Raavni – Transmission

Ce qu'il y a de passionnant avec la scène dub française, c'est qu'elle ne connaît jamais de répit. Voilà maintenant plus de vingt ans que les High Tone et autres Zenzile ont lancé le mouvement et, depuis, il n'a cessé de s'étendre aux quatre coins de l'Hexagone, sans discontinuer, multipliant les tendances, les prises de risque et les volontés d'exploration. En un peu plus de deux décennies, on ne compte plus le nombre incalculable de projets initiés, couronnés de plus ou moins de succès, qui auront permis à cette french dub touch de devenir l'une des plus foisonnantes et créatives au monde.

Et ce n'est pas cette année 2020 qui fera office d'exception. En effet, malgré un contexte sanitaire dramatique empêchant la tenue de la plupart des concerts, les dubbers français ne se sont pas reposés sur leurs lauriers et ont proposé quantité de petites merveilles musicales, d'O.B.F (voir ici) à Stand High Patrol (voir ici) en passant par Bisou (voir ici) ou Sumac Dub (voir ici), chacun faisant preuve d'originalité quant à sa manière d'appréhender le genre inventé par King Tubby. Et d'originalité, ce n'est pas ce qui a manqué non plus à l'artiste dont nous allons vous parler aujourd'hui, j'ai nommé Raavni, et qui a sorti son premier album, Transmission, le 8 mai chez VLAD Productions.

Premier album, car le projet est tout récent et date en effet de 2017. Le jeune dubmaker originaire de Saint-Herblain, à proximité de Nantes, n'a cependant pas traîné et s'est lancé immédiatement dans la production avec un EP en 2018 intitulé Dub & Didg et qui, vous l'avez compris, synthétisait le dub avec cet instrument phare des Aborigènes d'Australie qu'est le didgeridoo. C'était donc plutôt bien parti pour Raavni, puisqu'il restait dans cette tradition bien française de mixer l'électronique avec l'électrique, voire l'acoustique. 

      raavni, transmission, vlad productions

Il ne nous en fallait donc pas plus pour pleinement apprécier ce son qualifié d'"electro dub tribal" par l'intéressé. Ainsi, pour la faire courte et résumer grossièrement, Raavni, c'est un peu comme si Kanka ou High Tone rencontraient Hilight Tribe (dans un Hilight Tone) et ce n'est d'ailleurs pas un hasard s'il a pu partager la scène avec les trois entités récemment. Mais là où High Tone pouvait (et peut toujours) s'orienter vers des phases (très) suaves et méditatives, Raavni a essentiellement développé une esthétique stepper, à l'anglaise et axée sur le dancefloor, comme en attestent les dix titres de ce Transmission. Bien évidemment, cela n'empêche pas d'apporter des touches plus introspectives (notamment via les instruments utilisés, mais nous y reviendrons), mais il est très clair que le but de cet album est de faire danser.

Et cela est d'autant plus perceptible par le son très "live" qui en ressort, à mettre sans aucun doute au crédit de K-Sänn Dub, l'ingé son de Panda Dub qui a mixé et masterisé ce Transmission et qui est revenu à ses premières amours épiques après un virage à la coloration trap et trip-hop via son side project KSD. Retour aux sources que l'on peut aisément observer avec un track, "Family", où il a également participé en qualité de compositeur, car même si l'intro au piano annoncerait plutôt une ambiance quelque peu langoureuse (entre Chopin et Moby), l'option stepper est très vite envisagée par la suite.

Car même dès le titre d'ouverture qui porte pourtant le nom évocateur d'"Eveil", Raavni envoie immédiatement la sauce stepper ; on a en effet connu plus calme comme éveil et ce n'est pas le fait de faire résonner les notes grandioses du didgeridoo au bout de quelques secondes qui va arranger les choses. Qu'à cela ne tienne, ce Transmission part sur des bases solides et ça continue de plus belle avec les percus et le skank radieux qui retentissent sur "Raga Sun" ; et comme si ce n'était pas suffisant, Thomas Jacquot arrive en renfort du didgeridoo ici avec son sitar (on repense bien sûr au fameux "Sitar Man Dub" d'Improvisators Dub), les deux instruments entrant dans une alchimie totale.

C'est en sens que nous disions que cet album pouvait se révéler assez introspectif ; les arrangements et autres choix orchestraux déployés ici ne sont évidemment pas anodins et l'on en veut encore pour preuve la présence, contre toute attente, du mélodica, provoquant un effet bœuf total, sur "Dub Diphonik" et qui renforce la spiritualité du morceau, en complément d'un skank digital plus que planant, qualificatif qui peut être également employé à l'égard du synthé, de la flûte et des chœurs sur "Harmonic", pendant que le didgeridoo se pare de ses attributs épiques.

Il est donc clair que Raavni s'est beaucoup appuyé sur les instruments, aussi divers soient-ils, pour enrichir son dub electro. Et sur "Double Vibes", c'est le violoncelle (instrument que l'on entend malheureusement assez peu dans le dub) de Pierre Burgos qui fait son entrée en scène et qui vient s'appuyer sur une ligne de basse ronde à souhait. Mais si la vibe est double ici (une synthèse entre un son "occidental" et un autre plus "exotique"), il n'est pas nécessaire de s'attarder sur celle développée dans "Oriental Vibrations". Nous soulignerons juste qu'on se remémore les tracks les plus aventuriers d'High Tone, "The Orientalist" et "Train To Transylvania" en tête.

A ce propos,  les trois derniers morceaux de ce Transmission possèdent, non seulement, cette esthétique électro-instrumentale très rock n'roll propre à High Tone ou même Kaly Live Dub, mais il se trouve que Raavni et K-Sänn ont mis le paquet pour faire ressortir cette ambiance live, comme indiquée plus haut.
Le paroxysme est d'ailleurs à coup sûr atteint avec "Forest Warriors" avec ses basses très grasses et ses breaks abyssaux. Quant à "Yaté", on imagine franchement un live band face à nous (basse, batterie, didgeridoo et guitsitar de Kanard Chic) tellement on en prend plein les esgourdes et les pistes mixées et masterisées avec brio, de la même manière que sur l'ultime track, "Light's Invaders".
Qu'on se le dise, la scène dub française a encore de beaux jours devant elle, surtout si, en cette période morose pour le spectacle, elle est capable de nous faire vivre l'énergie d'un concert jusque dans notre casque ou nos enceintes domestiques.   

TRACKLIST

1. Eveil feat Manon Shanti
2. Raga Sun feat Thomas Jacquot
3. Dub Diphonik
4. Harmonic feat Glaö
5. Double Vibes feat Pierre & Joseph Burgos
6. Family feat K-Sänn Dub
7. Oriental Vibrations
8. Yaté feat Kanard Chic
9. Forest Warriors
10. Light’s Invaders

Artiste : Raavni
Album : Transmission
Label : VLAD Productions
Date de sortie : 08/05/2020

NOTE DE L'AUTEUR : 7 / 10



Partagez cet article sur vos réseaux sociaux :

Ces articles en relation peuvent aussi vous intéresser...

Ces artistes en relation peuvent aussi vous intéresser...