Peu de temps avant qu'il ne monte sur la scène du Nomade Reggae Festival (le gros report ici) en compagnie d'Eurosia Sound (MC Numan et selecta Bashment), nous sommes allés à la rencontre de Papa Style.
Le MC a accepté de répondre aux questions de La Grosse Radio au cours d'un entretien pendant lequel nous sommes revenus brièvement sur son album Turbulent (la grosse chronique ici) et sur quelques genres musicaux, en dehors du reggae, que Papa Style affectionne.
Il en a également profité pour nous confier en exclu quelques-uns de ses futurs projets.
Bonjour Papa Style, merci de nous recevoir au nom de La Grosse Radio. Sur ton album Turbulent, tu as principalement fait appel à Manudigital en tant que beatmaker, lui-même auteur de riddims "turbulents" aux grosses basses. Etait-ce le but recherché ?
Tout à fait, Manudigital, c'était complètement voulu. Mais il se trouve qu'à la base, j'étais parti sur un autre producteur musical aux influences différentes et un soir j'ai eu une sorte de révélation et je me suis dit : "Qu'est-ce que je suis en train de faire ? Ce n'est pas cela que je veux, c'est trop roots pour moi !" En effet, si on regarde bien mon flow, le roots n'est pas le style sur lequel je suis le plus à l'aise. On avait déjà bien engagé le projet et je me suis rendu compte que ce n'était pas du tout cela qu'il me fallait, puisque j'ai toujours voulu faire du son moderne qui tend vers le hip-hop ou l'electro. J'ai donc immédiatement pensé à Manudigital. Baco Records [label sur lequel est sorti Turbulent, NDLR] a été surpris au départ que je change mon fusil d'épaule mais ils se connaissent très bien avec Manudigital, la connexion s'est donc faite sans problèmes. C'était un énorme plaisir de pouvoir travailler avec lui. On retrouve également quelques riddims de Boris, bassiste de Danakil ; là aussi, c'était volontaire, ça faisait longtemps qu'on en parlait. C'étaient d'ailleurs ses premières instrus sur l'album et il a fait ça nickel, notamment "Tout là-haut".
Aujourd'hui tu es accompagné d'Eurosia Sound sur la tournée, cependant as-tu proposé à Manudigital de te backer ?
Je lui ai demandé. J'avais de toute façon l'intention de défendre Turbulent sur scène de la même manière qu'avec Papa Style & Baldas, c'est-à-dire en mode sound system avec des platines. Ça aurait été génial de pouvoir continuer l'aventure avec Manudigital en concert après l'album, mais à ce moment-là il commençait à vraiment développer son projet solo et il n'a malheureusement pas pu trouver le temps pour m'accompagner. Cependant, je ne regrette rien du tout, puisque la rencontre avec Eurosia a été quelque chose de magique et ce n'est pas une décision que j'ai prise en dépit. La collaboration avec Eurosia va même au-delà des concerts, puisqu'on est souvent ensemble, j'écris et j'enregistre des morceaux avec eux, on a d'ailleurs réfléchi tout le prochain projet ensemble. D'une certaine manière, c'est en train de devenir un vrai groupe.
Quel est ce futur projet avec Eurosia ?
Ahahah ! (rires) Je peux dire quelques mots exclusifs pour La Grosse Radio ! Pour l'instant, je ne préfère pas trop parler du beatmaker, puisqu'on ne sait jamais comment trop ça va se passer, rapport à ce que je t'ai dit plus haut. En ce moment, je suis en train d'écrire avec Numan, le MC d'Eurosia : je me charge des textes et lui va assurer les refrains, parfois en anglais. Il va y avoir quelques fast style, comme ce que j'ai eu l'habitude de proposer jusqu'à maintenant, mais aujourd'hui j'ai envie de passer plus d'émotions, un message beaucoup plus personnel. Ce sera donc plus posé et moins en mode raggamuffin.
Tu avais quand même commencé à développer certaines émotions dans Turbulent. Etait-ce une certaine ligne directrice que tu avais voulu initier ?
La ligne directrice de Turbulent, c'était avant tout de montrer ce que je suis capable de donner en live, de montrer toute cette énergie que je peux transmettre ; de ce point de vue-là, on s'est plutôt bien débrouillé (rires). Mais en effet commencent à apparaître quelques chansons comme "Tout là-haut" dans lesquelles je parle avec le cœur. Turbulent était là en fait pour marquer une évolution. Maintenant, je vais gommer tout l'aspect festif, partir sur des sons plus lourds et un flow plus tranchant. Le prochain projet va également être plus éclectique, bien évidemment reggae mais on va mettre d'autres rythmes, à l'heure où je te parle on ne sait pas encore lesquels mais ça va être complètement libre ; il pourra y avoir de la pop, de l'electro, etc, en tout cas plus aucune frontière. Ce ne sera pas only reggae, ça c'est sûr.
Peux-tu revenir sur le clip de "Back In Town" ?
C'est Xabi de Music Action qui m'a mis en contact avec un groupe basque très talentueux, Kulto Kultibo. On est voisins, puisqu'ils sont d'Ijun au Pays Basque. On a commencé à faire des sons ensemble, des freestyles et j'ai enregistré un titre pour eux ["Ecoute le flow", NDLR]. Je les ai donc invités sur mon album pour "Back In Town" et on s'est dit qu'on allait faire le clip ensemble, rien que pour la vibe. Ils ont un squat chez eux sous un espèce de grand tunnel où des gens skatent et font du graf. On s'est mis à l'abri sous le tunnel puisqu'il pleuvait, on a installé le sound system, on a branché la sono sur deux groupes électrogènes et on a tourné le clip de "Back In Town". Kulto Kultibo en a également réalisé un. C'était super, des gens se sont arrêtés, alors qu'on ne cherchait pas nécessairement de public.
Abordons maintenant quelques questions cross-over. Tu joues également dans le clip "Vocabularious" de Youthstar ft Big Red. Youthstar nous a raconté récemment (voir ici) que vous vous étiez tous donnés rendez-vous dans un pub très tôt le matin...
Ce clip est complètement ouf !! On était tous entre très bons potes, il y a effectivement Big Red mais aussi Numan, qui joue le rôle d'un ninja et qui se fait catapulter par un footballeur américain. Cette scène se déroule à mes pieds alors que je joue un figurant à une table de bar en compagnie de Johan Pouilloux, qui réalise tous mes clips : il est 8h du mat' et tu vois ton pote avec qui tu chantes se faire fracasser par un footballeur américain, tu vois le tableau ! (rires)
Pour la petite histoire, j'avais complètement zappé qu'on devait tourner ce clip, je m'en suis rappelé la veille en consultant Facebook. On revenait de plusieurs concerts assez tard et il a fallu que je mette le réveil très tôt le lendemain. Du coup, on s'est retrouvé dans un pub à 7h du matin ; à 10h, on te sert des bières, bref c'était génial (rires) !
Youthstar est un pote, je le considère comme le meilleur MC en drum n'bass en France et même ailleurs.
C'est envisageable un feat. entre Youthstar et toi ?
On y songe fortement, ça finira par se faire, puisque je sais que si je demande à Youthstar il va me dire oui tout de suite. On penserait à un gros feat. entre Youthstar, Big Red, Numan et moi.
Sur une prod de Chinese Man ?
Ah ça j'aimerais bien, mais je ne pense pas qu'ils me connaissent (rires) !
J'ai lu quelque part que tu écoutais beaucoup de metal grâce à ta femme. Connais-tu Gojira, groupe originaire des Landes et donc pas loin de Bordeaux ?
Pas du tout. Je ne suis pas un grand spécialiste du genre, mais il est vrai que j'en écoute beaucoup, vu que ça passe énormément à la maison. Je reste très old school, mon chanteur préféré c'est Bon Scott, j'adore sa voix moqueuse et arrogante, il se prenait des cuites sans arrêt et il arrivait à chanter dans les aigus. J'aime bien aussi Led Zeppelin, Suicidal Tendencies ou encore le groupe de hardcore du rappeur Ice-T, dont je ne me rappelle plus le nom [Frédo, photographe de La Grosse Radio, nous souffle alors Body Count, NDLR] et qui a sorti un album récemment qui déchire. Sinon, il y a des tas de choses que j'écoute à la maison, mais je suis incapable de me souvenir ce que c'est.
Tu avais participé à une série d'Irie Ites, le Soulful Spirit Riddim, sur "Seule Enlacée". Ce riddim est tiré du "How Long Do I Have To Wait" de Sharon Jones, décédée récemment. A-t-elle été une influence pour toi ?
Avant de faire ce titre, je ne connaissais pas forcément Sharon Jones, juste de nom, alors que je suis pourtant fan de soul, mais comme pour le rock, j'aime avant tout les vieux trucs, notamment la Stax et Otis Redding. La soul et le hip-hop sont les genres que j'ai le plus écoutés avant le reggae. Mais après "Seule Enlacée", je m'étais beaucoup plus intéressée à elle, elle avait une grande voix magnifique. Par contre, tu m'apprends quelque chose, je ne savais pas pour son décès. Paix à son âme !
Quelques réactions à propos du Nomade Reggae Festival ?
Alors en fait, on arrive tout plein de vibes du Reggae Sun Ska. J'ai une petite exclu : on a réussi à tourner enfin le clip d'un morceau avec Admiral Tibet sur lequel je fais le MC et qui figurera sur un maxi avec également Derrick Parker. C'était un honneur pour moi. On l'a checké hier avec un peu de suspense, puisqu'on ne savait pas s'il allait accepter. Du coup, on a passé une petite heure avec lui, il s'est donné à fond pour le clip. Avec Numan, on a aussi fini sur la scène avec Danakil devant 40 000 personnes, ça fait toujours plaisir. Du coup, là on arrive au Nomade Reggae Festival après avoir fait 8 heures de route dans les bouchons, on va donc tout donner sur scène. Je n'ai pas encore pu faire le tour du festival, mais je suis grave en forme pour tout déchirer pendant le concert !
Un dernier mot pour La Grosse Radio ?
La Grosse Radio ça claque ! On sent que vous vous intéressez vraiment aux artistes. BIG UP et à très vite !
BIG UP à toi aussi Papa Style ! Merci de nous avoir accordé cet entretien !
Merci également à Marie-Eve de Baco Records et à Fafa pour avoir organisé cette rencontre.
Crédit photos : Live-i-Pix