C'est le 4 novembre dernier, à La Cave à Musique de Mâcon, qu'Erik Arma avait décidé d'effectuer la release party de son premier album Citoyen Du Monde (la grosse chronique ici) sorti un mois plus tôt. En effet, Mâcon n'a pas été choisie au hasard, puisqu'il s'agit ni plus ni moins que du fief de Broussaï, le groupe dont Erik Arma est l'un des deux chanteurs au côté de son acolyte Tchong Libo. Alors que les deux complices développent actuellement chacun leur projet solo (mais qui ne signifie en rien la fin du groupe, plutôt une parenthèse), Erik Arma s'est présenté à Mâcon devant des massives venus en nombre afin de défendre cet opus reggae mais pas que.
Qui dit release party dit forcément fête et qui dit fête dit forcément potes. C'est ainsi qu'Erik Arma a convié certains autres acteurs de la scène reggae et dancehall française pour partager ce moment avec lui, j'ai nommé Yoha & The Dragon Tribe et Scars backé par Selecta Antwan.
Yoha a ouvert la soirée en compagnie de son band The Dragon Tribe. Pour celui qui s'est forgé une solide expérience scénique avec son binôme de Saï, Williams Brutus, l'heure est maintenant venue de proposer un son plus électrique et plus percutant. Et pour ce faire, il peut compter sur la qualité de jeu de ses musiciens. Un mot pourrait ainsi résumer à lui seul le sentiment qui nous envahis durant le set de l'intéressé : le groove.
Et pourtant, le show est introduit tout en douceur avec "When I Play Music", sorte de ballade reggae destinée à ne pas trop brusquer le public qui remplit peu à peu la salle. Mais les choses sérieuses commencent immédiatement après avec "Faya Bad Thinking" à l'ambiance limite calypso/rocksteady et beaucoup plus pêchue. Dès lors, Yoha et ses musiciens ne vont pas lâcher ce rythme de croisière durant tout leur set. Qu'ils s'agisse de rockers survitaminés, on sera en effet bluffés par la maestria de leur reprise du mythique "Dreadlocks The Time Is Now" des Gladiators avec en première ligne un batteur époustouflant, ou d'un dub façon live (on pense notamment à Zenzile) qui nous a fait skanker avec fougue, les massives répondront présents devant cette énergie déployée par le groupe.
Et même si le concert était entrecoupé de passages plus intimistes, comme lorsque Yoha & The Dragon Tribe interpréteront à leur manière le "Hallelujah" de Leonard Cohen et qu'ils seront épaulés par un violoncelliste, on n'a pas lâché prise. C'est justement le violoncelliste qui introduira un "Exodus" de qui vous savez, repris là aussi avec une section rythmique incroyable.
Qu'on se le dise, Yoha & The Dragon Tribe est une valeur sûre sur scène.
Broussaï aussi est un groupe de scène, cela va de soi. Sur son projet solo, Erik Arma s'inscrit dans la lignée des prestations en live du combo mâconnais ; par là, nous entendons, là encore, une section rythmique qui fait montre de sa maîtrise de l'élément essentiel du reggae music : un son lourd et massif. A la basse, nous retrouvons donc Reynald Litaudon de Broussaï (forcément) et à la batterie, Manu Garcia, qui a déjà sévi auprès d'Horace Andy notamment. Le reste du line-up se compose de Thibaud Saby au clavier et du guitariste Jawad, membre des Wailing Trees. Bref, inutile de préciser que ça en impose.
Erik Arma était donc venu interpréter les titres de Citoyen Du Monde ; pratiquement tout l'album y est passé. Après un bref tour de chauffe par ses musiciens, le chanteur apparaît sur la scène pour "Droit Devant" et le public l'accueille avec ferveur. Erik Arma est à l'aise, rien ne saurait laisser croire qu'il vient d'entamer une première expérience en solo. Puis, il poursuit avec "Eternelle", auréolé d'un gros dub par son band, et le titre éponyme de l'opus. Mais jusqu'à présent, on est comme qui dirait en terrain conquis, c'est du roots bien lourd qu'on entend, à la manière de Broussaï, même si les textes sont plus intimistes. Intimiste, tel est le mot d'ordre justement pendant le morceau "Avant de partir", dédié à son père disparu, alors que seul le clavier est resté auprès d'Erik Arma lors d'un moment solennel et assez émouvant du show.
Mais ce n'était qu'un intermède touchant, puisque les autres musiciens font leur retour pour jouer notamment les quelques titres en feat. sur l'album, à savoir les rub-a-dub "Peace" avec Johnny Osbourne et "Ici et Maintenant" avec Jahneration. C'est le guitariste qui se substituera aux couplets du duo francilien juste avant que Yoha et Scars ne viennent sur scène pour accompagner Erik Arma.
Et ce sont "Ne m'en veux pas" et "J'avance" qui viendront, entre autres, conclure un set maîtrisé de bout en bout. Erik Arma a finalement tenu à préciser que Broussaï n'était en rien une histoire finie et qu'un album verrait le jour en cours d'année prochaine.
Avec Scars, l'ambiance a changé du tout au tout et pour tout vous dire, c'était parfait pour terminer la soirée. Le Normand était backé par son fidèle acolyte du Terminal Sound, j'ai nommé Selecta Antwan que les auditeurs de La Grosse Radio Reggae connaissent bien pour ses mix certains dimanche soir.
Selecta Antwan a d'ailleurs effectué un petit warm-up à base de dancehall, de trap et de bass music au cours duquel on entendra le célébrissime "Make It Bun Dem" de Skrillex & Damian Marley. Cette intro était logique pour mieux amener l'univers du nouvel album de Scars, Je suis comme ça (la grosse chronique ici), énormément influencé par le dancehall et l'esthétique bigarrée de Major Lazer, crew auquel il adressera d'ailleurs une petite dédicace pendant le concert.
Scars se posera ainsi d'entrée de jeu sur "Scars Kent" composé par Manudigital et sur "Hey Yo Docta", mais il en profitera aussi pour nous dire qu'il est "Déterminé", en référence à son premier album, Plus Aucun Doute. Ça c'est pour les instrus dancehall, mais Scars sait aussi se montrer plus roots, ainsi qu'en atteste le titre éponyme de son dernier opus.
Le clou du spectacle restera assurément le moment où, se remémorant leurs débuts, Scars et Selecta Antwan, aka le Terminal Sound donc, rendront hommage à tous ceux qui les ont inspirés comme Raggasonic ou Nuttea. Mais ça ne s'arrête pas là, puisqu'Antwan mettra au défi son acolyte de toaster sur plusieurs mesures sans prendre sa respiration, pari que Scars aura su gagner facilement ou difficilement, c'est selon votre appréciation.
BIG UP à La Cave à Musique ainsi qu'à tous les artistes présents ce soir-là !
Crédit photos : Live-i-Pix