Costard 3 pièces, grand chapeau, lunettes pour regarder les aurores boréales, rose aux joues, crinière de renard-écureuil, on en a le cœur net : Mathias Malzieu n’a plus rien d’un vampire, d’un œuf ou d’un sac de farine (oui, il va falloir lire son dernier livre pour comprendre les références).
Sorti d’une longue bataille contre lui-même, plusieurs hospitalisations (d'où la tenue de pyjama), des chambres stériles, des transfusions (d'où le vampire) et une greffe de sang de cordon permettant de régénérer entièrement sa moelle osseuse, le voilà de retour dans le « plus-que-présent ». Dans le futur un peu aussi, la tête toujours pleine de nouveaux projets.
Après avoir pondu un album et un livre (Vampire en Pyjama et Journal d’un Vampire en Pyjama) de renaissance, Malzieu et sa tribu ont sillonné les routes de France toute l’année, proposant une formule plus posée (nous disait-on) en salles assises. Queneni ! Même dans des théâtres aux dorures sages, les lutins excités convalescents qui n’en font qu’à leur tête ça se jette sur la foule, allant même jusqu’à escalader les balcons pour siffler à l’harmonica des sérénades aux Juliettes restées en bas. Nous avons pu les suivre sur quelques scènes, dont l’avant-dernière de cette tournée, à Strasbourg, samedi dernier. Salle debout pour finir sur les chapeaux de roux !
23 ans de scène ! Toujours les mêmes membres du groupe (- 1), toujours la même énergie, la même complicité, palpable, et ce bonheur d’être ensemble, d’être là, qui s’éparpille sur chaque crâne du public. Arrosage automatique enclenché !
21h30, après une première partie joliment assurée par Manu (ex-Dolly) le groupe entre en scène. La voix de sirène de Babet résonne, les instruments se chauffent et à l’opposé de la pièce, une lumière rouge apparait : haut-parleur lumineux du chanteur plaqué contre son harmo, couvert par les applaudissements déjà très impliqués de la salle chauffée par ce premier effet de surprise. Les concerts démarrent sur le même titre que dans le disque, « Chanson d’Eté » (prolongation de la « Chanson d’Automne » de Paul Verlaine) qui force le respect.
Impossible de ne pas sortir enchanté d’un live de Dionysos. Ca sonne, ça dépote même, niveau rock’n’roll, guitares saturées, grosse batterie, basse, ils assurent, depuis toujours. Ils y ajoutent même des touches d’instruments rigolos, clochettes, scie, thérémine, boite à musique sous forme de solo acoustique heavy mental, horloge à coucou et ukulélé. Côté son, tout est ok. On a même droit à plusieurs voix qui sortent du corps et des plusieurs « moi » de Mathias Malzieu, passant du little-lui à intonations de dessin animé à un Giant Jack au timbre carrément noir.
Mais ce n’est pas tout. Il y a aussi le texte. N’oublions pas que monsieur est écrivain. Les histoires ça le connait. Chaque chanson est un petit coffret d’inventivité, mêlant influences, hommages, prophéties personnelles et histoires vraies. Elles font souvent rire, parfois pleurer. Racontées à tour de rôle dans un français imagé ou un anglais irrégulier, on se croit à notre tour bilingue au fil du temps, parlant le Malzieu, nouvelle langue à décrypter.
Mention spéciale pour le choix des reprises, symboliques, héroiques et adaptées à l'actualité plus globale du moment : « Heroes » de Bowie et « The Partisan » de Leonard Cohen. A noter que ces reprises ont été ajoutées au spectacle avant la disparition de ces deux pères spirituels.
Et ce n’est toujours pas fini ! Car au-delà du son, au-delà des textes, au-delà des intentions, restent encore deux éléments essentiels qui font des concerts de Dionysos ce qu’ils sont :
- les transitions
- la gestuelle
Après avoir obtenu plusieurs prix d’écriture au cours de l’année, on pourrait décerner à Mathias le prix des transitions les plus rigolotes de tous les concerts de rock. A chaque date ses impro'. Ce soir on parle de vin chaud.
Quant aux mouvements, le chanteur se transforme en différents animaux, chat, oiseau, tortue hip-hop et dauphin volant. Mike et son sourire timide omniprésent dansent sur la guitare. Rico siffle et bouge avec aisance. Stefano se blottit dans sa grotte invisible et Babet déploie ses ailes de petite fée.
Plus qu’une date pour cette tournée intense, riche en symboles et en émotions. On a demandé à Babet et Mathias dans quel état d’esprit ils se trouvaient :
Babet : La tournée est passée bien vite !
C'était super de découvrir un autre public dans les théâtres, en assis et de retrouver l'ambiance plus excitée des salles debout sur les trois dernières dates !
Toujours un peu triste quand cela se termine mais déja plein de souvenirs dans la tête avec la sensation que la vie passe à toute vitesse !
Mathias : Un pincement au cœur. De ces pincements dynamiques qui donnent envie de continuer à être aventureux. Je suis très heureux de ce qui se passe sur scène. La convivialité épique avec le public, la complicité entre les membres du groupe. La liberté de passer du rock’n’roll au stand-up, et le potentiel de surprise renouvelé à chaque concert. La variété des émotions qui circulent et leur intensité, la joie ludique du partage…
En ce qui concerne la suite des aventures, en attendant le prochain opus de Dionysos, hors de question de se tourner les pouces. Babet nous confie qu’elle a composé plein de nouvelles chansons pendant cette tournée, qu’elle s’apprête à les faire écouter à son label car faire un nouvel album solo serait un nouveau rêve à réaliser.
Quant à Mathias, il est en train :
- d'écrire un scénario de long métrage. Une histoire de sirène inspirée de la chanson "La Sirène et le Pygmalion" de Dionysos (album Bird’n’Roll).
- de travailler à la ré-ecriture d'un scénario qui lui a été confié par Nicolas Barry dont il apprécie beaucoup le travail (Les Enfants de Timpleback).
- d'avancer sur un projet de série (encore au stade embryonnaire) avec Ronald Bass, le scénariste de Rain Man, produit par la productrice de Mad Men et Breaking Bad.
- de terminer son « Carnet de Board » (traverser l'Islande en skateboard), histoire vraie.
Il a déjà écrit deux nouvelles chansons et des thèmes pour ses projets de films.
L'an prochain, son Journal sortira dans une vingtaine de pays dont l'Angleterre, l'Allemagne, l'Italie et les Etats-Unis.
Une tournée en Angleterre avec Dionysos et quelques surprises, notamment pour le disquaire day se préparent.
Et lorqu’on lui demande « c’est tout ?? », il répond que non. Il a oublié le Brautigan ! Sorti cette semaine... L'anthologie poétique de Richard Brautigan, un des ses héros en littérature dont il indique avoir eu l'honneur d'écrire la préface (chez Castor Astral).
On pourra également découvrir son dernier court-métrage, Le Distributeur Automatique d’Aurores Boréales, diffusé en janvier prochain sur France 2.
Big up ou quoi ?
Crédits photos : Flora Doin
Flora Doin