Au programme ce soir : soleil, cocktails et sable chaud pour accueillir Triggerfinger qui passe par Paris dans le cadre d'une tournée anniversaire célébrant ses vingt ans d'existence. Une belle façon pour la formation stoner rock belge de revenir sur sa longue discographie et d'offrir à ses fans un moment intense et privilégié. Récit d'une soirée sous le signe du partage, de l'élégance, et du rock'n'roll.
Dans le cadre idyllique de La Plage de Glazart, on oublierait presque que l'on est à deux pas de la porte de la Villette, sous le périphérique parisien. C'est en tout cas le lieu qu'ont choisi Ruben Block (chant, guitare), Mario Goossens (batterie) et « Monsieur » Paul Van Bruystegem (basse) pour revenir sur deux décennies de rock et de titres accrocheur, et également pour annoncer à demi-mots une mutation déjà entamée depuis le début de la tournée... Le trio flamand Triggerfinger se mue en effet en quatuor, le guitariste Geoffrey Burton faisant ce soir partie intégrante du groupe.
Si certaines personnes sont pieds nus dans l'audience, à profiter du sable fin de La Plage, les musiciens, eux, font une entrée remarquée sur scène avec la grande classe vestimentaire qu'on leur connaît, mais l'attitude sobre et humble des plus grands. Et c'est justement en grands professionnels que les quatre hommes vont faire face à un début de set chaotique à cause de problèmes techniques qui fort heureusement ne vont pas durer.
Dès le premier titre, on remarque en effet des soucis de son avec la voix de Ruben à peine audible, ce que remarquent rapidement les spectateurs proches de la scène. C'est fort dommage car l'instrumental est exceptionnel et résonne du mieux possible, mais les guitares prennent le dessus sur la voix - non pas que l'on s'en plaigne vraiment sur le solide "I'm Coming", aux riffs et ruptures de rythme tellement forts. Des titres marquants s'enchaînent, mais les aigus de Ruben passent encore à la trappe sur "By Absence" ou "Flesh Tight".
Le mix ne s'arrangera, progressivement, qu'en milieu de set, ce qui doit faire rager nos trois rockeurs, toujours très pointilleux sur la qualité de leur son et réputés pour soigner l'esthétique visuelle mais surtout sonore de leurs concerts. Cependant, rien ne transparaît, si ce n'est la sincérité de l'interprétation des quatre hommes, qui gardent l'air engagé, souriant, séducteur même par moments, dans un moment de partage intense avec le public parisien. Leur charisme naturel et l'efficacité de leurs compositions ne peuvent qu'emporter l'adhésion.
La recette de Triggerfinger est simple et directe : des riffs de maîtres, du rythme (Mario, magistral, maltraite ses fûts de tout son coeur) et du groove (quelle basse de Monsieur Paul !). Le son est encore plus marqué seventies qu'à l'accoutumée grâce à la complémentarité des deux guitares qui permettent à Geoffrey et Ruben d'insérer de beaux soli et de travailler des riffs mélodiques intéressants.
Outre le défilé d'élégance vestimentaire, on peut remarquer les nombreux changements de guitare de Ruben qui possède une collection impressionnante ! Il troque même sa gratte contre une basse pour l'exceptionnel "Colossus", morceau puissant dans lequel la basse se joue comme une guitare, solo et arpèges inclus. S'ensuit le plus beau moment du concert : le solo de batterie à quatre, avec Ruben, Paul et Goeffrey qui entourent Mario et participent aux percussions pour un pur moment de rythme et de communion. Une belle photo de famille, pour un instant rare.
Sur La Plage, il y a beaucoup d'ambiance, le public danse, tape dans les mains, réagit au moindre geste de Ruben ou Mario. On chante « Joyeux Anniversaire », on reprend beaucoup de paroles en choeur, les corps s'agitent. Sur scène, c'est un peu la même histoire. Le set, énergique et efficace, est l'occasion pour les musiciens de montrer qu'ils s'éclatent clairement à faire du rock'n'roll. Mario se lève, exorte le public à taper dans les mains, quant à Ruben, il parle beaucoup entre les morceaux, et anniversaire oblige, il présente des titres anciens et plus récents, mais surtout ne cesse de remercier le public.
La seconde partie du set, enfin équilibrée au niveau du mix, met en valeur la voix de Ruben, tantôt bluesy, tantôt profonde. On peut noter également, sur "All This Dancin", le superbe solo du second guitariste Geoffrey Burton (qui a déjà joué avec Arno, Bashung et un certain iguane dont nous reparlerons dans quelques lignes...).
Triggerfinger a offert à Paris ce soir l'essentiel de sa discographie, des titres anciens de leurs débuts aux tubes attendus et largement repris par le public, comme "First Taste" ou le festif "Is It". Point d'orgue de la soirée, le combo flamand va se lancer enfin dans l'exercice périlleux des mashups et covers, qui sont, avec le temps, devenus sa marque de fabrique. C'est ainsi qu'on entend un envoûtant mélange de leur titre "My Baby's Got A Gun" avec "I Follow Rivers", reprise de Lykke Li, à peine chuchoté puis sifflé par Ruben.
Après des remerciements adressés aux techniciens et une présentation des quatre musiciens, le groupe sort de scène avant de revenir pour un rappel, l'occasion pour le public du Glazart de découvrir un nouveau mashup, osé, qui fonctionne étonnamment bien : "Man Down" de Rihanna avec les riffs légendaires de "Kashmir" de Led Zeppelin. Le dernier titre est une reprise d'Iggy Pop, l'entêtant et sensuel "Fun Time" au refrain chanté en choeur par Ruben, Mario et Paul, en guise de conclusion idéale et soignée de cette soirée toute en chaleur et en style.
Setlist
I'm Coming
First Taste
Let It Ride
Short
By Absence
Big Hole
Flesh Tight
Mash-Up : My Baby's Got A Gun + I Follow Rivers
On My Knees
Is It
Colossus
All This Dancin
Man Down (Led Zeppelin / Rihanna)
Fun Time (Iggy Pop)
Photographies David Poulain. Toute reproduction interdite sans autorisation du photographe.
