Qu'il s'agisse d'un album, d'un concert ou bien finalement d'une entrevue, Smokey Joe & The Kid ne seront jamais là où vous les attendez. Et c'est ça qui est intéressant avec les Bordelais ; ils vous surprendront toujours.
Après avoir chroniqué leur excellentissime dernier album Running to the moon paru chez Banzaï Lab le 25 mars dernier, je suis donc allé à leur rencontre au Moloco à Audincourt (25) vendredi 1er avril, alors qu'ils devaient donner un des premiers concerts de leur tournée qui avait commencé quelques jours plus tôt.
J'en ai donc également profité pour leur poser une petite série de questions. Je dis bien "petite" puisque cette interview n'était absolument pas prévue et qu'il a donc fallu que je la prépare assez rapidement.
Mais vu que Smokey Joe & The Kid ne se prennent pas du tout au sérieux, bien qu'ils travaillent très sérieusement (la qualité de leur album et de leur live suffit grandement à le prouver), cet entretien s'est déroulé dans une atmosphère assez désinvolte.
Rassurez-vous, nous avons tout de même parlé de musique !!
Mais j'ai quand même estimé nécessaire de restituer globalement tout ce que cet échange comportait, à la fois, de raisonnable et de fantaisiste.
Je souligne toutefois que je n'ai pas voulu préciser le traditionnel "rires" entre parenthèses, qui est normalement de rigueur dans ce genre d'interview. A vous, chers lecteurs de remarquer ce qui relève de l'ironie ou pas ici.
Crédit photo : Charliedub
Bonjour Smokey Joe & The Kid, pouvez-vous vous présenter ?
Smokey Joe : Salut, c'est Smokey Joe.
The Kid : Salut, The Kid.
Comment s'est passée votre rencontre et dans quelles circonstances êtes-vous devenus Smokey Koe & The Kid ?
Smokey Joe : On s'est rencontré il y a une dizaine d'années environ et on a commencé à faire de la musique ensemble à peu près au même moment. Nous avions chacun des projets personnels, on produisait des morceaux, des beats, puis on a commencé à travailler en duo. Au début, nous avions un groupe qui s'appelait Fools Drop.
Un jour en 2009, on a monté une soirée sur le thème du braquage d'un club et toute la musique était faite dans l'esprit du casse, des gangsters. On a trouvé des ponts entre le jazz d'époque et le hip-hop d'aujourd'hui.
The Kid : On avait joué "Mon papa à moi est un gangster" lors de cette soirée.
Il existe plusieurs collectifs de beatmakers et de turntablism depuis quelques années déjà en France. Vous situez-vous dans cette vague qui inclut C2C, Birdy Nam Nam, etc... ?
Smokey Joe : Oui, par filiation.
The Kid : On est au-dessus d'eux.
Smokey Joe : Bon d'accord, on est entre C2C et Birdy Nam Nam.
Oui, mais eux ils sont quatre, et vous n'êtes que deux.
The Kid : En effet, mais les C2C ont aussi des groupes de deux.
Smokey Joe : En fait The Kid en vaut deux.
Mais alors du coup, vous avez huit bras et non quatre ?
Smokey Joe : C'est ça, on fait plein de trucs sur scène.
The Kid : Bon, plus sérieusement. Au cours de la soirée dont on te parlait, ce sont ces groupes-là qui nous ont inspirés, avec également Chinese Man et Wax Tailor. A l'époque, les C2C n'étaient pas trop connus, mais ils avaient déjà participé aux épreuves de DMC [Disco Mix Club, championnat du monde en individuel et en équipes de DJ. C2C a remporté l'épreuve quatre fois de suite entre 2003 et 2006, juste après Birdy Nam Nam, champion du monde en 2002 NDLR]. Ils avaient pas mal de sons qui ressemblaient à ce qu'on voulait faire. On s'est aussi beaucoup référé au style jazz, swing, hip-hop de Chinese Man, même s'ils faisaient aussi du dub, et on a commencé à composer à partir de ces influences-là.
Et maintenant, on est au-dessus.
D'où vous vient ce goût pour l'éclectisme musical dans vos compositions ?
Smokey Joe : Pour la musique en général. On aime la musique et peu importent les styles.
The Kid : Le fait d'être deux également.
Smokey Joe : Oui, on a des influences différentes, mais qui peuvent être complémentaires. Cela enrichit le projet, nous permet d'aller dans différentes directions, tout en gardant un fil conducteur mais en étant assez libres.
Et les références cinématographiques avec tous les samples de films...
The Kid : C'est nous en fait.
Smokey Joe : On a tout rebruité. Il imite très bien Joe Pesci et moi George Clooney.
The Kid : Ce qu'on sample se prête très bien à notre style, qui est assez marqué dans le temps. Dans nos clips, on insère des visuels à connotation vintage...
Smokey Joe : ...et on nourrit ça avec des références cinématographiques.
The Kid : Cependant, dans le dernier clip, on a plutôt eu tendance à faire quelque chose de plus actuel, afin de ne pas continuer à réaliser des vidéos en noir et blanc et à s'éloigner de ce qu'on faisait habituellement, pour pouvoir aller de l'avant.
D'accord, j'ai compris. C'est pour avoir plus de vues sur Youtube et que ça parle plus aux jeunes.
Sinon, comment se passe votre travail de composition ?
Smokey Joe : On a un ghostwriter, en fait.
The Kid : On travaille chacun de notre côté et après on se fait des réus, des confrontations. On affine et on finalise ensemble. On a toujours procédé de cette manière.
Mais c'est vrai que sur le premier album, on repère cependant des morceaux qui se situent plus dans le style de Smokey Joe et d'autres propres à ce que je peux proposer moi.
Pour Running to the moon, le but c'était que l'album soit plus unifié et qu'il y ait un vrai fil conducteur et que l'on n'entende pas l'un marcher un peu sur l'autre.
Crédit photo : Jonas Laclasse
Jouez-vous des instruments pour vos compositions ?
Smokey Joe : Ah nan, pas du tout.
The Kid : On a fait jouer des instrumentistes sur l'album, mais nous non.
Smokey Joe : On a enregistré des gens (trombone, trompette,...). Sur scène, on joue des instruments, mais pas sur l'album.
On compose, on est des producteurs de musique électronique, donc on utilise d'autres instruments qu'acoustiques ou électriques. On se sert de..... d'instruments virtuels.
The Kid : Des ordinateurs !!
Smokey Joe : Ah je ne voulais pas le dire !!
The Kid : Des laptops !!
Smokey Joe : Et à partir de là, il y a des parties qu'on conserve en mode électronique, d'autres qu'on met en mode instrumental, ça dépend. Parfois, on peut combiner les deux, ainsi c'est encore plus énergique.
Et donc, comment se déroule votre live ?
Smokey Joe : Bah, on avait 40 dates de prévues et on va annuler le reste de la tournée.
The Kid : Ça se passe super bien !! Même si c'est un peu dur de revenir aux instruments. J'ai été guitariste dans un groupe de hardcore il y a une quinzaine d'années et là c'est la première fois que je rejoue sur scène avec ma guitare et donc c'est super compliqué. Tu n'es pas comme à la maison et ce n'est pas évident pour pouvoir gérer ça.
En fait, le but de cette tournée, c'était de faire le contraire de ce qu'on pouvait proposer avant. On voulait montrer qu'on était capables d'être hyperactifs et qu'on nous enlève cette étiquette de DJ's qui scotchent à leurs tables. Smokey Joe joue de la basse, moi du banjo, de la gratte et de la batterie électronique mais tout en continuant d'utiliser les machines. On a également une section cuivres et un chanteur. Nous on rape aussi et on fait n'importe quoi...
Ok, c'est un beau bordel, quoi...
Smokey Joe : On est hyperactifs sur scène.
The Kid : Et c'est bien fait, quoi !!
On a une formation classique, on a commencé tous les deux par les instruments, puis on est passé par la musique électronique. C'est cool de revenir à ça.
Smokey Joe : Ce sont ces autres outils qui font que le live progresse, chacun propose des choses nouvelles. Ce sont des défis pour nous, chaque année, on a envie d'apporter quelque chose de neuf. Et pour cette tournée, c'est vraiment ce que l'on voulait défendre et ça fonctionne plutôt bien sur les premières dates que l'on a faites. Il y a une vraie interaction avec le public.
Les musiciens vous accompagnent-ils sur toute la tournée ?
Smokey Joe : Oui.
The Kid : Nan, ils viennent juste à Audincourt.
Parce que La Grosse Radio est là ?
Smokey Joe : Exact.
Vous êtes de Bordeaux. Pour moi, cette ville est réputée pour son rock, avec notamment Noir Désir, ou pour son dub via Improvisators Dub...
Smokey Joe : ...oui mais ça, c'était au cours des années 90 et 2000.
Oui en effet. Alors justement, est-ce qu'il existe une scène électro dans cette ville ?
Smokey Joe : Il y a une énorme scène musicale qui se développe à Bordeaux, dans tous les styles, depuis cinq ou six ans. Enormément de groupes et de collectifs se montent en musique électronique, en hip-hop, même en musique concrète. C'est une ville qui est en train d'exploser.
Je suis sûr que c'est grâce à Juppé tout ça...
The Kid : Ouais il vient à nos concerts.
Smokey Joe : Hey Bro Alain, hey bro bro bro !!! Péju !!! 33 représente !!!
The Kid : Alain JPEG !!!
Smokey Joe : Disons qu'il a bien juppé la ville.
On va quand même parler un peu de reggae, forcément puisqu'on est La Grosse Radio Reggae. C'est une influence pour vous ce genre musical ?
Smokey Joe : C'est par là que je suis entré dans la musique électronique, vois-tu. J'ai été fan surtout du reggae des années soixante-dix, tout le rockers, mais aussi Johnny Clarke, Dr Alimantado, King Tubby, Prince Jammy, Twinkle Brothers.
En fait, je n'aimais pas trop l'électro à la base et c'est par le biais du dub, le fait de trifouiller des instruments, travailler sur des effets, des delays, que finalement un jour j'ai découvert High Tone et autres qui mélangeaient musique instrumentale et électronique et ça m'a ouvert pas mal à ça. J'en garde un super souvenir et puis la basse c'est le meilleur instrument dans le reggae. Pour moi, c'est une grosse influence le reggae.
The Kid : Et du coup, on a un morceau qui est un peu reggae dans le live et qui marche hyper bien. Ca permet de voir autre chose puisque c'est quand même très éloigné de ce qu'on peut faire habituellement.
Mais j'ai eu une phase reggae aussi. J'ai été très très fan de Steel Pulse, mais bon je ne suis pas allé beaucoup plus loin.
Smokey Joe : J'écoute Marcus Garvey de Burning Spear à peu près toutes les deux semaines, ça nettoie l'oreille.
The Kid : J'ai écouté plein de groupes de hardcore qui faisaient des morceaux reggae, comme les Bad Brains [avec entre autres, cette massive tune "I & I survive", NDLR] ou les Français Burning Heads [les albums Opposite, NDLR] qui composaient des titres reggae chan-mé ; ils alternaient entre albums de hardcore bien bourrins et albums de reggae.
J'aime bien aussi ce que faisait NOFX.
Un dernier mot pour La Grosse Radio ?
Smokey Joe : Wesh La Grosse Radio !!!
Un gros BIG UP à Smokey Joe & The Kid. Je les remercie de m'avoir accordé cette interview. Merci également à Nolwenn et Clément du label Banzaï Lab.