Nice Jazz Festival : Massive Attack, Jack Johnson, General Elektriks, LP

Le Nice Jazz Festival, depuis qu’il a été repris par la Ville de Nice, descend des jardins de Cimiez pour se poser en plein cœur de ville, conservant deux scènes et une programmation sur six jours pour accueillir trente-six artistes, majoritairement jazzy, au milieu desquels, des surprises aux sonorités rock. L’ambiance, c’est promenade d’une scène à l’autre, une main dans la poche, l’autre tenant son gobelet en plastique avec logo fêtant ses soixante-dix ans, un beau score pour un festival estival français.

Les chemins de pierres entre les arbres et le gazon font quelques haltes depuis la Scène Masséna pour manger un bon Pan Bagnat ou des chips Socca à Lou Bus d’aqui, prendre un verre allongé sur la pelouse, une crêpe, un burger ou une gaufre sous les chapiteaux et rejoindre le Théâtre de Verdure qui reluque toujours le joli dos de la statue face à la lune, à ses heures… Elle regarde la promenade, sa promenade des anglais. Elle a une pensée émue pour ses victimes du 14 juillet 2016, lorsque le festival avait été annulé pour cause de coma. Les artistes présents cette année, comme ceux de l’année passée, sont nombreux à leur rendre hommage. Côté Masséna, Massive Attack marque un grand coup les esprits en terminant son concert sur les noms de nos anges, jeunes de deux ans seulement, défilé sur écran géant en fond de scène. Autant dire qu’après une heure de musique tapant les tympans jusqu’au cœur, sens il y avait.

Théâtre de Verdure, Nice

Les décibels montent à 102, on n’entend pas les niçois habituels, locataires ou propriétaires des environs, râleurs de profession, qui préfèrent ouvrir la bouche plutôt que de se boucher les oreilles. Les beats les recouvrent. Ils crient en sourdine. C’est rigolo à voir. Il faut dire que la Scène Masséna est entourée d’immeubles et hôtels et que le son qui en jaillit vient se cogner la tête sur les premières façades pour rebondir sur les suivantes. Même sans payer son ticket, on profite des concerts, depuis les damiers de la place, la fontaine ou les rails de tramway. L’Apollon danse, il tape du pied dans sa fontaine et ça éclabousse tout le public qui trouve l’air un peu moite en ce mois de juillet. Ne pas chercher minuit à 14h00. C’est tout de sa faute !

Apollon, Place Massena, Nice

Depuis leur scène légèrement surélevée, telle une Mezzanine, les britanniques envoient du pudding (oui parce qu’il n’y a pas trop de pâté chez eux). On aperçoit près de la régie des célébrités, Sean Lennon et Adam Clayton (bassiste de U2), excusez-nous du peu. Ils se fondent entre la foule et le staff. Photographes sommes juste derrière eux, derrière les écrans des ingé’ son et lumières. On voit le groupe en tout petit, pas de crash barrière offert pour la soirée. Même les écrans proposés en encadrement de scène sont éteints. No photo qu’on nous dit ! No photo ! Ca déçoit un chouïa, pour des mecs qu’on prenait pour des anarchistes, des chimistes de l’art, des bouffeurs de liberté, des révélateurs d’époque, mais bon, on se console avec leur gros son. Soit dit en pensant, nous n’avons trouvé aucun graff de Banksy dans les environs après leur départ. Alors, mythe ou pas mythe ?

Jack Johnson, Nice Jazz Festival, 2018

Deux jours plus tôt, Jack Johnson le surf-folker écolo enthousiasmait un public déjà conquis, ravi de le découvrir sur une scène française, à douze heures de sa Big Island. Pas de vague à Nice, Jack la joue cool, sans exploser les watts, avec ses riffs rafraichissants et sa voix tendre. Après une soirée de pluie torrentielle valant l’annulation du premier soir du festival, l’air était comme le son, frais et agréable. Exception à la règle de la semaine !! L’apollon dormait-il ? Bercé par les « Sitting, Waiting, Wishing » de Johnson, peut-être, In Between Dreams.

Jack Johnson

On reçoit gentiment dans les oreilles les vibes, les bonnes intentions de l'artiste, son envie, son besoin de partager un message de paix, son amour pour la planète, la nature, les éléments. La musique n'est qu'un prétexte. Il utilise ses capacités à chanter beau pour servir une cause, et non l'inverse. On le sent habité par quelque chose de plus grand que ses chansonnettes. Il en est presque ailleurs.


Jack Johnson

Des méduses lumineuses flottent au-dessus de la scène, au-dessus des musiciens, elles dansent sur leurs têtes et sous nos yeux, elles se régalent de guitare rythmique, de batterie douce et de piano survolté. Elles profitent de la notoriété de l'artiste pour tenter de nous éblouir. Ca ne marche pas trop. On voit surtout le coeur. Le coeur du chanteur. Ca mange tout le reste. 

Jack Johnson, NJF, Nice

On passera sur le Orelsan rapeux ou autres Parov Stelar électrisés (qui ont tout de même mis une sacrée ambiance avec leur chanteuse gigotant de son maigre fessier blanc argenté) pour se concentrer sur ce qui conservait des accents rock, de près ou de loin, sur cette scène ouverte à d’autres musiques que leur incontournable jazz du Théâtre de Verdure, en faisant un bon big up aux General Elektriks, dingues ! 

General Elektriks, Nice Jazz

General Elektriks

Electro bien sûr, mais électropop tinté de jumps avec shoes à hauteur de clavier m’sieurs/dames. Sacrée détente M. Hervé Salters ! L’apollon lourdaud vous jalouse beaucoup. Ne songeant même pas à rivaliser avec vos sauts de cabri, il se gratte la tête pour savoir lequel de votre équipe il pourrait imiter, histoire d’être un peu plus à la mode : sera-ce Norbert Lucarain et sa crête d’escalator ou bien Jessie Chaton, en mode afro ? Le problème voyez-vous c’est que, notre cher apollon, Polo comme on l’appellera dorénavant, n’a pas de poche pour ranger son peigne et se retoucher la tignasse entre deux titres 😉 Bravo et merci pour ces mimiques si sérieuses sur ces gestuelles si décalées. Pour la musique aussi, soignée.

General Elektriks

General Elektriks

General Elektriks

Enfin terminons sur la surprise, l’inattendue, la fantastique improvisation du festival qui eut la riche d’idée de faire remplacer au pied levé Rag’N’Bone (souffrant d’infection pulmonaire) par la merveilleuse LP. Sébastien Vidal, directeur artistique du NJF, monte sur scène pour quelques explications. Il remercie la chanteuse d'avoir accepté de venir sur Nice après un concert joué la veille en Allemagne et une date prévue le lendemain au Portugal. Pour ménager un tant soit peu son rythme, on la placera en deuxième plateau, 21h10 au lieu des 23h00 imposées à la tête d'affiche habituellement. Soulwax assurera l'horaire tardif à sa place.

LP, Nice Jazz Festival

Elle entre en scène avec des airs de Bob Dylan féminisé. Même tignasse, même intensité dans le regard. Elle joue de l’harmonica, elle aussi. Elle ouvre le cœur, elle aussi. Elle sourit. Elle siffle comme un voyou, elle retrousse le coin gauche de sa bouche, elle rattrape tous les cadeaux envoyés par la foule (peluche de Panpan, drapeau français), au vol. Elle vole. Elle est maigrichonne, elle explose sa voix dans toutes les tonalités. Les aigus caressent au lieu d’agacer, les graves frémissent. Elle décroche quelques notes façon Asaf Avidan sur des rythmes Cranberriens. Elle fait du bien.

LP

LP

LP

Ses musiciens sont à son image, souriants, généreux, inspirés et humbles à la fois. La communion se fait entre LP et son public. La moitié chante à tue-tête, ils ont acheté leur place à la dernière minute, apprenant sa venue dans le journal du jour. L'autre moitié découvre et ne quitte pas la Scène Masséna. Abassourdis devant tant de talent et de don de soi. Réellement LA belle surprise du festival. A toute chose malheur est bon. En souhaitant tout de même un prompt rétablissement à l' "only human, after all"... 

LP

À 37 ans, connue du public seulement depuis fin 2016 après vingt ans de carrière plutôt translucide, quel cadeau de découvrir ce petit bout de femme sur scène. Son succès « Lost on You » est gardé pour le rappel-dessert-CeriseSurLeGâteau. Il est content Polo !

LP

LP



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