Si Wo Fat n’est pas encore très connu de par chez nous, cela risque de changer rapidement, pour au moins trois raisons. Déjà, le combo a signé chez Small Stone records (label mythique pour la scène stoner/doom/sludge) et son 4e album va enfin avoir droit à une distribution convenable. Ensuite, le groupe va également pouvoir venir défendre ce bébé sur scène en Europe, après avoir passé près d’une décennie à écumer les bars ricains. Et enfin, l’album en question, dénommé The Black Code, est franchement jouissif. Disponible depuis un moment déjà, la chronique arrive tard car il est difficile de décoller ses oreilles des platines pour en discuter posément. Pas besoin d’être un adepte du stoner pour accrocher. Les texans ont une approche absolument imparable qui tient en une courte phrase : ils prennent leur temps.
Le temps de développer leur groupe, et le temps de voir évoluer leurs riffs. 46 minutes, 5 titres, dont 3 dépassent les 10 minutes. Et pourtant ! On est à des kilomètres d’un Dream Theater ou du prog’. Seulement, plutôt que de rechercher l’efficacité, le trio joue de l’alchimie monstrueuse qui existe en son sein et laisse la musique parler. Aussi leur rock lourd et fumé avance-t-il tranquillement, majestueusement, en prenant son temps mais en faisant énormément de dégâts. Les riffs plus destructeurs les uns que les autres s’enchaînent comme les perles sur un collier. Vous en redemandez ? Wo Fat est à votre service. Les structures ne sont pas nécessairement compliquées, mais le groupe ne sacrifie jamais son tourbillon hypnotique sur l’autel de l’efficacité. Pourtant, efficaces, les compos du combo peuvent l’être également.
« Lost Highway », qui ouvre le bal et qui s’avère également être la compo la plus courte de l’album (à peine 5,30 minutes !), met les points sur les "i" tout de suite. Riffs pachydermiques, grosse production pour un son bien particulier typique du genre, c’est du lourd dans tous les sens du terme. Le trio n’est là ni pour jouer le groupe de caves qui se contentent d’envoyer du bois non stop (tellement de groupes inintéressants qui se contentent du minimum syndical), pas plus qu’il ne se repose sur du psyché de bas étage à peine digne d’une jam session entre junkies. Non, les mecs savent ce qu’ils jouent, et si tout n’est pas d’une grande originalité, leur maîtrise du rock plombé force le respect. La chanson titre, qui met plus de 2 minutes avant de lancer les hostilités, n’oublie pas de caser un refrain qui tue, et un break final dantesque avec solo. Dit comme ça, c’est le b.a.ba. Mais la dite chanson tape ses 10 minutes et on en redemande !
Certes, Wo Fat n’a pas inventé la tartine beurrée, mais il a élevé sa préparation à un très haut niveau. Certains riffs, breaks, ambiances (et le son en général) sont tellement typiques d’un certain style de rock que ça peut en devenir un poil cliché (je précise que je ne suis pas un grand adepte du stoner à la base). Mais une fois de plus, l’exécution est tellement bonne qu’on passe rapidement outre ces éventuelles remarques pour se concentrer sur le groove, les délires psychédéliques et les breaks imparables servis par le groupe. L’album, le label, tout cela arrive à point nommé pour que Wo Fat gravisse rapidement des échelons supplémentaires. En plus, leur tournée européenne d’avril prochain les verra partager l’affiche avec Abrahma, récemment très bien placé dans notre top 2012. Si le sort s’acharne, cette fois c’est dans le bon sens.