Pour moi, le combat pour les Rolling Stones à Paris à commencé le matin du vendredi 28 mars 2014. Dès 9h du mat, me voila enfermé dans une salle avec trois ordinateurs. Officiellement pour mes collègues et mon patron en rendez-vous important avec pour consigne de ne pas déranger. Un PC connecté sur Digitick, l’autre sur le site du Stade de France et le troisième sur France Billet et Ticketnet. Dans une heure, il faudra être présent sur l’action et aussi avoir un peu de chance, les précieux sésames pour le concert des papys du rock vont s’arracher comme des petits pains...
Résultat des courses, après une heure de rafraichissement des pages, à 10 heures moins 3 les pages saturent et proposent une attente… Je suis dans les premiers et, à 10h07, connexion Ok sur France Billet. Tout est encore dispo... Ca y est j’ai deux Pelouse VIP dans l’escarcelle et 220 euros de moins sur mon compte en banque. Dans deux mois et demi, je serai au SDF…
Deux mois et demi plus tard… Branle bas de combat. C’est D-Day. Les Stones sont à Paris depuis deux jours et ce soir ils investiront le grand stade de la capitale devant quelques 75000 fans. A 18h30, tout le monde est agglutiné comme il se doit contre les grilles et c’est avec surprise qu’on se retrouve sur une pelouse VIP fort agréable avec de l’espace vital même lorsqu’on est dans les premiers rangs. D’un seul coup, la pilule de 111 euros et des bananes qu’on a du lâcher pour s’offrir ce petit privilège passe beaucoup mieux.
Vers 20h15, les Struts viennent chauffer la salle. Et pour une fois, ils réussissent à accrocher le public avec leur compos et une reprise bien sentie de "Royals" de Lorde. Les quatre jeunes anglais mettent le feu et le public les suit. Le chanteur Luke Spiller, croisement de Freddy Mercury et du Mick Jagger maquillé des années 80 fait bonne figure avec son accent à couper au couteau et sa manière de rouler les « r ». Après 30 minutes, alors que la communication s’installe avec le public, plus de micro pour lui et 10 secondes plus tard, plus de son pour personne…
Et une armée de roadies qui déboule sans crier gare armée de multiples flight case. 20h50… Ils ont reçu l’ordre de préparer la scène et de couper le sifflet aux Struts sans autre forme de procès. Un peu cavalier tout ça... Et pas forcement du goût du public. Aucune explication à donner pour le moment… Trop d’accroche du public, ça ne plait pas aux anciens ou surtout à leur management ? Tout simplement timing trop serré ? Chacun en pensera ce qu’il veut et quelques minutes plus tard tout cela sera oublié des que le matos des Stones apparaitra sur scène…
Coup d’envoi des hostilités un peu avant 21h30, quelques feux d’artifices et "Jumpin’ Jack Flash" en hors d’œuvre. Quelques soucis de son très vite réglés et à la fin du morceau les quatre Stones officiels et leurs musiciens amis de 30 ans qui les accompagnent sont tout dedans.
Pour moi, la qualité d’un show des Stones dépend toujours de l’humeur de Keith Richards. Quoi qu’il arrive on sait que Jagger sera imperturbable, arpentera la scène en long en large et en travers pendant plus de deux heures mais Keith, sur les dernières tournées, a le pouvoir de faire passer le concert d’acceptable à très bon.
Dès "You Got Me Rocking", on sent que le vieux pirate en a sous la pédale. Flanqué comme à l’accoutumée d’un bandeau jamaïcain, chemise verte et baskets assorties, il triture ses Telecaster ou ses Gibson et ne se trompe pas. Tout comme sur "It’s Only Rock ’n’ Roll" où le public prend son pied. Jagger sait capter un public comme pas deux. On sait que les Stones ont une sensibilité toute particulière pour la France, pays qui a vu naitre du coté de la villa Nellcote sur la cote d’azur le fabuleux Exile On Main Street. Jagger y possède une propriété, y réside quelques temps dans l’année (en grande partie pour des raisons fiscales). Ils répètent à Bondy en région parisienne… Résultat des courses : Jagger est capable de s’exprimer dans un français très correct. En bon footeux, il saisit l’opportunité de toucher deux mots sur la Coupe du Monde. Tout cela est certainement très professionnel et il doit faire la même chose dans les autres pays mais sa force réside dans le fait que, sur le moment, il nous fait croire que le show délivré pour nous est complètement spécial. Et ca fonctionne tout particulièrement lorsqu’en introduction d’un grand classique il lance au public : « Ce soir, on va vous zlataner » ! Pas dénué d’humour en plus Mick…
Petite surprise du soir, "Wild Horses", peu utilisée depuis le début de tournée, apporte un peu de calme dans un monde de brute puis amène la nouvelle chanson "Doom And Gloom". Sans être géniale, elle a le mérite de proposer un peu de fraicheur au show et offre à un public rempli de connaisseurs un titre qu’ils n’ont jamais vu live auparavant. Pour le concert du Stade De France, les internautes ont voté pour que le groupe joue "Bitch" en live. Du coup l’album Sticky Finger sera à l’honneur ce soir avec trois titres…
Puis viendra une version de "Out Of Control" où l’on pourra admirer les efforts de communication entre Jagger et Richards. C‘est à peu près le seul titre où l’on peut sentir une complicité entre les deux patrons. Durant tout le reste du show, les deux leaders s’évitent en respectant assez scrupuleusement l’espace vital de chacun (ce qui pose peu de problème sur une scène aussi vaste). En tout cas, sur ce jeune morceau (seulement crée en 1997), les deux se tirent un peu la bourre et ça fait du bien de les revoir dans cet esprit.
Le temps d’un "Honkytonk Man" maitrisé avec un Keith aux petits oignons et c’est déjà le milieu du show avec le passage incontournable des deux chansons de Keith Richards. A l’ovation qu’il reçoit, on voit bien que le public a senti que Keith est dans un bon soir. "You Got The Silver" groove à souhait. Le vieux pirate sait y faire et même si sa voix n’est pas celle de Jagger, elle séduit les fans d’autant plus qu’elle est soutenue par des solo racoleurs du bonhomme et une partie de slide de Ronnie Wood de qualité. Sur "Can’t Be Seen", beaucoup plus rock, Keith se lâche à fond, n’oublie pas les paroles comme à Zurich quelques jours plus tôt et à la fin du morceau recueillera des acclamations à la hauteur du boulot fourni.
Maintenant, il ne reste plus qu’à dérouler une petite heure de tubes tous plus énormes les uns que les autres et le concert sera plié. On accueille Mick Taylor, gratteux officiel du groupe de 1969 à 1975, pour un "Midnight Rambler" à trois guitares où Jagger est comme un diable en cage. Il en redemande, on sent qu’il aurait aimé un tempo plus élevé, il trépigne...
Durant les presque 14 minutes du morceau, l’autre Mick nous prouve, armé de sa Les Paul qu’il n’a rien perdu de son talent de soliste et du coup les deux titulaires ne veulent pas être en reste. Tout le monde semble prendre du plaisir. Ce poseur de Keith n’en rate pas une et tout sourire, il offre au public les mimiques dont il est très friand.
A ce moment là, on oublie les 70 balais de quasiment tout le personnel sur scène et on respecte. Les mecs sont juste bons. Très bons. Il n’y a pas grand chose à reprocher. Quoi qu’en disent les nostalgiques des seventies, ça joue mieux que quand les mecs étaient tous défoncés sur scène. C’est pro, tout le monde semble s’amuser. C’est juste du rock ‘n’ roll, un point c’est tout. Et ça, les Stones nous l’ont déjà dit quelques morceaux plus tôt, ils aiment ça…
"Miss You" mettra ensuite le feu au public parisien qui accompagnera Jagger tout au long de la chanson. Pas besoin de choriste ce soir, il y en avait 75 000 dans le public du Stade de France. "Gimme Shelter" sera à mon avis un peu en dessous mais faut bien souffler un peu quand même puis pour finir le set, une trilogie imparable : "Start Me Up", "Sympathy For The Devil" et "Brown Sugar"… Belote, rebelote et 10 de der… Maitrisés, sur maitrisés, ces trois titres sans surprise envoient du feu (après que Jagger nous ait proposé pour déconner de nous chanter un bout de "Allumer le Feu" de notre Johnny national). Keith pond un solo de qualité sur "Sympathy For The Devil", il porte le morceau permettant à Jagger de se promener sur scène avec ses paillettes diaboliques. Et puis il est temps de tirer la révérence une première fois…
On sait qu’ils vont revenir de toute façon. Tout comme on sait qu’on ne peut pas toujours avoir ce qu’on veut ni obtenir satisfaction. C’est donc comme depuis le début de la tournée avec ces deux titres que l’on va se quitter. La présence d’un chorale donnera une touche gospel à "You Can’t Always Get What You Want" où tout le monde s’éclate sur scène et particulièrement Charlie Watts avec cette fameuse reprise à la batterie après la montée dans les aigus des choristes. Il cogne ses futs comme aux plus beaux jours. On le dirait presque un batteur de rock à ce moment là. Pourtant il se plait à répéter que lui c’est un jazzman et que les Stones c’est alimentaire…
Enfin "Satisfaction" est vraiment parfait pour clôturer le set. Tout le monde est dedans et depuis quelques tournées, la qualité du morceau ne cesse de s’améliorer. La chanson perd un peuen urgence par rapport à l'époque où était chantée par un jeune branleur de 20 piges, mais elle atteint une maturité musicale exceptionnelle. Tout le monde jette ses dernières forces dans la bataille et quel panard de voir le vieux Keith finir le morceau sur les rotules mais avec la satisfaction du devoir accompli.. Après deux heures 10 de show, les Stones tirent leur révérence. Adieu ou au revoir, l’avenir nous le dira mais avec la forme qu’ils ont affiché ce soir, on se demande bien ce qui pourrait les arrêter…
Setlist : Jumping Jack Flash, You Got Me Rocking, It's Only Rock 'n’ Roll, Tumbling Dice, Wild Horses, Doom & Gloom, Bitch, (choix du public), Out Of Control, Honky Tonk Women, You Got The Silver (Keith au chant), Can't Be Seen (Keith au chant), Midnight Rambler (avec Mick Taylor), Miss You, Gimme Shelter, Start Me Up, Sympathy For The Devil, Brown Sugar. Rappel : You Can't Always Get What You Want (avec chorale), Satisfaction (avec Mick Taylor)