Mon premier contact avec The Inspector Cluzo remonte à environ un an. A l’époque, moi et mon groupe de musique amateur les avions contactés via leur boite d’autoproduction pour leur demander conseil. Il s’était alors passé un truc dingue et totalement inattendu : ils nous avaient répondu. Vite. Et gentiment. On en était resté babas tellement on avait l’habitude des gens désagréables ou qui ne répondaient pas.
Mon deuxième contact avec les Cluzo date de cet hiver, au cours d’une journée d’information publique sur le milieu musical, organisée par une association landaise. Malcolm Lacrouts et Phil Jourdain nous avaient alors fait partager leur expérience du monde de la musique, sans langue de bois, et avaient répondu aux questions du public avec beaucoup d’écoute et d’humour. Tout le monde avait terminé autour d’une bière, comme ça, simplement.
Bref, ma vie mon œuvre on s’en fout, mais en deux anecdotes, on a déjà un aperçu de l’état d’esprit du groupe : droit, généreux, et joyeux. Ajoutons hyperactif : plus de 120 concerts l’an passé, et plus de 500 dates en 4 ans dans 30 pays ; 50 000 CD vendus ; un site internet ; un label tout neuf depuis février (logiquement appelé Fuck the bass player Records, puisque le duo guitare/batterie se passe allègrement de bassiste) ; 11 blogs tenus par des fans dans 11 pays différents ; et enfin, last but not least, un troisième album CD + BD sorti en février, nommé The 2 Mousquetaires. Voilà, tu peux aller bosser tes gammes maintenant que tu as découvert que le travail est à la musique ce que la sardine est à l’huile.
Du côté de l'album The 2 Mousquetaires, si je te dis Curtis Mayfield (cf leur reprise de "Move on up") et James Brown sont dans un shaker avec AC/DC, tu peux imaginer ce que ça donne. Je ne vais pas faire de longue élucubration sur leurs références musicales, entre rock pur jus et Motown 70ies, mais ça se cuisine un peu comme ça :
- Mélange un son de gratte terrible, une batterie au cordeau, des cuivres qui déchirent tout, un chant bien typé qui n’a pas peur des extrêmes ;
- Fait mijoter pendant une vingtaine d’années de complicité musicale ;
- Pimente de textes du genre "droit au but", avec quelques zestes de fucks au passage ;
- Nappe d’une sauce avec un vrai sens de l’efficacité mélodique et rythmique.Après cuisson, cela donne par exemple "Wild and free : the Indignés song", ou encore "The 2 Mousquetaires of Gasconha" ; tu vires jouasse direct à l'écoute, comme on dit chez moi !
Pour qualifier cet album, je pourrais aussi me contenter de prononcer un des mots les plus galvaudés de toute l’histoire de la musique : énergie. De nos jours, tu mets un ampli guitare sur 11 et tu fais braire un âne dessus, il y en aura toujours pour trouver que ça dégage de l’énergie (sous forme de watts, ouais). Si The 2 Mousquetaires a un punch d’enfer, cette musique respire aussi la joie de vivre et l’engagement sincère. Le mélange très abouti de rock, de soul, de funk, de critique du système et de rigolade est juste… irrésistible. J’ai aussi eu des marrades mémorables devant leurs vidéos (par exemple le clip de Telefoot ci-dessous, ou celles sur leurs astuces sur la pratique de la guitare ou de la batterie) ; la capacité d’autodérision étant plutôt une rareté dans l‘univers rock, la leur n’en est que plus jubilatoire.
J’apprécie leur engagement jusqu’au-boutiste ; enfin un groupe qui n’a pas oublié que la musique peut et doit servir de conscience collective, "Power to the people" ! Que ce soient leurs positions contre le mercantilisme débridé, les errements du monde de la musique, ou tant d’autres sujets, cela leur aura valu bien des déboires, en particulier le fait d’être très longtemps boudés en France alors qu’ils cartonnaient déjà au Japon et en Australie (ah, le rock en France… heureusement y’a La Grosse Radio). Au passage, sur cet album - comme sur le précédent - tout le monde en prend pour son grade : autant les bobos ("Fuck the bobos"), les footeux ("Telefoot"), que la femme du (futur ex ?) président ("I want to MMM the wife of the president"). On est Mousquetaire ou on ne l’est pas, c’est ça le courage d’avoir une opinion et de l’assumer en musique ! Voilà donc un groupe qui parle de citoyenneté dans ses interviews, de l’importance des cultures locales (cf les interludes en gascon de l’album, "Adishatz" et "Que som cabelhs"), qui ose mettre en pratique ce qu’il chante, et parfois en payer le prix fort ; ça nous change de l’hypocrisie des prêcheurs de foire.
J’ajouterai pour terminer que le graphisme n’est pas le point faible de The Inspector Cluzo. Complices depuis l’album précédent avec le taïwanais Chris Chaos, leur collaboration a débouché sur des visuels extrêmement accrocheurs, au point d’avoir développé le concept en dessin-animé pour le clip de "The French bastards" sur l'album précédent, et donc en BD pour le nouveau. Je n’ai pas pu me procurer la BD à temps pour cette chronique (disponible sur la boutique de leur label bien sûr) mais je ne doute pas que sa lecture prochaine en sera très profitable !
Une quinzaine de dates de concerts sont programmées en France d’ici l’été. La réputation des Cluzo en matière de présence scénique n’étant pas usurpée, je vous conseille vivement d’aller dénicher une place pour découvrir en live ces oiseaux landais accompagnés des FB's horns (parce qu’avec des cuivres, ça le fait grave !). Sachant que les places prises à l’avance vous permettent d’acheter les BD/CD sur place pour 5 euros au lieu de 10… qu’est-ce que tu attends, mon canard, "Move on up" !
A lire également, la chronique de The Inspector Cluzo - The 2 Mousquetaires dans le Longueur d'Ondes n°63