Wakrat – Wakrat


Il faut, pour commencer cette chronique de Wakrat faire l’historique d’une autre formation légendaire, mais gageons que pour le deuxième album de ce nouveau groupe, l’évocation de Wakrat suffira à les reconnaitre car ce premier opus, je vous le dis tout de go, est une tuerie monumentale.

Bref, raconte-nous ton histoire !

Tous les amateurs de rock de plus de 25 ans connaissent Rage Against the Machine qui œuvra si bien pour nos esgourdes à partir du tout début des années 90, nous donnant une vision plus politisée et moins manichéenne démocrates/républicains des Etats-Unis nous apprenant qu’il y avait dans ce pays, une force vive, jeune, mue par la colère et de la contestation salutaire.

Le spectre de Dallas, de la société impitoya-a-ble était bien présent, mais guillotiné par les mots et les riffs vengeurs et bienfaisants des 4 fous furieux enragés contre la machine.

Aujourd’hui le groupe, sans avoir vraiment disband se retrouve à 3, sans le charismatique vocaliste Zack de la Rocha, dans un super groupe avec trois cadors d’autres formations quasi légendaires : B-Real des Cypress Hill et Chuck D avec DJ Lord de Public Ennemy. Appelés fort justement : Prophets of Rage, leur catalogue est composé dans sa quasi totalité d'un mix des morceaux des 3 groupes originaux des participants.

RATM, Prophets of Rage, Tim Commerford, premier album


Ça nourrit son homme, ma fois,ça dégourdit aussi les corps et autre membres des musiciens mais ça ne semblait pas suffisant à Tim Commerford, le bassiste des RATM et des POR (Prophets of Rage).

Un jour, presque par hasard, Tim découvre les morceaux enregistrés par un de ses potes de mountain bike : Mathias, un f… frenchy. Dans le truck de ce dernier, en rentrant d’une virée à bicyclette,c’est un CD des morceaux fabriqués en duo avec Laurent Grangeon un autre français, guitariste, que Tim entend.

A partir de là, ça va très vite : Wakrat nait dans la foulée.
L’histoire complète racontée directement par un de ces protagonistes est disponible sur La Grosse Radio dans l’interview des Wakrat ici.

Wakrat c’est donc un bassiste issu d’un groupe emblématique et légendaire : Tim Commerford, avec deux compositeurs et musiciens français exilés volontaires (et heureux d’après ce que j’ai compris), pas nés de la derrière pluie (donc pas des gamins loin de là), inconnus des bataillons d’ici et de là-bas : Laurent Grangeon à la guitare et Mathias Wakrat à la batterie.
 

RATM, Prophets of Rage, Tim Commerford, premier album

Mathias Wakrat, oui, comme le nom définitif de ce trio : Wakrat (prononcez : Wôk-rat se plaisent à rappeler les anglophones) et pour la petite histoire et les anecdotes bien marrantes sur leur nom, je vous renvoie encore une fois à l’interview de Laurent Grangeon pour La Grosse Radio ici.

Pas de suspens, l’album éponyme du groupe au logo très sympa pointe pour moi dans les tous meilleurs du genre depuis quoi... allez, une bonne dizaine d'année. C'est ce que dit aussi Tom Morelo !

D’ailleurs de quel genre parle t’on ?
Punk, indus, heavy-rock, jazz, electro ?
Tout ça à la fois avec un côté brut mais intelligent, mécanique mais arythmique, complexe mais organique, live et punchy.

L’album Wakrat, aux 9 morceaux laisse une première impression compacte, énormissime, une espèce de tourbillon décapant qui te laisse pantelant, comme vidé de tes maux par des mots, des cris et des rythmes azimutés libérateurs.

Le premier morceau « Sober addiction » qui sera la prochaine vidéo du groupe donne le ton à cette espèce d’énergie punk moderne mais dont ce qui s’apparente le plus à un refrain ne comprend qu’un accord et tourne à 7 temps… Va comprendre Sid !
Une intro qui ne t’embarque pas là ou tu le penses, des lalala en chœurs qui n’ont rien de romantique, une fausse fin, des sons griffés d’une guitare qui scratche sans platine, ce trio va nous en faire voir de toutes les couleurs.

De la même manière, on se demande pour "Number" et ses asymétries incroyables, comment Tim Commerford a bien pu faire pour poser sa basse puis une voix sur cette rythmique barrée au tempo infernal. Ça part dans tous les sens… heureusement que parfois, Tim compte jusqu’à 6 pour nous permettre de nous y retrouver.
Ah F… Il compte des morts… «  They all dead… I got nothing to say and I like it ! »
Ça me rappelle quelque chose dans l’actualité mais quoi ?

"Generation Fucked" est l’hymne de la «Republic of Wakrat» décrétée par le groupe le 26 juillet dernier au parlement de Londres à l’occasion de leur passage dans leur maison de disque Earache.
A bord d’un bus à impérial paré de leurs couleurs ils ont promus leur idée de la démocratie Wakratienne.

"This new state welcomes everyone of all ethnicities, backgrounds, genders, generations, sexualities, dis/abilities and faiths and offers a fresh alternative to the current system - we stand for equality and free movement. The current system is oppressive and elitist, promoting racist ideologies in order to push a self-serving agenda whilst an entire generation is put in jeopardy. We condemn this behaviour and Republic Of Wakrat exists to expose it."

Ils en ont aussi même profité pour personnaliser quelques centaines d’albums vinyles, pochoirs et autre signatures insérés dans les pochettes pour ceux qui ont pré-commandé Wakrat.

Le morceau quant à lui restera pour longtemps parmi les références de lacher prise, bon à pogoter, si on se laisse pousser de temps en temps une troisième jambe pour suivre les mesures casse-cous.
 


Définitivement, s’il fallait donner le nom d’un morceau pour représenter le tube de cet album, je choisirai "Nail in Snails". Les sons fous des guitares qui tournent et changent pour une ambiance électrique et crue. Une batterie dédoublée à plus de 120 de tempo. Des voix et des chœurs puissants et chantants plus nappés, ce morceau passe à vitesse grand V et je ne peux encore me résigner à ne pas revenir au moins une fois dessus à chaque écoute. Plus proche d’un Trent Reznor que d’un Sid Vicious il touche une autre partie de mon cerveau, mais aussi de mes tripes par sa mise en abime.

"La liberté ou la mort" est le titre initial de ce morceau avant les mots choisis par Tim Commerford et resté en l’état. Sur une base toute en rupture et tension au tempo encore monstrueusement rapide sur des mesure asymétrique à devenir zinzin, Tim pose de nombreuses voix, de celles presque parlées ou chantonnements jusqu’aux cris et l’égosillement, accompagnés de chœurs pour une profondeur, une épaisseur qui distancie. Un morceau schizophrène dans tous les sens du terme. "Tell me everything, I wanna know everything".

Gros boulot sur les sons de la gratte pour « The Thing ».

Mais où sont les cordes pour jouer « jeux interdits » ? 

Scratchée, électro, Synthétique mécanisée jusqu’à l’outrance, jouant à cache-cache avec la basse au son bien secoué aussi, puis avec la batterie, parfois à l’unisson, ce morceau doit être monstrueusement kiffant à jouer avec ses potes si on a la même virtuosité of course !

C’est avec le morceau suivant que j’ai découvert Wakrat, "Knucklehead" est une structure folle. On y retrouve pèle mèle binaire, ternaire, flamenco et valse électroniquée (si si) sur des paroles intimistes et furieusement régressives. La version punk du titanic dirais-je !

“Give me the gun fuck the knife “  

Vous aurez ce refrain longtemps en tête et vous pourrez rajouter « why why why am I like it”, … Réponse : Parceque c’est f… Good !



 

What ? Un accord de guitare qui sonne pendant plus d’une demie mesure ? Un solo ? "Oooh my gooood", une structure « conventionnelle » chez Wakrat ? Que nenni !!! "New clear " est, sous ses petits airs plus policés, complètement barré et j’en veux pour preuve les accords non homologués plaqués sans crier gare à la fin du morceau.

Quel plaisir libérateur de balancer les convenances morales et la bienséance en balançant sur les "cochons dans une couverture" ("Pigs in a blanket") ce qu’on pense de leur appartenance à une société aseptisée, hypocrite et scandaleuse. Les sons synthétiques, pinçants, presque étouffés des grattes et des voix rendent bien ce combat intérieur que se livre notre conscience face à ces indésirables à qui on ne dit finalement rien à moins que le degré de notre alcoolémie ou autre addiction n’émancipe le flot de nos méchantes pensées.

Mais c’est déjà la fin de l’album… Trop court ! Définitivement !

La rencontre des trois types venus d’ailleurs nous a embarqués sur un drôle d’engin, organique et complexe, multiforme, combatif, anarchique et cohérent avec ce qu’il faut de distance et d’humour pour ne pas sombrer totalement dans la folie. On y sent l’osmose et le plaisir que les trois musiciens virtuoses ont trouvé dans ces structures folles, véritables écrins pour les mots vrais et incorruptibles de Tim qui nous sont livrés sans filtre.
Et même si le message n’est pas audible pour les non anglophones, l’énergie absolue délivrée par cet opus suffira à recharger n’importe quelle paire d’oreilles.
Pur et intègre, mettez un Wakrat dans votre cerveau, il vous rendra intouchable par les cochons de tous bord.

L'abum sort en dématérialisé le jour des élections aux Etats-Unis (8 novembre 2016) et en physique le 11 novembre. Tu peux y aller de ma part !

RATM, Prophets of Rage, Tim Commerford, premier album

NOTE DE L'AUTEUR : 9 / 10



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