"On ne parle pas du premier péquin venu, on parle de Steven Tyler, l'un des plus grands chanteurs de rock encore en activité, frontman d'une formation légendaire... Et on devrait se contenter d'une poignée de titres sympas qui surnagent au sein d'un album aussi fade ? "
Ayant sans doute profité du fait que son acolyte Joe Perry soit occupé avec ses Hollywood Vampires, Steven Tyler a finalement achevé son premier album solo. Celui-ci avait été annoncé il y a un bail avec un premier extrait qui lorgnait vers la country. Et franchement, il y avait des raisons d'espérer. Débarassé de la pesanteur du cahier des charges Aerosmith, Tyler, qui reste aujourd'hui encore un chanteur d'exception, pouvait faire de cet album un chouette terrain de jeu et explorer d'autres aspects de sa personnalité explosive. Bien sûr, avec ce genre d'albums solo d'artistes habitués à évoluer au sein d'un collectif (ou au moins d'un duo), on peut aussi obtenir des résultats décousus, collection de titres fades sans grand intérêt. Pas de bol, on a tiré le mauvais ticket.
Tout cela commence pourtant plutôt pas mal : "My own worst enemy", qui démarre en ballade bluesy plaintive avant de s'achever dans une montée en puissance bardée de solos de guitares, est surprenante dans le bon sens du terme. Pareil pour la chanson titre (que vous pouvez retrouver ci-dessous), qui se permet d'utiliser des instruments inattendus, et qui sonne moderne et accrocheuse tout en étant bien loin des sonorités auxquelles Aerosmith nous a habitués. Ce qui est plutôt cool, car autant cela fait longtemps qu'on n'a pas eu droit à un album digne de ce nom de la part d'Aero, et on ne cracherait pas dessus, autant, tant qu'à avoir un album avec Steven Tyler écrit sur la pochette, avoir autre chose pour redécouvrir la voix du chanteur, pas toujours reconnu à sa juste valeur, dans un écrin auquel nous ne sommes pas habitués.
Sauf que, sauf que... Si sur le principe, on est tout à fait prêts au changement et à l'éloignement du rock auquel on est habitués, en pratique, l'abus de ballades et titres mou du genou peu inspirés viendrait à bout du plus tolérant. Surtout, on a le sentiment que l'aspect plus intimiste recherché se conjugue mal à la personnalité over the top de l'homme. Au final, on n'a droit ni à un album de country, ni à un album de rock, ni à... We're all somebody... est un album sans direction, sans gouvernail, une collection de chansons un peu sans queue ni tête, dont une bonne partie mériterait juste le statut de face B. Des structures hyper conventionnelles au service de mélodies peu marquantes, bien qu'il n'y ait rien de foncièrement honteux non plus, écouter de l'insipide finit forcément par donner l'envie d'arrêter et passer à autre chose.
Niveau paroles, Tyler a déjà été plus inspiré, écouter des banalités type "I'm free like a bird" sur un album façon "retour aux sources", c'est peu de dire que de la part d'un tel artiste, on attend plus. Beaucoup plus. On ne parle pas du premier péquin venu, on parle de Steven Tyler, l'un des plus grands chanteurs de rock encore en activité, frontman d'une formation légendaire... Et on devrait se contenter d'une poignée de titres sympas qui surnagent au sein d'un album aussi fade ? Non. Pourquoi ne pas avoir profité de cette liberté pour sortir des sentiers battus, essayer de nouveaux instruments, proposer des structures non-conventionnelles, inviter des potes à taper le boeuf, en bref pour s'éclater à faire de la musique... Les quelques tentatives d'aller dans ce sens restent bien trop timides. Même la version proposée de "Janie's got a gun" n'a qu'un intérêt très limité, tant elle est proche de l'originale : une simple version "unplugged" en somme. Quand ça veut pas...