"on imagine tout à fait les musiciens en mode rockers hippie des années 1960, fascinés par la découverte de nouveaux sons (et de nouvelles substances), plongés dans une transe rêveuse qui pourrait se prolonger indéfiniment"
The Brian Jonestown Massacre est de retour ! Il faut dire que le dernier album date quand même d'avril dernier. On ne s'étonne plus de rien d'Anton Newcombe, capable de pondre jusqu'à trois albums par an pour peu que l'inspiration soit présente. Depuis quelques années le groupe a entamé une période un poil plus expérimentale (ce n'est pourtant pas comme si BJM pouvait se targuer d'être comme tout le monde). Après une bande originale pour un film imaginaire, qui se voulait un hommage aux grands réalisateurs de la nouvelle vague comme François Truffaut ou Jean-Luc Godard, Newcombe a souhaité se diriger vers le shoegaze et les musiques du monde. En résulte ce nouveau mini-album, qui sortira le 13 novembre.
Touche à tout surdoué, versatile et insaisissable, Newcombe a cependant les défauts de ses qualités, à savoir que de mon avis, le fait de laisser libre cours à son inspiration débordante aboutit parfois à des albums trop longs et un peu décousus (comme Revelation par exemple). Le voir se limiter à un mini album pouvait laisser espérer un disque plus cohérent, tandis que le voir se tourner vers le shoegaze (une scène qu'il a vu éclore et dont il s'est déjà montré proche) tenait de l'évidence. Si cette influence est bien présente, ce mini album reste du pur BJM, avant tout ancré dans le rock psychédélique.
On ne s'attendait certes pas à voir le bonhomme proposer une pâle resucée de Slowdive, mais à part un rythme particulièrement lancinant et des sons de guitare magnifiquement trafiqués pour un résultat vaporeux du plus bel effet, on peut légèrement regretter que l'expérimentation n'ait pas été plus radicale, surtout dans le contexte d'un mini album. Il en va de même pour l'influence affichée des musiques du monde, également discrète, à l'exception notable tout de même de "Prsi Prsi", co-écrite avec un musicien slovaque, qui possède clairement un aspect folk des balkans assez prononcé. Clairement une des plus belles réussites de cette nouvelle sortie.
Toutefois, ces petits regrets ne sont que peu de choses devant la qualité des compositions proposées. On comprend parfaitement que Newcombe ait souhaité les sortir, car elles forment un tout cohérent. On notera la superbe première piste "Pish", avec ce son de guitare shoegaze en diable et une ambiance à couper au couteau : on croirait presque entrer dans une fumerie d'opium tant l'atmosphère est douce, "Prsi Prsi" donc, ainsi qu'une belle reprise du "Dust" des 13th Floor Elevator.
Tout juste "Get Some", du BJM pur jus, sera-t elle venue faire légèrement retomber la pression. Pas bien original pour qui connaît un tant soit peu le groupe, le titre n'en permet pas moins de faire un petit break avant de repartir vers les limbes psychés d'un mini album dont l'inspiration musiques du monde se ressent davantage dans l'esprit que dans le son : on imagine tout à fait les musiciens en mode rockers hippie des années 1960, fascinés par la découverte de nouveaux sons (et de nouvelles substances), plongés dans une transe rêveuse qui pourrait se prolonger indéfiniment.
En témoigne l'instrumental "Mandrake Handshake", qui laisse place pour finir à un titre plus rythmé, "Here comes the waiting for the sun", qui n'attend pourtant que son refrain pour retourner vers un rythme particulièrement psyché.
Si on peut éventuellement regretter que l'album n'ait pas été aussi aventureux qu'on pouvait l'espérer (les fans ne seront pas particulièrement dépaysés), il reste que musicalement, Mini Album Thingy Wingy est une grande réussite, une de plus à mettre au crédit de Newcombe, qui a su cette fois se discipliner pour un excellent résultat. L'homme est certainement fou (vous avez vu Dig! ?), ingérable, asocial (s'est-il assagi avec l'âge ? allez savoir), mais c'est aussi un génie au-dessus du lot, qui parvient toujours à insuffler originalité et passion à sa musique et, ce faisant, continue de se bâtir une discographie aussi riche que passionnante.