Si Suzanne Vega raconte volontiers qu’un bon père de famille devant une sortie d’école lui a dit : « Mes félicitations à la mère du mp3 », peut-on vraiment remercier les inventeurs de ce format de fichier musical ?
Les inventeurs du mp3 ont travaillé à créer ce format à l’aide du morceau ''Tom’s diner'' de Suzanne Vega, du moins avec son fameux remix des anglais de DNA puisque le morceau d’origine, je ne vous apprends rien, est un a cappella car la miss ne savait tout simplement pas à son grand désarroi jouer du piano.
Toujours est-il que le mp3 a libéralisé la musique en la rendant la moins volumineuse possible et aussi la moins bonne à écouter. Moins bonne en termes de qualité et moins bonne pour l’oreille. Moins bonne et moins chère, moins (ou même très peu) rémunératrice aussi pour les artistes, mais ça, nous en avons déjà parlé...
Qui n’a pas eu dans sa poche en 2004 ce baladeur usb de 128 Mo de capacité (c'te folie!) fourni avec des écouteurs vibrionnants ?
Avec de tels baladeurs, finis les sauts de pistes CD et les boitiers cassés au fond du sac à dos, et bienvenue à des milliers de chansons dans un réceptacle en plastique aux finitions aléatoires du hardware comme du software. Car évidemment pour lire un codec tel qu’il soit, il faut aussi un bon programme, une bonne compression et de bons écouteurs.
Dans ses premières années à usage du grand public, faute de grands espaces disponibles sur les baladeurs mp3, le traitement majoritaire fut le 128 kb/sec, altérant grandement le signal. Une qualité basse s’alliant parfaitement avec la qualité toute aussi médiocre des oreillettes des téléphones portables ou des enceintes internes des ordinateurs portables. Aujourd’hui, un encodage en 320 kb/sec est vivement recommandé pour de moindres pertes et les baladeurs usb ont été supplantés par les smartphones. C’est d’ailleurs le format mp3 320kb/sec que l’on utilise à l’antenne de La Grosse Radio, soit le meilleur de ce qui s'utilise le plus. On réencode ensuite en 192 kb/sec pour la diffusion stream.
Pour entendre la différence entre un mp3 en 128 kb/sec et un à 320 kb/sec, je vous conseille ce test amusant (disons, distrayant 2 minutes...) :
Bon, j'ai fait un score de 55%... Peu de différences lors d'une écoute normal, mais le son qui nous est envoyé n'est pas normal ou du moins non-conforme à l'original.
La différence reste difficile à percevoir pour un non-initié mais quelle part de l’original est supprimée ?
Ryan Maguire, chercheur en informatique, a donc analysé le ''Tom’s diner'' original de Suzanne Vega pour voir ce qu’il manque et nous explique l’intégralité technique du procédé sur son site internet.
Le résultat est surprenant, il a obtenu le fantôme de la version mp3, c’est-à-dire le son des données perdues lors de la conversion. Cela donne la vidéo ‘’MoDernisT_v2’’ ci-dessous, un morceau éthéré qui nous montre toutes les subtilités manquantes de la version mp3. De même les images de la vidéo sont les fantômes du vidéo clip compressé. Saisissant !
La compression efface les nuances et de fait nous sommes incités à monter le volume pour compenser la perte.
"L'oreille n'est pas éduquée à recevoir des signaux compressés, explique David Argellies, un acousticien. Les radios de jeunes sont plus fatigantes à niveau équivalent, parce que l'oreille est habituée à percevoir de forts contrastes dynamiques. Et la compression a tendance à la flouer. C'est comme une illusion d'optique. A l'écoute d'une musique compressée, déjà perçue comme plus forte, on aura tendance à augmenter le volume pour retrouver du contraste."
De plus, un mp3 délivre le son en continu, il n'y a donc aucun temps de repos pour l'oreille. Et donc une sur-stimulation dangereuse de l’oreille. Dans The Journal of the American Medical Association, une étude montre une augmentation de près de 30% de la prévalence des pertes d'audition chez les adolescents depuis les années 1990... Il est vivement conseillé d'écouter à un maximum de 80 db et de faire des poses de 10 minutes par heure pour un écoute au casque. Car, attention, les cellules auditives perdues de l'oreille ne se renouvellent pas... Nous ne sommes pourvus à la naissance que de 15 000 cellules sensorielles auditives.
Par ailleurs, même si le mp3 est perçu comme gratuit par les auditeurs, la technologie est sous licence commerciale pour son implantation dans les lecteurs. Mais, les firmes commercialisant cette technologie ne prélèvent aucune royalty sur les fichiers au format mp3. Et créer un fichier mp3 est tellement simple : entrez votre CD dans votre ordi et hop, le lecteur de windows fait le reste. A vous de choisir le débit idoine...
Et puisqu’il est léger et tellement pratique, il est été jugé comme le plus grand responsable d'un mal ancestral, le piratage. Ah... Dès Napster qui a banalisé l'usage et le partage du mp3... Pas besoin de pavillon noir à tête de mort, vous savez tous comment faire.
Il existe pourtant d’autres formats : le flac, compressé sans perte à 25 Mo le fichier… le ogg, libre sans drm, avec perte mais à 500 kb/s, c’est ce qui se fait de mieux à 12 Mo le fichier… et le aac, non libre avec drm, celui choisi par Apple.
Sur le site Matronix, vous trouverez ici un test qualitatif des différents formats montrant les pertes de chacun, le mp3 arrive mauvais dernier, mais grand vainqueur puisque nous l'utilisons tous.
Puisque les lecteurs audio et cartes sd sont toujours d'une plus grande capacité de stockage année après année, et aussi quel intérêt pour le grand public d’avoir des dizaines de milliers de morceaux à portée d’oreille (et ça fait cher à acheter tous ces titres, non ?), n’est-il pas temps de passer au flac ?
De toute façon, suite un un petit article sur Ryan Maguire que j'ai lu il y a quelques jours dans le dernier numéro de Science et Vie, je ne voulais écrire cet article que pour vous montrer la version fantôme de ''Tom’s Diner'', j’ai débordé… Je penserai à compresser mon prochain article.
Alors, ne serait-il pas temps de passer à tout autre format ?
Il existe bien un sublime lecteur, c’est même une vieille technologie numérique lisant l’analogique, vous pouvez écouter en numérique la différence entre laser et diamant ici… Solution très onéreuse pour l'instant… 15 000 dollars... mais si l'on si met tous, rendons-le accessible ! et il faudrait ressortir nos disques vinyles (Combien tiennent dans ma poche ?), ce qui est de plus en plus en vogue, et retourner chez les disquaires. Les platines à diamant sont toujours en service également. Pourquoi pas y revenir sérieusement. Reste à trouver une solution portable, un nouveau format de fichier audio, léger, non-agressif pour l'oreille, et de qualité... Le mp3 ? En mieux.
Et pour l'instant, les artistes peuvent continuer à se servir de cet outil qu'est le mp3 pour nous envoyer leurs nouveaux sons !
Yann Landry
Sources :
B.C, Science et Vie, mai 2015
Le Blog Fréquences Langues
Le monde,l'abus de baladeur rend sourd
Le monde, le mp 3 mutile le son et l'audition
L'express, Les pertes d'audition liées aux mp3
Jamanetwork
Traxmag, laser turntable lecteur vinyle