Inutile de présenter Adrian Thaws (son vrai nom), qui après avoir collaboré avec Massive Attack à ses débuts, a grandement contribué à l'émergence du Trip-Hop au début des années 1990 avec des albums devenus depuis des classiques absolus. Pourtant tout n'a pas été rose pour Tricky ces dernières années, l'artiste ayant connu de nombreuses déconvenues. Des albums tout juste passables, une carrière d'acteur qui tombait dans l'oubli... Avant un net regain de forme sur Knowle West Boy en 2008, quelque peu terni par un Mixed Race plus discutable deux ans plus tard. Débarassé de ses obligations contractuelles, le chanteur a fondé son propre label et s'est retrouvé dans d'excellentes dispositions pour réaliser ce False Idols qui nous occupe aujourd'hui.
On a beaucoup parlé de retour aux sources concernant cette cuvée 2013, ce qui n'est qu'à moitié exact. Le feeling propre aux classiques de Tricky est indéniablement de retour, et c'est un vrai plaisir de retrouver ces ambiances feutrées dont il a le secret. Mais d'un autre côté, notre homme ne cherche pas non plus à tomber dans la facilité en proposant un copier/coller de Maxinquaye, Nearly God ou Pre-Millenium Tension. Non, il s'agit plus d'une mise à jour de sa façon de faire dans le sens où s'il revient à ses premiers amours, c'est en ayant grandi, mûri, évolué, en s'étant tenu au courant de ce qui se fait en musique aussi, comme le montre le choix des artistes invités, parmi lesquels on retrouve la chanteuse Nneka sur "Nothing's changed", premier titre certes un peu facile avec ses notes de guitare pensées pour rentrer dans le crâne de l'auditeur, mais comment en vouloir à celui qui a largement contribué à populariser cette façon de faire ? Autant reprocher à AC/DC de jouer des pentatoniques...
On le sait, les invités ont toujoours un rôle important à jouer sur les albums de Tricky, qui du fait des ambiances calmes propres à son univers, se pose davantage en chef d'orchestre qu'en véritable frontman. De ce côté-là, le fait d'avoir monté son label l'a certainement incité à s'intéresser d'autant plus aux jeunes, et par là mêmeà faire des rencontres. Quelques unes de ses nouvelles signatures sont d'ailleurs présentes sur cet album assez long, notamment la chanteuse Francesca Belmonte, album sur lequel les voix féminines en général ont été choisies avec beaucoup de goût. L'enchaînement du sombre "Parenthesis" avec les plus doux "Nothing's changed" (le premier single), "If Only I Knew", "Is that your Life" et "Tribal Drums" est redoutable et incite d'ailleurs Tricky à insérer un interlude après avoir allégé l'ambiance sur "We don't die". Du grand art et une vraie maîtrise, notre homme maîtrisant parfaitement l'ascenseur émotionnel et sait enchaîner les ambiances à merveille.
A côté d'une majeure partie de titres franchement réussis se glissent tout de même quelques compos moins enthousiasmantes, ni bonnes ni mauvaises, qui ne marquent pas les esprits et laissent l'auditeur un peu circonspect. Si l'on ne s'ennuie jamais, il arrive de décrocher un peu ici et là. Peut-être qu'un avis extérieur aurait pu éviter à des titres comme "Valentine", "I'm Ready" ou "Hey Love" de se retrouver sur la galette. N'apportant pas d'eau au moulin, sonnant comme des redites en moins bien de ce que Tricky a déjà fait très (trop) souvent, ils encombrent un album qui aurait pu être d'un très haut niveau s'il n'était alourdi de ces quelques boulets tout à fait dispensables. C'est dommage, mais pas rhédibitoire. Le plaisir de retrouver un Tricky en forme et en paix avec lui-même, qui se concentre sur ses points forts plutôt que d'expérimenter à tort et à travers, est bien réel, et si la recette n'a plus grand chose de vraiment surprenant, elle n'en demeure pas moins savoureuse.