Au décès de Prince, on s'étonnait de voir le nombre affolant d'albums que ce dernier avait sorti, et surtout, une fois sorti ses courtes périodes de silence, le temps d'attente entre chaque opus qui, quand on a une carrière aussi longue, est dérisoire. Il y a peu, on faisait le constat à la sortie du Resonate de Glenn Hughes, surpris de se rendre compte que le bassiste n'arrête jamais de squatter les studios à la recherche de nouvelles mélodies qui pour l'instant font toujours mouche. Et pendant ce temps-là, Neil Young va sortir un 37ème album.
Et clairement, c'est pas rien. En 2014, on avait le superbe A letter home, enregistré d'une traite en conditions d'époque au studio de Jack White, et un peu plus tard Storytone, double album dont une partie a été totalement arrangée par le crooner pour un orchestre. On ne va pas remonter plus loin, vous avez saisi l'idée, le bonhomme n'est pas juste prolifique. L'année dernière, c'est Monsanto qui en prenait pour son grade avec un album plein de rage, suivi d'une énorme tournée grandiloquente dont sortira Earth, une petite pépite live qu'on vous conseille ardemment, et comme ça ne suffit pas, le canadien s'est mis à écrire la suite pendant la tournée.
La suite, c'est Peace Trail, qui sortira ce vendredi 9 Décembre. Prévu comme un album acoustique en guitare/voix, Neil Young le préparant dans son coin comme le solitaire qu'il est souvent, il sera finalement le fruit d'une collaboration avec deux musiciens de session, Jim Keltner aux fûts et Paul Bushnell à la quatre cordes. Enregistré en seulement quatre jours (inutile du coup de se demander comment fait Neil Young pour sortir autant d'albums), Peace Trail n'a même pas la tare d'être bâclé, bien au contraire.
Évidemment, le style de Neil Young n'est pas non plus ce qu'il y a de plus complexe à exécuter, et peut donc se composer vite. Ce qui touchera donc ici, c'est la pertinence et l'innocence du combat toujours actif de Neil Young. À la manière d'un Ken Loach qui ne cesse d'hurler sur un système social qui le débecte, Young éructe un message de paix empli d'une rage peu commune, celui de l'artiste engagé corps et âme dans sa cause. Là où beaucoup aiment les objectifs d'appareils photo pour montrer ô combien ils sont impliqués dans des causes nobles, Neil Young reste tapi dans l'ombre, celle où les gens sont sincères et agissent vraiment.
Alors les morceaux reviennent, se ressemblent, mais de cette ressemblance qui nous charme, que l'on attend en partie et qui nous surprend malgré tout. Ce son de guitare saturé à outrance, c'est celui de ce camion rouillé qui parcourt les étendues désertiques en gueulant jusqu'à plus soif. On sait que tant que Neil a deux jambes et deux bras, il continuera de frapper sa six cordes et de sortir tout le souffle qui lui reste. Peace Trail ressemble à tout ce qu'il a fait jusqu'à présent, mais Peace Trail est tout aussi indispensable que son œuvre complète.