Troisième et dernier épisode en ce dimanche 12 août pour le No Logo où la chaleur, les vibes et la bonne humeur sont plus que jamais au rendez-vous à Fraisans. Les légendes jamaïcaines (Mighty Diamonds, Sly & Robbie, Johnny Osbourne...) viennent incarner l'esprit roots du reggae, pendant que les Français en représentent une facette plus électronique avec City Kay, Panda Dub ou encore Biga*Ranx qui invitera quelques-uns de ses potes de son label Brigante Records à l'occasion d'une carte blanche.
Mais avant de prendre la direction du site, on fonce au Ch'apéro, le chapiteau du camping pour voir le Booboo'zzz All Stars qui se présente devant les massives sous son propre nom et non pas en tant que backing band de Volodia, même si ce dernier fera une petite apparition auprès de ses potes. En effet, le Booboo'zzz All Stars a acquis une certaine renommée via ses vidéos Studio Reggae Bash, dans lesquelles il reprend des morceaux pop, hip-hop, soul, rock, etc, en reggae et sur lesquelles viennent se poser certains chanteurs. On a donc pu observer un défilé d'artistes en compagnie du groupe. Et comme on avait grave kiffé la reprise du "Wasting My Young Years" de London Grammar avec Mystic Loïc de Mystical Faya (voir ici), il nous tardait de la découvrir en live & direct. Le résultat a été conforme à nos attentes avec ce reggae stepper de folie et la voix envoûtante du chanteur. Se sont ensuite succédés Cheeko, Marie du groupe Alam, Max Livio ou encore Flox venu interpréter notamment son "Find Some Joy".
Arrivés à destination du site, c'est la voix exaltée de Joe Pilgrim qui parvient à nos oreilles depuis le dub corner pour le warm-up habituel du début d'après-midi. Le chanteur lyonnais se posait en effet sur les versions d'AntiBypass du Dub Addict Sound System. La journée promettait encore d'être riche en basses et en émotion.
Mais pourtant, c'est devant un public timide et très peu nombreux que les City Kay entameront cette dernière journée de festival. On espérait voir quand même un peu plus de monde pour skanker au son des Rennais, eux qui étaient présents pour défendre leur dernier bébé, Strange Things (la grosse chronique ici), paru au mois de mars. Groupe trop peu connu ou tout simplement horaire de passage inadapté ? Sûrement les deux, mais il est vrai que la musique de City Kay se prête mieux à la nuit et elle se serait idéalement glissée entre les sets de Biga*Ranx et de Panda Dub en fin de soirée. On doit en effet admettre qu'écouter l'excellent "Man Cultivation Struggle" en plein soleil et en plein après-midi n'est pas forcément ce qu'il y a de mieux. Quoiqu'il en soit, City Kay continue à développer ses expérimentations sonores qui naviguent entre reggae, hip-hop, electro, dub et nappes de synthés new wave. D'autant plus qu'on hallucine toujours autant devant le jeu du batteur.
En revanche, les spectateurs commençaient à se masser sérieusement pour écouter les mythiques Mighty Diamonds. Le trio fait partie des pionniers du reggae et c'était donc un régal que de pouvoir le voir évoluer sur la scène du No Logo, surtout que son apparition se fait extrêmement rare dans les festivals de nos jours. A l'instar des Congos deux ans plus tôt on entre directement dans l'ambiance du concert et on écoute religieusement ce son roots et méditatif. Les interprètes chantent leur dévotion à la foi rasta avec une ferveur rare : la force des grandes harmonies jamaïcaines. On ressent cet aspect à travers les classiques du groupe, tels que "Them Never Love Poor Marcus", Tribulations" ou encore un sublime "Africa" bercé par la soul. Et on a peut-être un peu trop tendance à l'oublier mais le tube des Musical Youth "Pass the Dutchie" est en réalité une reprise des Mighty Diamonds basée sur le non moins mythique "Full Up" riddim. Bien évidemment, le groupe nous fera part de ce morceau qui, à l'image de ses auteurs, reste éternellement gravé dans le marbre de la culture jamaïcaine.
L'amitié franco-jamaïcaine a une fois de plus fait des étincelles en ce No Logo 2018. En effet, nombreux sont les artistes français à accompagner les Jamaïcains et l'association entre le backing band Dub Akom et Skarra Mucci n'en était que plus belle. Porté magistralement par une solide section rythmique et l'un des meilleurs guitaristes de reggae actuellement en France, le Dancehall President n'avait plus qu'à se poser sur les versions. Et quelles versions ! Skarra Mucci se plaira à reprendre le "Bam Bam" de Sister Nancy, le "Bad Boys" d'Inner Circle, sans omettre bien sûr d'interpréter son fameux "Dreader Than Dread", tout cela dans une ambiance survoltée, tellement le toaster courait de partout. Inarrêtable et impossible à contenir, il s'est même penché vers le public pour lui faire part de son art, d'autant plus que les instrus propagées par le Dub Akom étaient tout aussi survoltées avec du dancehall bien ruff et même un peu de jungle sur "Dancehall President". Le backing band fera également retentir le "Sleng Teng" et le "Punanny", délivrant ainsi toute sa maîtrise des riddims classiques de la digital era. Assurément, l'un des meilleurs concerts du festival.
Nous avons justement entendu beaucoup de classiques avec ce qui allait suivre, par l'entremise de Sly & Robbie. Malheureusement, nos interviews ne nous ont pas permis de suivre l'intégralité du concert de la plus célèbre paire rythmique jamaïcaine, qui officiait ce soir-là en tant que backing band avec son Taxi Gang pour plusieurs chanteurs : Bitty McLean, Junior Natural et Johnny Osbourne. C'est en compagnie de ce dernier que nous avons pu passer quelques instants où il nous a notamment délivré une magnifique interprétation de son célèbre "Truths & Rights" ou encore du puissant "In The Area" sur le "Stalag" riddim et datant de la grande époque du rub-a-dub. Biga*Ranx, l'héritier du genre, présent sur le côté de la scène, n'en a justement pas perdu une miette, de la même manière que Nimal, le batteur du Booboo'zzz All Stars, venu observer avec un œil avisé un Sly Dunbar percutant. Et pour revenir sur l'amitié franco-jamaïcaine, on a pris plaisir à revoir Stepper, saxophoniste et collaborateur de longue date du duo.
Groundation, nouvelle formule, est plus ou moins controversé par les temps qui courent. Accusé d'avoir viré les membres historiques du groupe, dont Marcus Urani himself (????!!!!), pour les remplacer par une Next Generation, titre du dernier album (la grosse chronique ici), Harrison Stafford a cependant su fédérer un grand nombre de massives à Fraisans. Mais il faut tout de même admettre qu'on préfère, et de très loin, la formation originelle, celle qui possède en son sein le son emblématique du groupe. Les nouveaux musiciens savent jouer, c'est une évidence, mais ils n'incarnent pas Groundation et il leur manque ce groove qui faisait l'identité des jazzmen de Somona de la première époque, raison pour laquelle on a pu s'ennuyer pendant le concert. Le célèbre dicton qui affirme que nul n'est irremplaçable n'a jamais été aussi erroné ; affirmons-le clairement : Groundation sans Marcus Urani, appelez cela comme vous voulez, mais ce n'est pas Groundation. Telle est notre sentence.
Biga*Ranx avait carte blanche au No Logo, l'occasion pour lui de mettre en avant toute l'esthétique vapor et cloud qu'il développe actuellement autour de son label Brigante Records à Tours. Epaulé par son frère Atili en tant que DJ/selecta, Pauline Diamond au back vocal, Supa Mana en ingé lumière, le crew était déjà bien représenté. Puis, après avoir interprété quelques-uns de ses titres de son 1988 (la grosse chronique ici) ou le ravageur "Make It This Time" composé par Kanka, Biga*Ranx a invité le duo Damé, jeune recrue de Brigante Records, pour interpréter notamment "Slowdown" issu du EP Bye Bye (la grosse chronique ici). Mention toute particulière à Belkis FDB et Lil Slöw qui s'en sont sortis très sereinement pour leur deuxième représentation seulement après le Liquid Dub. Puis ce fut au tour de Prendy avec sa voix délicate de se poser sur l'envoûtant "Tomorrow", avant que Big Red ne surgisse pour mash up le riddim de "MC". Biga*Ranx reviendra finalement pour le fumeux "Petit Boze" et l'inévitable "Liquid Sunshine".
Et c'est Panda Dub qui a sonné le glas de cette édition du No Logo 2018 tout en basses et en lumières, via sa nouvelle scénographie intitulée Circle Live. Le set du Lyonnais était parfaitement adéquat pour clore ce festival dans la nuit de Fraisans. L'héritier des High Tone a ainsi mis le feu avec son remix de "Bad Weather", mais il en est un autre qui aura su séduire les massives, puisqu'il s'agit, ni plus ni moins que d'un track d'Atili sur lequel on peut entendre Biga*Ranx et Pupajim dans une combinaison somme toute logique pour les deux plus grands interprètes français œuvrant dans la langue de Shakespeare. A paraître très bientôt, ce morceau s'annonce déjà comme une tuerie, tout comme certaines exclus que Panda Dub a jouées dont une avec un feat. de Flavia Coelho ou encore un certain "Grille-Pain", reflétant toute la magie et l'esthétique stepper du panda. Appuyé par son ingé son K-Sann Dub aka KSD, Panda Dub a brillamment mis en lumière tout le dynamisme de la scène dub française en cette fin de festival face à des massives plus que déchaînés.
Et on retrouverait cette vitalité hexagonale au dub corner dans la soirée avec des représentants de chacune des générations du dub made in France. Fabasstone, bassiste d'High Tone, affrontait Natty ODG lors d'un dub master clash vigoureux avec un Joe Pilgrim en pleine forme qui surplombait de sa voix chaleureuse les riddims des deux dubbers.
Quelques instants plus tôt, c'était Rakoon et Bisou qui jouaient ensemble lors d'un set de folie tant attendu par le public. Le renouveau du dub français est bel et bien là, qu'il s'agisse de la transe de Rakoon ou des instrus plus digitales de Bisou. Les deux compères ont fait la paire avec une session au cours de laquelle on a pu entendre leur fameux "Disco Dealer" ou le "Dubbin Sailer" de Rakoon.
Puis c'est O.B.F, uniquement accompagné de Charlie P ce soir-là, qui a mis un terme à ce week-end sur le dub factory. Pour sa première venue au No Logo, le crew haut-savoyard n'aura pas déçu les massives qui devaient faire un choix cornélien entre Panda Dub et O.B.F. Rico a pu envoyer les warrior tunes de son cru, tels le "Babylon Is Falling" de Joseph Lalibela, le "Dubplate Specialist" issu du Ghetto Cycle (la grosse chronique ici) paru en mars, ou encore quelques tracks avec Warrior Queen. Il n'en fallait pas moins pour retourner le dancefloor.
Crédit photos : Live-i-Pix