Ça y est ! Il est enfin là le tout nouvel album de Soom T tant attendu. Tant attendu, puisqu'il devait sortir en premier lieu au printemps mais il a été reporté en raison de la crise sanitaire. Et donc, après plusieurs mois de confinement auxquels s'est ajoutée la période estivale, la galette de l'Ecossaise, The Arch (avec une pochette très chrétienne et s'inscrivant dans la continuité religieuse de Born Again), est arrivée dans les bacs le 11 septembre par l'entremise du label X-Ray Production.
Il s'agit par conséquent d'une belle prise de la part de la maison de disques française qui ajoute ainsi un nom plus que prestigieux à son catalogue déjà bien garni, surtout quand on sait que les Anglais d'Asian Dub Foundation l'ont également rejointe récemment avec leur Access Denied et dont nous vous parlerons plus en détail très bientôt.
Car X-Ray Production c'est aussi la structure sur laquelle est signé un certain Manudigital (qui lui aussi d'ailleurs nous prépare un EP de dub bourré d'explosifs prévu pour le mois d'octobre) et avec qui Soom T a déjà travaillé de nombreuses fois, l'une comme l'autre se retrouvant en effet réciproquement sur leurs albums respectifs. On en veut pour exemple le Ode To A Karrot (la grosse chronique ici) de l'Ecossaise dans lequel Manudigital y signait les meilleurs riddims dont l'entêtant "Thank My Dealer".
Pas de Manudigital cependant sur ce The Arch, mais son ombre plane tout de même, étant donné qu'après des digressions pop, hip-hop et trip-hop (sans négliger le reggae bien sûr) sur Born Again (la grosse chronique ici) en 2018, Soom T signe son grand retour avec le reggae stricto sensu ici, la chanteuse ayant pris pour habitude d'alterner entre opus reggae pur et dur et albums plus éclectiques.
Pas de Manudigital donc sur ce The Arch, mais son ombre plane tout de même, car une partie des riddims est d'essence digitale et rub-a-dub ici. Soom T renoue ainsi avec le son qui a fait sa renommée, même si elle va encore plus loin en explorant ici à peu près tous les styles de reggae, du rub-a-dub au dancehall en passant par le one drop ou le dub stepper. The Arch, un album complet en somme et qui, bien que disparate en apparence, présente une certaine unité.
Et cette unité est également à mettre au crédit des protagonistes qui sont intervenus pour concocter cette galette, le producteur DJ Kunta, mais aussi et surtout le band lyonnais Highly Seen qui a fait montre de ses qualités tant pour la composition des riddims que pour leur interprétation groovy. On ne le dira jamais assez, mais Lyon demeure, pour les siècles des siècles, la capitale du dub made in France et Highly Seen porte le flambeau d'un genre qui perdure depuis la révélation d'High Tone à la fin des 90's jusqu'à la consécration d'un Panda Dub. Justement, les deux premiers singles que nous avions pu découvrir en début d'année, "Original That's Me" (voir ici) et "Far From Home" (voir ici) reflètaient cette passion du crew pour le dub stepper et so british, essentiellement calibré sound system (à la différence des ambiances plus expérimentales d'High Tone ou de Kaly Live Dub), configuration dont Soom T est notamment très friande.
Ce serait aller pourtant un peu trop vite en besogne que d'affirmer que ce The Arch est uniquement taillé pour le dancefloor ; alors certes, nous retrouvons des tracks, comme évoqués plus haut, qui mettent le feu aux poudres et qui valorisent le flow dévastateur, désormais légendaire, de la MC, mais il en est d'autres plus posés et à la lisière de la soul. Un peu à la manière de Free As A Bird (la grosse chronique ici) où le disco et punchy "Broken Robots" côtoyait des instrus plus calmes, la démarche est identique ici.
On apprécie ainsi tout particulièrement ces deux one drops façon Wailers que sont "Master Of Your House" et surtout "World Be Better" à la richesse instrumentale et aux arrangements stupéfiants auxquels s'ajoute la voix emplie d'espérance de Soom T dans une tessiture qui s'égare de ses envolées singjay habituelles. Dans le même registre, on mentionnera le dub presque méditatif qu'est "What Do I Do" où la voix soul de la chanteuse fait écho à "I Saw A Sign" et sa tonalité incantatoire.
A contrario, c'est la Soom T connue de tous que l'on peut écouter sur le dancehall et digital "Salute To The Boss". On observe le même résultat sur le bouillant et très efficace "Love The People" construit sur un riddim dans la lignée de ceux produits actuellement par toute la scène reggae digitale européenne avec un couple basse/batterie à faire trembler la terre. Le titre suivant et l'un des plus réussis de l'album, "Likkle England", conserve le même esprit digital et dancehall tout aussi détonnant, alors que "Son Finger" nous rappelle plutôt les premières instrus jamaïcaines issues de la digital era au milieu des années quatre-vingt avec sa structure épurée et squelettique ; la MC n'est d'ailleurs pas en reste avec son flow grave et quasi scandé à la limite du spoken dub.
Ainsi, si la tête d'affiche de ce The Arch est clairement Soom T, l'on ne doit pas faire l'impasse sur les Highly Seen qui ont brillamment démontré leur attrait pour le reggae digital (outre le dub mentionné plus haut). Ce n'était pas un pari gagné d'avance, mais le band a tout les atouts pour poursuivre dans cette voie, tellement leurs riddims suivent les traces des ténors du genre tels Manudigital ou Jahtari. Une illustration nous en est d'ailleurs finalement apportée via deux tracks dans lesquels Soom T s'attaque aux démons du christianisme avec "Sold Out To The Devil" et "Vampire Of The Empire" où les rythmes dancehall et rub-a-dub résonnent avec brio et renversent tout sur leur passage. Il fallait bien cela pour mettre en musique ce combat symbolique de l'Ecosssaise.
TRACKLIST
1. Original That's Me
2. Salute to the Boss
3. Sold out to the Devil
4. I Saw a Sign
5. Love the People
6. Likkle England
7. What Do I Do
8. Master of Your House
9. Son Finger
10. Vampire of the Empire
11. World Be Better
12. Far From Home
Artiste : Soom T
Album : The Arch
Label : X-Ray Production
Date de sortie : 11/09/2020
