C'est La Rodia de Besançon qui accueillait la troisième soirée du Télérama Dub Festival cru 2017 le 10 novembre dernier. Après des escales à Marseille (le gros report ici) et Angoulême, le plus célèbre des festivals français en matière de dub avait décidé de poser ses valises dans le cadre magnifique de la salle bisontine qui bénéficie d'une vue imprenable sur la rivière le Doubs et la fameuse citadelle de Vauban depuis une terrasse aux allures d'esplanade. Ne manquaient plus que les chaises longues aux couleurs du magazine culturel pour compléter ce tableau exceptionnel, mais on ne va pas chipoter, d'autant plus qu'il pleuvait ce soir-là.
Bref, hormis un groupe de live, Joe Pilgrim & The Ligerians Meet Pilah, le line-up de Besançon était principalement axé sur le sound system. C'est d'ailleurs le Sinai Sound System de Sheffield qui s'est chargé d'animer la soirée et qui a donc accueilli les massives à partir de 22h.
Après ce warm-up chaud bouillant opéré par les Anglais, c'est Bisou qui s'est installé derrière ses machines pour nous faire part de son "electro dub pop". On ne va pas vous mentir, c'était principalement pour lui que La Grosse Radio avait fait le déplacement à Besançon, non pas que les autres artistes ne nous intéressaient pas, mais Pilah ou Soom T ne sont plus des inconnus. Depuis qu'Ackboo nous avait parlé de Bisou en ces termes : "Il faut également avoir à l'esprit que le dub est très protéiforme. Par exemple, Bisou, un producteur, a pu se faire lyncher sur Internet, parce que des auditeurs ont considéré que ce qu'il faisait n'était pas fidèle au genre", on avait hâte de découvrir ce que le jeune homme de 23 ans valait en live et, surtout, si sa musique était aussi iconoclaste.
Pour tout vous dire, Bisou reste avant tout un artiste dub, même si d'autres influences viennent se greffer sur sa musique. Essentiellement marqué par le dub digital, il peut également s'adonner au dubstep, à l'electro et à des sonorités qui flirtent limite avec la techno, tout particulièrement en fin de set.
Il nous a immédiatement mis en jambes en début de live avec son cut explosif du "Tempo" riddim avec un certain Riwan des Wailing Trees en feat. Puis il a enchaîné avec quelques morceaux de son premier EP sorti chez ODGProd en début d'année, mais il en a également profité pour nous confier en exclu des tracks de son futur album, toujours chez ODGProd, qui comprendra des collaborations avec Zaira Zen ou le Lyonnais Towst au flow capletonien.
Et c'est alors qu'il a fait retentir sa version de "L'Amour ne s'arrête pas" de Marc Lavoine (qui comprend déjà une mélodie digitale), le fameux morceau qui lui a causé tant d'hostilité sur le Net (reprendre Marc Lavoine est en effet considéré comme un crime de lèse-dub selon les insupportables puristes du genre) ; cependant il n'en était rien ce soir-là à La Rodia. Les massives ont skanké comme des diables sur ce dub stepper dans une ambiance très club avec quelques relents house, voire dance.
Place au live band ensuite avec Joe Pilgrim & The Ligerians meet Pilah. C'est la deuxième fois après leur show au même Télérama Dub Festival l'année dernière à Lyon (le gros report ici) que les artistes se produisaient dans cette configuration. Peu de modifications notables entre les deux concerts, hormis le renfort de l'organiste des Ligerians, grâce à qui on peut mieux apprécier les superbes riffs au clavier sur "Go Down The River" ou "Blessing Light" (morceau qui aura d'ailleurs droit à deux pull-up, c'était obligé !!) notamment. Autrement le principe est toujours le même : Pilah, en tant qu'opérateur, reçoit en direct les pistes de chacun des musiciens afin de les dubber et d'y rajouter quantité d'effets (voir à ce propos notre interview de Joe Pilgrim et Pilah sur le projet). Les remix de Pilah figurant d'ailleurs sur la réédition vinyle de l'album Intuitions parue récemment.
Le set est toujours aussi bien rodé et l'on prend toujours autant de plaisir à voir le combo. Joe Pilgrim continue de nous éblouir avec ses danses et son attitude quasi extatique à la limite de la transe et on le surprend même parfois à épauler Bongo Ben aux percus. La section rythmique demeure, une fois de plus, très solide, surtout lorsqu'elle est en première ligne durant les parties strictly dubwise. C'est en effet là que réside tout l'intérêt de ce projet, les morceaux sont de véritables extended versions (aucun ne dure moins de 6 ou 7 minutes) permettant ainsi aux musiciens et à Pilah de montrer toute l'étendue de leur maîtrise du dubwise en live & direct, d'autant plus qu'on sent les artistes s'éclater sur scène à revisiter Intuitions (la grosse chronique ici) dans ce format dub. Ils reprendront également quelques tracks de The Good, The Bad & The Addict, l'album de Pilah sorti en 2015 avec un certain Joe Pilgrim mais aussi Ivan-Jah.
Oui, le dub live est encore bel et bien vivant en France et il a encore de beaux jours devant lui !
Les protagonistes du projet photographiés l'année dernière au Transbordeur par Live-i-Pix
C'est ensuite Soom T, la talentueuse MC écossaise qu'on ne vous présente plus, qui a pris le relais de Joe Pilgrim et de ses acolytes. Après sa prestation cet été en live band au No Logo (le gros report ici), Soom T est revenue à ses premières amours à Besançon, à savoir le sound system. Backée en l'occurence ce soir-là par celui qui animait la soirée, euh pardon la nuit, le Sinai Sound System, la singjay a donc défendu majoritairement ses hits reggae/ragga/dub en faisant quasiment abstraction de l'album plus pop/soul, Free As A Bird (la grosse chronique ici), difficilement représentable en sound et qui se prête mieux au band.
Son temps de set était prévu pour durer une bonne heure et quart mais elle l'a très largement dépassé, tellement elle a littéralement mis le feu au dancehall ! BIG UP Soom T ! Elle a d'ailleurs enchaîné et collectionné les selfies avec le public à l'issue de son show.
Après un petit warm-up d'une quinzaine de minutes pendant lequel elle était retranchée dans le corner et où elle s'est posée sur le "Stalag" et sur "Pull It Up", elle est montée sur la table, alors qu'elle toastait sur le "Brest Bay" riddim de Stand High Patrol, pour ne plus s'en détacher durant le restant de son set.
Dès lors, elle a invectivé les massives à base de "Yeah Oh" ou de "When I say Sinai, you say Sound" et on l'a entendue interpréter quelques tracks de son Ode To A Karrot paru en mai dernier (la grosse chronique ici) comme "Boom Shiva" mais aussi les big bad tunes produites par Manudigital, "Easy Weed" ou "Thank My Dealer". Autrement, elle saura définitivement nous épater avec sa façon à elle de se poser sur le "Brainwash" riddim de Tom Fire, mais aussi lorsqu'elle reprendra le mythique "Insane In The Brain" de Cypress Hill en faisant participer le public.
Il était environ 2h45 du matin quand elle a abandonné le mic au profit du selecta du Sinai Sound System qui, dès lors, a conclu la soirée, euh pardon encore une fois, la nuit, dans un dub fi dub à base de dubplates et de sélections stepper made in England.
Merci à l'équipe du Télérama Dub Festival (Frédéric Péguillan and so on), à Bi-Pole, à l'association No Fate et à La Rodia pour leur accueil et leurs good vibes !
BIG UP également à tous les artistes présents ce soir-là !
On se retrouve le 25 novembre à Paris pour une soirée qui s'annonce déjà inoubliable !