Dub Master Interview – Rencontre avec Roots Raid et Fabasstone

Les Dub Master Clash, c'est un concept tout nouveau lancé il y a plus d'un an par des producteurs passionnés de dub (Pilah, Fabasstone, Bongo Ben, Natty ODG,...) et qui avaient envie de se tester en clash. Amicalement, cela s'entend.

Curieuse d'en apprendre un peu plus sur le projet, La Grosse Radio est donc partie à la rencontre de trois participants à ces sessions dans le cadre du No Logo Festival.

Fabasstone (bassiste de High Tone) et le duo Roots Raid (composé de Bongo Ben, percussionniste des Ligerians, et de Natty ODG), qui s'étaient "affrontés" la veille, se sont alors confiés à La Grosse Radio.

Bonjour Roots Raid et Fabasstone, merci de nous recevoir au nom de La Grosse Radio. Pouvez-vous présenter le projet Dub Master Clash ? Quelle en est la genèse ?

Fabasstone : Tout est parti de la rencontre avec Felipe qui possède un sound system Clear Sound, entité qui n'est pas du tout orientée dub initialement et installée en Bulgarie en plein centre de Sofia. Les gars de Clear Sound ont leur usine et ils fabriquent leurs sound systems de A à Z depuis l'élaboration des plans jusqu'à la conception même. Ils font aussi les haut-parleurs, chose assez rare dans le milieu du sound system. D'autre part, c'est également le regroupement de producteurs et dubmakers qui avaient envie de monter un projet autour du clash.
Le principe est le suivant : on s'échange nos morceaux en multi-tracks et chacun remixe les morceaux de l'autre. C'est un clash amical, mais qui reste quand même un clash ! Ça nous stimule tous un peu, puisqu'on n'est pas là uniquement pour défendre nos propres productions.

Bongo Ben : Tout d'abord, je tiens à souligner que c'est un honneur pour nous de pouvoir travailler avec Fabasstone, l'un des pionniers du dub live en France. Pour rebondir sur ses propos, c'est en effet un bon challenge de se passer les morceaux et d'opérer un "ping-pong" en live avec les multi-pistes. C'est une belle aventure !

Fabasstone : Le live, ça reste quelque chose de difficile. A la base, le dub c'est une musique de studio. Tu es chez toi, tu mixes l'instrumental avec le vocal et ensuite tu fais ton dub. Tu gardes le meilleur après en avoir essayé quatre, cinq, dix ! C'est l'essence même du dub de jouer avec la reverb, les delays, les phasers et de pousser ces techniques au maximum, alors qu'elles sont utilisées de manière plus calibrée dans les autres styles de musique. Ça représente donc beaucoup de risques et tu peux très vite dénaturer les effets et te planter. C'est la raison pour laquelle on retrouve beaucoup de sélections en sound system. Cependant, nous, en tant que producteurs, on n'a pas forcément, une centaine de morceaux sous la main. Par conséquent, il faut pouvoir assurer avec notre set ! C'est un gros challenge !

Vous faites donc un live machine ?

Fabasstone : Tout à fait ! Personne ne fait de la sélection au sein des Dub Master Clash. Après, on peut inviter des gens au cours de nos soirées comme Stand High Patrol, O.B.F ou Panda Dub qui eux font leur truc. En ce qui nous concerne, on a toutes les pistes séparées dans la console, il n'y a pas de plan préétabli, et on rajoute des effets, sinon on s'ennuie à mourir ! (rires)

Natty ODG : En l'occurence, la manière dont on pense le concept est un peu comme de la sélection, puisqu'on va essayer de mettre plusieurs styles de musique au sein d'un set Dub Master Clash, sachant qu'on ne produit pas tous de la même façon et qu'on a tous des influences différentes.
Pour revenir concrètement au concept, un producteur joue son morceau, généralement avec un vocal, et l'adversaire va le remixer. Et ensuite on alterne.

Fabasstone : En effet, on joue en direct ce que tu peux trouver sur un vinyle : le vocal en face A et le dub en face B.

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Et à propos des morceaux que vous jouez, y a-t-il une liste établie à l'avance ou s'agit-il d'improvisation ?

Fabasstone : On essaye quand même de bien cadrer le truc. Mais après, tu ne peux pas forcément tout prévoir. Et puis, il faut garder à l'esprit que c'est quand même beaucoup de travail en amont : par exemple, pour hier, j'avais 7 morceaux à préparer et à mettre au point dans mon ordi. Et comme je le disais plus haut, on n'est pas dans une formule DJ set avec cinquante, soixante morceaux sous la main, on n'a pas cette réactivité. Il faut donc pouvoir agencer le set un minimum à l'avance afin de ne pas destabiliser le public. On ne peut pas nécessairement faire quelque chose de très cérébral avec des accords mineurs et balancer juste après des accords majeurs et mélodiques avec des notes plus positives, cet aspect marcherait beaucoup moins et perdrait en efficacité.

Un MC est présent avec vous pour présenter et "arbitrer" le clash. On a l'impression de se retrouver en ouverture du Big Showdown entre Scientist et Prince Jammy...

Fabasstone : Tu parles de mes grands-pères, là ! (rires) Carrément ! C'est tout ce travail de technicien initié par King Tubby et qui est devenu une véritable discipline artistique qui nous a plu. C'est LA grande référence. Le dub est né en Jamaïque au début des années soixante-dix, mais à y bien regarder, peu de temps auparavant, aux Etats-Unis, Jimi Hendrix faisait la même chose avec des distorsions, des wha wha. Ces techniques sont arrivées en Jamaïque par la suite et elles ont été couplées au sound system qui est à la base de toute la bass music, du hip-hop, de la house, de la drum, etc...

Pilah nous confiait en interview l'année dernière que les Dub Master Clash "avaient peut-être mis l'étincelle à la création" du projet Joe Pilgrim & The Ligerians Meet Pilah. D'autres rencontres pourront-elles émerger ?

Fabasstone : Je ne sais pas, mais c'est vrai qu'on n'est pas là à se demander ce qu'on va faire à partir des Dub Master Clash, d'autant plus qu'on ne se fixe pas forcément de limites. Après, le projet est quand même relativement récent, un an et demi environ. Et il faut dire qu'on habite tous assez loin les uns des autres et on n'a pas tant de temps que cela pour pouvoir se retrouver. Par contre, on se dit que ce serait bien de sortir enfin des vinyles.

Bongo Ben : La rencontre avec Pilah était quand même différente puisqu'elle était avant tout axée sur Joe Pilgrim. Au jour d'aujourd'hui, on essaye plutôt de fédérer le collectif qui est constitué de Pilah, Fabasstone, Dub Shepherds, Anti Bypass et Roots Raid et de le pérenniser.

Fabasstone : Par contre, on n'est pas du tout fermé à ce que d'autres producteurs participent à des sessions : cela a pu être notamment le cas de Mayd Hubb ou Full Dub aux Tanneries à Dijon. On a pris une grosse claque au cours de cette soirée, car ce n'est pas souvent que tu trouves ce genre d'endroit qui ferme aussi tard et qui laisse autant de libertés pour le public. J'ai retrouvé un peu l'esprit alternatif qui existait à Lyon une vingtaine d'années plus tôt et qui s'est perdu. BIG UP aux Tanneries !!

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High Tone a souvent collaboré avec d'autres groupes comme Brain Damage (High Damage) ou Improvisators Dub (Highvisators). Est-ce qu'un Ligetone ou Highgerians (rencontre entre High Tone et les Ligerians) pourra voir le jour ?

Fabasstone : On arrêté ce genre de rencontre pour justement monter Dub Invaders. Le principe était en fait de travailler avec d'autres groupes entre deux albums, ce qui nous permettait de casser les codes d'High Tone, d'explorer de nouveaux chemins et à partir de cela aller sur la création de notre album. Mais maintenant, avec le temps, on a tous des enfants, on est très occupés et c'est compliqué de pouvoir aller à la rencontre d'autres artistes dans une ville éloignée. Au contraire, avec Dub Invaders, on peut se renouveler tout en restant chez nous, dans notre home studio.
Par contre, à propos du même état d'esprit de rencontre on sera présent au Télérama Dub Festival avec Omar Perry avec qui on a fait quelques dates et avec qui on s'entend très bien, Shanti D, qu'on connaît depuis longtemps, et Lady Chann avec qui on a déjà fait des dubplates. C'est un projet particulier et il mettra en scène High Tone dans ce que le groupe a de plus dub ; on a beaucoup éclaté les barrières du style à tel point que ce n'est plus du tout du dub ce qu'on fait maintenant. On sera en quelque sorte un backing band electro-dub pour ces chanteurs, on va prendre des morceaux à eux et à nous. C'est une création unique qui ne sera jouée qu'une seule fois.

Echo Minott a déjà participé à quelques-unes de vos sessions. Allez-vous inviter d'autres chanteurs à l'avenir ?

Fabasstone : En fait, on fonctionne vraiment par rencontres directes. C'est Pilah qui s'est lié avec Echo Minott et une vraie amitié est née entre eux. Pour nous, c'est un coup de cœur, d'autant plus qu'il est encore très actif pour son âge ! On ne va pas inviter comme ça un mec qu'on ne connaît pas, ce n'est pas du tout notre démarche. Mais on kifferait pouvoir faire venir d'autres chanteurs prêts à défendre notre projet.

Vous l'avez évoqué plus haut, vous allez sortir des vinyles ?

Natty ODG : Pilah vient justement d'enregistrer un morceau avec Echo Minott et que l'on a remixé. Beaucoup d'autres choses vont sortir prochainement, on va prendre les meilleures idées et ce qu'il y a de plus abouti. On a également un autre vocal avec Danman sur lequel ont travaillé tous les proganistes de Dub Master Clash.

Vous avez joué un morceau avec Danman en feat. hier ?

Natty ODG : En effet, il s'agit de "Dread Inna Babylon", mais c'est paru sur le label de Roots Raid, Berry's Records. Les producteurs sont Massive Dub Corporation, un groupe live de Bourges. Ils sont venus au studio et on a mixé le morceau à la maison. C'est la cinquième sortie sur Berry's Records.

Quelques réactions sur le No Logo ?

Fabasstone : C'était une première pour le No Logo d'avoir un dub corner de la sorte et dès les balances les gens étaient collés aux enceintes ! Hier, c'était juste pas possible d'y accéder tellement il y avait de monde ! On a vraiment kiffé de jouer sur cette sono qui nous plaît beaucoup puisqu'elle est très précise. En effet, vu qu'on fait du live machine et pas de la sélection, l'impact n'est pas du tout le même au niveau du son. Mais là, il est très clair et on retrouve un peu ce qu'on a chez nous. On s'est bien fait plaisir !

Merci Roots Raid et Fabasstone d'avoir répondu à nos questions.
Merci également à Charlotte du No Logo pour avoir organisé cette rencontre.

Crédit photos : Live-i-Pix



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