentaux.
Car même s'il fait partie de cette mouvance dub actuelle qui privilégie le live machine, Feldub n'en reste pas moins marqué par la scène historique dub made in France qui mélangeait l'électronique aux instruments. A ce propos, il est à noter que, plus globalement, Banzaï Lab est marqué par cette tradition bigarrée, puisqu'il se réfère, d'une manière générale, à Jarring Effects, la structure par excellence qui a défini cette esthétique propre au dub hexagonal (voir ici).
Par conséquent, ne soyez pas étonnés si, sur des tonalités electro et digitales viennent souvent se greffer un violon, un harmonica, un melodica, une trompette. Concernant cette dernière, on remarquera que le son de Feldub descend en droite ligne de ses aînés et compatriotes bordelais, Improvisators Dub, bien que ceux-ci utilisaient plus volontiers le saxophone. Mais ceci dénote le soin tout particulier qu'accorde Feldub à garnir son dub de cuivres significatifs, à la manière de ses prédecesseurs.
En somme, Weapon, c'est un peu comme si les Improvisators Dub avaient rencontré les skank et mélodies propres à O.B.F. Les basses digitales dignes du crew haut-savoyard résonnent ainsi dès le titre d'ouverture "Rockers Anthem" alors que la trompette fait déjà son apparition mais sur une posture plus jazzy qui rappelerait plutôt Chinese Man ou alors les confrères de Feldub chez Banzaï Lab, Smokey Joe & The Kid.
Et ce mélange entre digital et sonorités plus organiques s'écoute aussi sur le stepper "Mad World" en feat. avec Thomas Anton ou encore sur le premier single de cet album, "Low My Sight" (voir ici) où la voix soul et suave de Marina P caresse ce riddim de Feldub qui entre en résonance avec les instrus du Digital Lab de Manudigital produit pour la chanteuse (voir ici).
Mais si nous évoquons O.B.F, c'est que deux MCs habitués de la bande à Rico ont été invités sur cette galette : Danman prête à sa voix au tonitruant "Fire Blazing" destiné à retourner le dancefloor en session sound system et qui fait écho au déjà puissant "Wicked Haffi Run", pendant que Mr Williamz pose son flow sur "King Of Iration", très anglais dans sa structure et qui aurait tout aussi bien pu être composé par Vibronics.
Outre des Britanniques, Feldub s'est permis d'inviter également quelques Jamaïcains. Les trois grandes patries du dub (Jamaïque, Angleterre et France) sont ainsi représentées sur ce Weapon, lui conférant une dimension universelle. Le légendaire U-Brown vient toaster sur "Step Along", titre éponyme de l'EP paru l'année dernière et qui contient en lui les germes du son d'Improvisators Dub avec quelques effets à la Dunbar en sus. Quant à Kojo Neatness, il nous ravit sur le stepper à la Vibronics "Perillous Time" avec un timbre qui n'est pas sans nous remémorer un certain Joe Pilgrim.
Le même Kojo Neatness se permet d'intervenir sur un second track, "Wonder Girl", qu'il partage avec Twan Tee. Exit le dub sur ce morceau, Feldub se dirige ici vers un reggae digital façon Brigante Records : Atili ou Higher Light auraient en effet très bien pu être les auteurs de ce "Wonder Girl". Ceci nous pousse à légitimer une fois de plus la portée universelle de ce Weapon, puisque Feldub ne s'est pas enfermé dans un pur album de dub et cela se ressent surtout dans la seconde partie de l'opus après avoir tout renversé avec des riddims stepper.
C'est ainsi qu'on retrouve encore une atmosphère très Brigante couplée à celle de Chinese Man ou Smokey Joe & The Kid sur "Tell'Dem" où Jman vient mash up ce riddim reggae digital/hip-hop aux grosses basses.
Feldub conclut ensuite son Weapon avec deux morceaux exclusivement instrumentaux, à travers lesquels il fait montre de ses goûts pour l'expérimentation inhérents au french dub. On se prend d'affection pour la trompette et le violon dissonnant qui viennent sublimer un "Dark Matters" aux influences hightoniennes, dans ce que le groupe peut proposer de plus digital. Quant à "No Matter What The Wicked Say", il signifie presque la rencontre virtuelle entre le dub d'High Tone, notamment dans sa déclinaison Dub Invaders (à la fois pour le skank et les samples) et la fameuse trompette du Peuple de l'Herbe ; les deux plus célèbres formations lyonnaises ne se sont jamais rencontrées sur disque : on en a rêvé, Feldub l'a fait.
Malheureusement, ces quatre titres, éloignés de l'écrasante domination du stepper dans les productions dub actuelles, ne sont pas les plus nombreux sur ce Weapon. Feldub s'en sort pourtant très bien dès lors qu'il opte pour du hip-hop, du reggae digital ou du dub cold et dark, surtout qu'il arrive parfaitement à marier ces styles avec des instruments acoustiques. On espère que cette dernière partie de l'album ne soit qu'un prélude à un opus beaucoup plus porté sur l'expérimentation dans les années à venir.
TRACKLIST
1. Rockers Anthem
2. Step Along feat. U-Brown
3. Perillous Time feat. Kojo Neatness
4. Mad World feat. Thomas Anton
5. Low My Sight feat. Marina P
6. King Of Iration feat. Mr Williamz
7. Fire Blazing feat. Danman
8. Wonder Girl feat. Kojo Neatness & Twan Tee
9. Tell'Dem feat. Jman
10. Dark Matters
11. No Matter What The Wicked Say
Artiste : Feldub
Album : Weapon
Label : Banzai Lab
Date de sortie : 11/10/2019