Dans la famille Chedid je voudrais le père !
Le fils incontournable…
La sœur !
Le frère…
Au bout d’un moment, tu t’attends à ce qu’on te répondre « mauvaise pioche », et bien non ! Chez les Chedid, tout le monde assure.
Quand ils ont annoncé cette tournée-évènement en famille, certains préjugés se sont fait entendre :
- Le daron veut promouvoir sa marmaille !
- C’est stratégique, un coup marketing, etc…
Et on a beau apprécier leur musique depuis des années, évidemment que la question nous a effleuré l’esprit à nous aussi.
Sauf que ce soir, en découvrant 4 Chedid (pour le prix de 2) sur scène, on a compris. On a compris que leurs valeurs sont vraies, que leur corde sensible sonne juste, qu’artistiquement il n’y a vraiment rien à redire et qu’humainement non plus d’ailleurs.
Dès le premier titre, le public à qui on avait imposé des chaises se lève comme un seul homme et se rapproche de la scène spontanément. Louis notera d’ailleurs qu’à Nice, nous avons été les plus rapides à quitter les bancs. Un exploit car nous ne sommes pas toujours le public le plus chaud de l’hexagone, soit dit en passant...
C’est Anna qui entre en scène la première, voix suave, cheveux tirés, tenue rigolote, regard assuré, sourire aux lèvres, pétillante. Elle s’accompagne de son clavier, pour commencer… Membre d’un groupe interchangeable, chaque Chedid se passe l’instru’ de l’autre, si bien que Nach (de son nom de scène) assurera également quelques lignes de basse et des titres à la batterie, mais c’est surtout la partie vocale qui frappe. Ses textes aussi.
Car le principe ce soir, c’est de découvrir des morceaux de chacun, parfois chanté par leur auteur, parfois refilé au frère le plus proche.
De cette façon, on découvre « Je Suis Moi », titre immédiatement entêtant, frais, fun de la brune au charme fou qui voudrait juste être (qui est) jolie. Sa gestuelle est cohérente, son attitude captive la foule, son humour aussi. Si bien qu’on s’empresse d’écouter son dernier album éponyme dès le lendemain matin : allez-y, même si rien ne vaut le live, surtout à 4, ça reste un joli bonbon acidulé aux notes surprenantes qui a choisi comme ligne de conduite le bonheur.
Arrive ensuite frère Joseph Chedid, alias « Jojo » dans la bouche de Matthieu, « Selim » de son nom d’artiste. Là encore, on est bluffés. Ce qui saute aux yeux tout de suite c’est bien sûr la ressemble physique avec son aîné. Aux oreilles ce sont ces intonations de voix, ces montées dans les aigus, cette facilité à taquiner la gratte et à se placer parfaitement sur des rythmes de batterie complexes ! Le tout en gardant le temps d’observer le public et même de lâcher un sourire lorsque les regards se croisent (merci 😉 ).
Parmi les découvertes de ses titres, il y en a un qui retient particulièrement l’attention et qui affirme les valeurs profondes de la famille c’est « L’infini » où « son âme aime l'étranger » et où Selim s’interroge sur ces gens qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez : « Puisqu'il y a autour de toi ce qu'il y a autour de moi, pourquoi ne vois-tu pas… ce qu'il y a autour de toi, ce qu'il y a autour de moi ? »
La version live est à découvrir absolument, avec ces voix qui s’entremêlent à la perfection, ces timbres si similaires qui font écho et tierces à gogo, ça titille les terminaisons nerveuses jusqu’au cuir chevelu et on se dit qu’on a vraiment bien fait de venir !
Entre en piste le charismatique Matthieu. Là, tu te demandes si c’est parce qu’il est -M- que tu lui trouves autant de prestance à chaque concert ou si c’est juste naturel. Tu observes un peu les gestuelles de chacun et tu comprends. Il dégage quand-même quelque chose de particulier, un regard posé, un sourire doux, une tranquillité, une assurance, tout en gardant une modestie, une humilité sincère.
La bienveillance est à son comble. Le frère ainé de la scène partage avec un bonheur palpable ces moments en famille. Comme on irait nous à la plage ou ramasser des étoiles de mer et des coquillages au fond de l’eau, eux échangent des notes et des mots. Et comme les meilleurs repas de famille c’est aussi de cuisiner pour les invités leurs plats préférés, on aura droit à « Je dis aime », « Qui de nous deux », « Mama Sam » et un « Machistador » interprété par Chedid père, non sans humour ! On découvre (ou redécouvre) aussi son hommage à « Charlie » dont il nous fait répéter le nom en boucle pendant qu'il en exprime les couplets. On se sent unis, un vent de solidarité souffle et ce n'est pas juste pour dire qu'ils en parlent eux aussi, c'est parce que cette fraternité les habite profondément.
Clin d'oeil au padre, c'est sur un titre qui l'a bercé étant enfant que -M- rend hommage à son créateur en interprétant le « Ver de terre », sans oublier de jouer la chanson qui parle de sa maman.
Monsieur Louis possède lui aussi une attitude scénique remarquable. Il arrive en dernier sur les planches, chemise blanche, chapeau estival, moustaches indélébiles et ces yeux qui observent tous ses enfants avec tendresse. Ses enfants qui partagent la scène avec lui et ceux qui sont quelques centimètres plus bas et qu’il materne avec autant de gentillesse dans le regard. On joue volontiers le jeu des choristes sur « Ainsi soit-il » et « T’as beau pas être beau » oh oh oh oh !! Bande de cinglés… Un peu ouais. Il faut une part de folie pour se jeter à corps perdu dans ce métier difficile en renouvelant l’expérience de génération en génération.
Mais quand on voit à quel point tout est structuré, pensé, travaillé, on se dit que la famille Chedid c’est avant tout une famille de bosseurs. On n’en arrive pas à jouer de la guitare comme le font les deux fils par hasard ou par magie. Et on n’obtient pas une telle perfection sonore et atmosphérique sans travail non plus. Donc pour tout cela, respect.
Mention spéciale tout de même à sir Matthieu qui s’est baladé dans le théâtre à ciel ouvert, guitare au cou, pour un solo enflammé au milieu d’un public conquis, jusqu'en haut des marches, parcourant la foule de bout en bout...
... suivi de près par la sécurité.
Et une pensée pour Selim qui a laissé couler une petite larme sur sa joue lorsqu’ils ont tous chanté :
« On ne dit jamais assez
Aux gens qu'on aime
Par peur de les gêner
Qu'on les aime
On leur dit jamais assez
Que sans eux, sans elles
On serait même pas la moitié
De nous-mêmes »
Vous êtes beaux les Chedid, on vous aime !
Crédit photos : Flora Doin
Flora Doin