Aerosmith – Music from Another Dimension

11 ans depuis un Just Push Play (2001) de triste mémoire. Il faut en effet remonter à Nine Lives (1997) pour un bon album d’Aerosmith. Et à Pump (1989) pour un grand album. Mais qu’est-ce qu’ils en ont à foutre ? Les musiciens sont des légendes et font avant tout plaisir à leur public en tournant de façon intensive, surtout aux USA où ils ont désormais un statut d’institution nationale qui dépasse l’entendement. Aussi l’annonce d’un nouvel album est-elle aussi sympathique qu’un peu effrayante. Car le risque de l’album de trop, l’album pathétique qui ne ressemble plus à rien, est d’autant plus réel que les sessions d’enregistrement furent un vrai bordel. Concrètement, le groupe fait des allers-retours en studio depuis 2006. On n’oublie pas non plus les tensions entre Steven Tyler, devenu jury pour la version américaine de Nouvelle Star et vraiment pas pressé de retourner en studio, et le reste du groupe, lassé de devoir attendre son frontman. Bref, le résultat est désormais sorti, ça s’appelle Music From Another Dimension (faut croire qu'ils savaient pas comment vendre leur tambouille), et il est temps d’y jeter une oreille.

Et un peu comme on pouvait s’y attendre, le résultat n’est clairement pas à la hauteur de la légende et nous conforte dans l’idée que certains musiciens trop âgés devraient se contenter de tourner pour faire plaisir à leurs fans (ou arrêter complètement, quand est-ce que Keith Richards arrêtera de massacrer ses propres riffs sur scène soir après soir ?). Putain, 11 ans pour ça ! En même temps, cette affaire sent le pâté depuis déjà longtemps, mais c’est pas plus agréable pour autant. L’album cumule tous les défauts d’Aerosmith et ne s’appuie que trop rarement sur ses forces. Déjà, Music from another dimension est long : 15 titres et 67 minutes. Inutile de préciser que plusieurs compositions auraient pu finir en face B ou à la poubelle qu’on s’en serait pas plus mal portés. Bon, ça c’est typique des grands groupes de hard rock américains qui doivent respecter le quota de ballades pour les radios. Mais là, c’est même pas le cas.

Des ballades, il y en a quelques unes, mais tellement insignifiantes qu’on en vient à regretter Desmond Child. « Tell Me » en est un bon exemple. Ca commence pourtant pas trop mal, mais comment est-il possible d'écrire un refrain aussi pathétique ? Quand à Desmond Child, il fait une apparition sur le dernier titre, « Another last goodbye ». Et outre que Child a déjà été plus inspiré, c’est surtout tellement guimauve qu’on se demande ce que ça fout chez Aero. Pourquoi il a pas vendu cette chanson à Lana del Rey ou Adele ? Sérieusement, ça aurait pu être pas mal dans ces conditions. Mais Steven Tyler qui chante ça, ça fait mal au cul. Les autres ballades sont moins pourries mais demeurent anecdotiques. Et si elles étaient le seul problème… Mais quand on entend une horreur comme « Beautiful », on se demande vraiment ce qui leur est passé dans le crâne. Même constat sur « Freedom Fighter », pas un mauvais morceau en soi, mais pourquoi diable avoir ajouté ces « ohohohoh » de stade de hockey qui bousillent tout ?

On trouve quand même quelques morceaux sympas bien sûr, mais pas de morceau qui tue, de tube imparable comme le groupe savait en pondre. On a droit à du passable (« Oh Yeah », le bluesy « Out go the lights » et ses gros choeurs féminins) et, au mieux, à du pas mal du tout, comme le single « Legendary Child », « Luv XXX » et « Lover a lot » (et c'est tout). En revanche, pas la peine de chercher des morceaux qui tuent, y en a pas. Encore une fois, ne jouons pas la fausse surprise, on s’y attendait un peu. Trop de temps passé en famille, pas assez en studio. On les comprend, ils ont tous 60 ans passés et un chanteur qui refuse obstinément de vieillir et cherche à tout prix à « rester dans le coup », quitte à se ridiculiser dans des émissions de télé-réalité. Mais à ce moment-là, il serait plus avisé de laisser tomber les albums studios, ou alors qu’ils oublient un peu leur statut et sortent un album pour eux, foncièrement éloigné du cahier des charges Aerosmith, devenu inadapté pour des musiciens certes légendaires, mais tellement moins inspirés qu’auparavant. A moins d'un ultime sursaut très peu probable, Aerosmith sur album, c'est fini. Et on s'y attendait.