Les Ramoneurs de Menhirs – Breizh Anok

Eté 2006, Lorient. En plein Festival Interceltique, sur une petite place, un curieux mélange s'offre aux passants qui passent : Louise Ebrel, mythique chanteuse bretonne, sur une petite estrade, s'adonne à son art. Rien de bien étonnant, si ce n'est que, pour l'accompagner, on a la surprise de voir plusieurs ex-Bérurier Noir, une guitare punk et une boîte à rythmes au son reconnaissable entre mille. Les Ramoneurs de Menhir sviennent de dynamiter le paysage musical traditionnel.
Onze ans après, ils font partie du paysage. Onze ans sur la route, et un quatrième album, Breizh Anok, sorti cet été.

Les Ramoneurs de Menhirs ont inventé un style. Un genre nouveau, mélange réussi de culture régionale, et de Punk, rock alternatif comme on disait à l'époque. Pas simple de faire cohabiter les deux, tant les univers semblent a priori tellement lointains. Et pourtant, la mayonnaise prend au-delà de ce qu'on peut imaginer. Il faut voir, dans une même salle, les anciens danser les pas traditionnels, bustes droits et fiers, alors que les premiers rangs sont entraînés dans des pogos de feu. Ca, c'est la magie des Ramoneurs.

Pour ce quatrième album, les Ramoneurs ont ajouté un allié de poids, le Bagad Bro Kemperle. Un bagad, c'est un peu comme une fanfare, mais en plus... En plus tout. Tous ceux qui connaissent la puissance d'un Bagad le diront, c'est une armée surpuissante. Des fantassins équipés de bombardes et autres instruments à 130 décibels, des mitrailleurs aux caisses claires martelant le tempo, c'est une machine de guerre. Et dès les premières notes de l'album, après que la guitare ait essayé quelques cocottes en son clair, vite abandonnés au profit d'une distortion massive, le bagad s'impose. La magie est là, brute, sauvage. Une guitare, une boîte à rythme, des sonneurs, un bagad, et un chant. Que celui qui ne bouge pas les pieds me jette la première bière.

Les Ramoneurs sont 4. Lorann à la guitare et aux machines, Éric Gorce et Richard Bévillon les sonneurs, et Gwenaël Kere au chant. Avec des invités de marque, qui les suivent depuis les débuts. Louise Ebrel, on en a parlé déjà. Louise, et son élocution digne d'un des meilleurs rappeurs. Ecoute "Pach-Punk", tu te rendras compte comment une simple voix peut te transporter, te porter, te donner une patate de folie. Et ce n'est pas le refrain, ultra-punk, qui va empêcher cette sensation de sautillement.

Pour réaliser l'album, les Ramoneurs sont restés en Bretagne, bien évidemment. A Rennes, où sévit un certain Niko Jones, qui a quitté pour l'occasion son costume de Tagada Jones pour enfiler celui de producteur. Le résultat est un son brut, massif, direct. Et gavé d'énergie. Le son est plus que électrique, c'est un parpaing qui fait des ricochets. Plein d'ondes de choc, tout en intelligence. L'éclairage du bagad et de ses caisses claires quasi-militaires ajoute à cette tornade sonore, cet avis de grand frais force 39.

L'album fait la part belle aussi bien aux chants traditionnels ou dérivés, qu'aux hymnes révolutionnaires. "Bella Ciao" par exemple, chant antifasciste bien connu, chanté en version traduite en français et breton, se retrouve mélangé au chant de guerre de l'Armée Révolutionnaire Bretonne, l'ARB. Ce n'est pas la première fois que le "Kan Balle an ARB" est repris en version rock, les finno-bretons de EV l'avaient enregistré en 1992, puis les Ramoneurs avaient sorti une première mouture en 2007. Pour cette version, la force du bagad ajoute au message des deux morceaux réunis : Non au colonialisme, non au fascisme.

Ce message anti-fasciste, on le retrouve bien évidemment dans une version remise au goût du jour de "Procherie", l'hymne malheureusement intemporel des Bérus. Sorti début 2017, le clip associé a fait partie intégrante de la bande originale des dernières élections présidentielles. On pourra toujours discuter sur la forme, la jeunesse n'étant plus la même que dans les années 80, mais le fond reste toujours actuel.

Sur le même thème, "Les Grands Nigauds" est clairement un des meilleurs morceaux de l'album. Mélange de chanson à danser et à penser, constat amer de la montée en puissance des fachos, appel à la révolte, le texte reprend à la sauce Ramoneurs un des principes de la chanson bretonne, qui consiste à répéter le même ver, en changeant uniquement un nombre. On passe de "Y'a dix fachos dans l'quartier" à "Y'a des fachos par milliers", tout ça dans l'indifférence des "sacrés grands nigauds". Même si le message est sans appel, "on va les fachos virer", le morceau traduit une certaine inquiétude, et une grande colère devant cette inexorable menace.

Anti-système, anarchistes, Punks politiques, les Ramoneurs ont repris plusieurs standard dans cet album. En configuration minimale, sans le côté breton, "Fuck The System" (reprise des XS) ne fait pas dans la dentelle. Idem avec "Sucks" des Cracks. On retrouve même un "Oy Oy Oy", déjà présent sur un album sorti en 2010.


Photo Forban Photographie

Alors, ce nouvel album, qu'apporte-t-il de neuf? Pas grand chose honnêtement. Le son, un peu plus gros, avec une production en béton armé, porte un peu plus l'ensemble. Mais les Ramoneurs restent les Ramoneurs. Du Punk acide, noir, engagé, avec des valeurs. Ils ont inventé un style, ils poussent l'expérience au bout. Avec ténacité et sincérité. Toujours sur la même ligne directrice, la plus directe, la ligne droite.

On écoutera même avec un grand plaisir ce 4ème album. Et surtout, on ira voir les Ramoneurs sur scène.
Parce que, malgré des heures d'écoute assidue, il reste un grand mystère: "Space Galetenn", chanson écrite en breton, parle-t-elle réellement de la culture du choux-fleur dans le pays de Morlaix?

Les Ramoneurs de Menhirs - Breizh Anok, sorti le 16/06/2017 chez Coop Breizh
Toutes les dates de concert et autres informations sur le site du groupe.
 

NOTE DE L'AUTEUR : 9 / 10



Partagez cet article sur vos réseaux sociaux :

Ces articles en relation peuvent aussi vous intéresser...

Ces artistes en relation peuvent aussi vous intéresser...