Sonny Simmons, qui c'est ? Une légende du jazz qui après un début de carrière fulgurant a connu quelques déboires qui l'ont amené au divorce et à se retrouver SDF ou presque. Néanmoins, il effectue son retour au début des années 1990 et depuis lors pose ses saxophones partout où il le peut, avide d'expériences et de nouvelles découvertes. En cette année 2014, il relève un défi intéressant puisqu'il a accepté de se joindre au projet un peu fou monté par des rockers français, à savoir Sebastien Bismuth d'Abrahma (qui s'occupe ici de la batterie et des arrangements électro, le batteur du groupe ayant réalisé le mixage) et Thomas Bellier de Blaak Heat Shujaa (qui tient la basse et produit), auxquels le joueur de Sitar Michel Kristof est venu prêter main-forte, délaissant un temps ses projets électro ambiants aussi expérimentaux qu'indescriptibles.
Magnifique artwork signé Tokio Aoyama
Ambiants et indescriptibles ? Nos deux rockers, déjà branchés par le rock psychédélique avec leurs formations respectives, ont cette fois totalement lâché les chevaux pour partir dans un trip vaudouisant. D'ailleurs, pas de guitare ici, et finalement bien peu de repères pour l'auditeur de rock. La basse murmure, la sitar se pose dessus, tissant une ambiance incertaine, sans but clairement défini, sans que personne n'ait l'air bien pressé ou décidé à atteindre une quelconque destination. Seul le voyage compte. La batterie attaque lentement, pesamment, avant que le saxophone n'apporte sa pierre à l'édifice, sur un premier morceau de plus de 14 minutes. La progression est lente, la mélodie n'est pas le but, l'album étant plus à rapprocher d'un long trip sous acides que d'une collection de titres.
De ce fait, ce Nomadic ne se destine clairement pas à tout le monde. Les amateurs de musique ambiante et d'expériences auditives singulières apprécieront sans nul doute ces atmosphères étranges, mélange improbable entre de la musique indienne et du jazz, le tout nappé d'une sauce psychédélique pour un résultat qui ferait une excellente bande originale d'un film de David Lynch. N'ayant pas d'experts au sein de notre rédaction, nous ne saurions trop comparer cet album à d'autres du même genre. Néanmoins, il se dégage indéniablement de l'ensemble une identité forte, qui si elle ne conviendra pas à tout le monde, démontre que le projet en a dans le bide artistiquement parlant.
Il est agréable de constater que les chanteurs guitaristes d'Abrahma et Blaak Heat Shujaa ont de la suite dans les idées et des univers musicaux riches, ce qui ne pourra qu'être bénéfique aux deux formations. Il est amusant d'entendre un vénérable ancien comme Sonny Simmons venir s'éclater sur un projet certainement complètement différent de ce qu'il a pu faire auparavant. Et il est rafraîchissant d'écouter des trucs aussi barrés, qui nous changent les idées. Pour le reste, le mieux est vraiment d'écouter pour se faire une idée, et voir si ce long trip psyché a une chance de vous intéresser. Car à défaut de déchaîner les passions du commun des mortels (encore qu'on le leur souhaite), ce long trip aventureux n'en force pas moins le respect.