Après nous avoir impressionnés avec son deuxième album Suzie White Pills en 2012, forcément on attendait beaucoup des parisiens de Lafayette. Le quintet a subi pas mal de changements puisque son noyau dur, composé de la chanteuse Nathalie Loriot et du guitariste Franck Hédin, a décidé de partir enregistrer à Nashville afin de s'imprégner au mieux de l'ambiance qu'ils cherchent à développer depuis leurs débuts et de leurs principales influences (Black Keys et Jack White en tête). Qui m'aime me suive, et à l'assaut, directement chez le producteur du dernier Alabama Shakes ! Cet aspect commando découle par tous les pores du troisième album de la formation (qui sera disponible le 16 juin). Non pas que Lafayette ait décidé de laisser tomber le rock pour faire de la musique de défilés, mais il y a indéniablement un esprit bien plus psychédélique dans cette nouvelle galette que tout ce que le groupe avait pu produire précédemment.
Fini les demi-mesures, cette fois-ci Lafayette a décidé d'y aller au couteau. L'album se concentre sur l'essentiel (et dégage la basse), 10 titres courts, bruts de décoffrage qui sentent le souffre et voient le groupe revenir avec succès aux racines de l'esprit du rock. Mais surtout, ce TN Motor parvient à éviter toute impression de nostalgie en y insufflant sa petite touche personnelle, notamment grâce à la voix de Nathalie. Le revival, ça va bien 5 minutes, si c'est pour faire exactement la même chose, à quoi bon ? Le nouvel album de Lafayette ne fait pas de la recherche d'originalité son moto directeur, mais parvient à éviter les écueils les plus évidents en se concentrant sur lui-même, et si les influences musiques noires ne sont plus aussi évidentes qu'auparavant, elles n'ont pas disparu pour autant : le groove reste essentiel, et les 3 minutes de "Born and rise from Nowhere" ne laisseront personne indifférent. C'est chaud, c'est lourd, c'est sensuel et groovy, et accessoirement ça bute.
Quand on dit que le groupe donne une impression de commando, c'est que l'unité est admirable. La fusion des instruments impressionnante. Ici, rien de superflu, on se contente de l'essentiel, le tout avec une production particulièrement organique et abrasive grâce à un matos vintage utilisé à bon escient, comme cet ampli Stromberg, modèle utilisé pendant la seconde guerre mondiale pour motiver les soldats qui donne à la guitare un son tellement énorme que l'absence de basse ne se fait pas sentir le moins du monde. Comme quoi parfois il y a du bon à casser sa tirelire et à partir outre-atlantique : car outre mettre dans l'ambiance et donner une certaine inspiration, c'est rien de dire que la production rock'n roll, les ricains, ils connaissent. Il n'y a qu'à écouter le premier single "Keys to the Riviera" pour se prendre un son incroyablement lourd, presque stoner, dans les esgourdes. Si les compositions sont inspirées, si les mélodies sont là et bien là, si les gros refrains sont de sortie, ce TN Motor n'aurait jamais eu le même impact sans une production pareille.
En 10 titres et à peine plus de 30 minutes, Lafayette met tout le monde d'accord avec un album qui, s'il était sorti par des américains signés sur une grosse major avec la promo adéquate, serait déjà en couverture d'un bon paquet de magazines et porté aux nues. Pas de bol, il s'agit du nouveau bébé d'une bande de français encore peu connus. Cela étant, aucune raison de ne pas lui donner sa chance. Avec son 3e album, Lafayette balaye devant sa porte, laisse ses derniers doutes au vestiaire et s'engage corps et âme dans sa musique pour un résultat terriblement accrocheur, psychédélique et abrasaif. Une véritable petite bombe à fragmentation dotée d'un tel son qu'elle a tout ce qu'il faut et plus encore pour mettre la tête à l'envers de tous les amateurs des Black keys, des White Stripes, et plus largement du rock dans sa version la plus pure.
Sortie le 16 juin chez Bad Stone / Sony Music
8,5/10