Pour cette chronique du premier EP de Theo Lawrence and the Hearts, on va pas se la jouer gros bras et tenter par pure gloriole, de se démarquer de la plupart de nos confrères… Certaines évidences concernant le jeune prodige franco-canadien se doivent d'être énoncées d'entrée de jeu. Theo est un gamin donc - on se passera aussi de placer le "kid" de circonstance - vingt piges au compteur, à peine dépassés de quelques printemps. Et pourtant à l’entendre, sa voix a la patine d’un Charles Bradley ou d’un Lee Fields, le grain d’un vieil alligator du bayou lorsque le tempo devient bluesy et la fièvre d’un rockeur du samedi soir, dont il arbore la coupe gominée avec une assurance tranquille.
Son choeur de musiciens et lui ont l'air de s'être tapé l'intégrale de la musique populaire US imprégnée d’une âme noire et de posséder l’ineffable capacité de régurgiter le tout sans pourtant faire serviles. Pâle copie des ricains tels que Nathaniel Rateliff and the nights sweats ou Alabama shakes ? Que nenni my friends, il n’a rien à leur envier.
"Sticky Icky" donc, titre qui introduit l'EP du même nom. Riff joyeux de guitare qui vous poursuit tout au long du morceau comme un jeune chien fou, clap-clap primesautiers et la voix chaude de Theo par là-dessous, qui nous conte les affres d'un péquenaud qui se dit tenté par le démon dans son champ… "Ali" qui suit est bien punchy ; normal me direz-vous pour un hommage au Greatest, knock-out définitivement en juin dernier. Ce qui surprend néanmoins, c’est le refrain presque éthéré en rupture brutale avec les couplets, mais on s’y fait…
Crédit photo Brice Martinat
"Good for nothing" qu’il susurre Theo, semble-t-il à l’attention d’une belle, puisqu’il avoue être incapable de lui faire un plat d’pâtes… Ce qui est sûr, c’est qu’il est diablement bon, dans le genre chanson pour plaire aux filles ! Avec "Made to last", il nous la joue à nouveau chaud / froid. Une intro agitée avec forces maracas, des couplets limite woodo spell et hop, on glisse dans une soul classieuse de lover boy, avec un final à base de "brothers and sisters". Seul à la guitare ou presque - discrètes nappes de clavier et de guitare électrique - la voix magnifiée par la réverb ; avec "Heavenly dog", ode à un compagnon canin disparu, on a un aperçu de la puissance du jeune homme lorsqu’il lui arrive de se produire sur scène sans ses Hearts. Jamais vu une cool attitude aussi naturelle, surtout avec aussi peu d'expérience. Vous le jugerez vous même en février à la Maroquinerie ; il participe au festival Les nuits de l'Alligator.