Après Mellow Mood l'année dernière, c'était au tour de Protoje et de son backing band The Indiggnation de se présenter aux massives en qualité d'artiste reggae de cette édition 2017 des Eurockéennes de Belfort.
Le Jamaïcain était programmé sur La Greenroom, la deuxième scène (sur les quatre que compte le festival) en terme de capacité d'accueil de spectateurs, ce qui est plutôt un signe de reconnaissance.
Après une brève introduction de la part de The Indiggnation, Protoje déboule afin de se poser sur "I & I" puis il enchaîne sur l'excellent rub-a-dub "Resist Not Evil" sur le "Militancy" riddim. Le son des Indiggnation est carré et pointu, on sait qu'on va passer un excellent moment et d'ailleurs, la pluie qui se faisait battante jusqu'à peu cède enfin sa place au soleil.
On le sait, Protoje se réfère énormément aux classiques, il suffit de réécouter notamment son Ancient Future (la grosse chronique ici). C'est ainsi qu'à la fin de "Protection", il reprendra le célèbre "Police in Helicopter" de John Holt. Sur "Sudden Flight", à travers lequel il revisite le mythique "Gunshot" riddim, il nous offre, en compagnie de ses Indiggnation, un gros dub qui fera skanker le public en n'omettant pas de mentionner le père du dub avec un "King Tubby style".
Si Protoje fait quelques sauts dans le temps bien plaisants, il ne se gêne pas non plus pour ouvrir un peu plus le reggae à d'autres genres ou d'autres publics. Sa programmation aux Eurockéennes ne doit en effet rien au hasard. Avec "Criminal" aux influences boom-bap, son guitariste ne se prive pas non plus pour jouer un solo très porté sur le rock en fin de morceau. Quant à "Stylin'", son clavier utilise le vocoder de manière assez intensive, comme quoi, il n'y a pas que Booba (artiste dont la programmation fut très controversée cette année aux Eurockéennes) qui soit fan du bidouillage des voix, même dans le reggae ce procédé est massivement utilisé.
Peu importe, on aura également beaucoup apprécié de voir enfin Protoje interpréter "Strolling", alors qu'on a plus l'habitude d'être confronté à Alborosie pour ce morceau. Le Jamaïcain s'en sort très bien seul sur ce riddim composé par Manudigital et son crew de Flash Hit Records.
Le clou du spectacle restera selon nous le rub-a-dub "Hail Ras Tafari" qui aura eu droit à une véritable extended version en mode stepper et qui a pu prendre des allures de funk avec une guitare typiquement caractéristique de ce genre musical.
En fin de set, Protoje interprétera les tubesques "Who Knows" et "Kingston Be Wise" qui auront chacun droit à leur pull-up (bien évidemment) et qui viendront conclure une prestation accomplie avec brio et qui aura su trouver son public, lequel aura répondu présent avec force et conviction.
Crédit photo : Arthur Kemmons - Association PixScènes
Quelques heures après son concert, nous sommes allés à la rencontre de Protoje. L'artiste nous a accordé quelques minutes et a accepté de répondre à nos questions.
Bonjour Protoje, quel effet cela te produit de jouer dans un festival éclectique alors que tu étais encore présent au Summerjam la semaine dernière ?
Pour moi, c'est génial de pouvoir jouer dans un festival comme celui-ci. Ça permet de pouvoir offrir ma musique à un public qui ne connaît pas forcément le reggae. Des gens qui ne sont pas habitués au reggae peuvent le découvrir et c'est ce qui me plaît avant tout.
Tu as interprété ce soir "Who Knows", morceau initialement en feat. avec Chronixx. Ce dernier vient tout juste de sortir son premier album. Qu'en as-tu pensé ?
J'ai l'ai écouté hier, je l'ai trouvé très ambitieux. Il y a des styles différents et cet album permet de faire avancer le reggae, il lui procure une approche différente.
Tu as également joué "Blood Money" qui tend vers le hip-hop...
Ah, tu penses que "Blood Money" est hip-hop ?
Des influences, tout du moins. En tout cas, il ne s'agit pas d'un morceau reggae classique.
Je ne fais pas de reggae classique. Beaucoup de gens restent en général bloqués sur le son reggae des années soixante-dix et quatre-vingt et pour eux le reggae doit sonner de cette façon. Quant à moi, ce n'est pas du tout ma démarche. J'essaye de faire avancer le reggae en le renouvelant et en lui apportant une touche plus moderne.
Ton feat. avec Major Lazer ("Christmas Trees", voir ici), collectif qui casse également les codes du reggae, se situe-t-il lui aussi dans cet état d'esprit ?
En fait, c'est Diplo qui m'a contacté et qui m'a demandé si je voulais bien faire un morceau avec Major Lazer. J'ai accepté parce que j'adore leur musique et que nos goûts s'accordent.
On t'a entendu jouer "Strolling", initialement en feat. avec Alborosie. As-tu retravaillé le morceau afin de te l'approprier ?
Oui, en effet. J'ai chanté mes couplets, mais j'en ai rajouté d'autres, puisque c'est très difficile pour moi de pouvoir reprendre les lyrics d'Alborosie, sachant qu'il a une voix assez haute. BIG UP Alborosie !
Dernièrement, on a vu des Jamaïcains sur de grosses productions américaines, comme Skip Marley avec Katy Perry ou Sizzla avec DJ Khaled. Penses-tu que ces collaborations apportent plus de notoriété à la Jamaïque ?
Tout à fait, je crois que la musique jamaïcaine accèdera à encore plus de reconnaissance internationale durant les prochaines années, surtout grâce à ce genre de collaborations. Mais ce n'est qu'une question de temps, et bientôt on entendra beaucoup plus parler des artistes jamaïcains.
BIG UP Protoje ! Merci de nous avoir accordé cet entretien.
Merci également à tout le staff d'Ephélide pour avoir organisé cette rencontre et plus particulièrement à Juliette qui a assumé le rôle d'interprète au cours de l'interview !