Nous vous parlions de cet accord dans notre article du 30 septembre, Le système féodal du streaming doit s'arrêter !, il est désormais signé. Sans l'Adami, ni la Spedidam, ni FO. Il s'agit pour la ministre de la Culture et de la Communication, Fleur Pellerin d'un "accord historique" à propos de la juste rémunératrion de la musique en ligne, qui "trace une voie d’avenir ambitieuse et équitable pour le développement de la musique en ligne". Cet accord est issu de plusieurs mois de discussion et de médiation menés par le médiateur Marc Schwartz avec les artistes-interprètes, les producteurs et les plateformes du monde entier.
Les acquis de cet accord ont été consolidés par un amendement du Gouvernement au projet de loi «Liberté de création, architecture et patrimoine» que Fleur Pellerin a défendu devant le Parlement la semaine dernière. Acquis qui doivent permettre une rémunération minimale pour les artistes-interprètes. Plus l'accès aux oeuvres est facilité par les plateformes de streaming plus il est nécessaire de protéger les artistes et le fruit de leur travail.
Le streaming par abonnement représente plus du quart du chiffre d’affaires de la filière, contre moins de 5% en 2008. Pour la ministre, il était donc temps de "regarder en face [nda : cette mutation], pour en tirer le meilleur, et dépasser les difficultés qui vous avaient dans un premier temps affaiblis. Aujourd’hui, nous nous organisons pour que ce qui nous importe puisse continuer de se développer dans ce nouveau paysage."
Pour Fleur Pellerin, un des buts étant de maintenir le dynamisme de la filière musicale, de préserver la diversité de la création et de l'encourager. Et d'ajouter ce qui l'importe avant tout "est que les artistes se voient garantir une rémunération minimale sur l’exploitation de leurs oeuvres, pour qu’ils puissent vivre de leur travail et continuer de créer". Passer d'une situation où l'ensemble des artistes touchent 68 centimes sur les 9,99 € d'un abonnement à une situation où ils pourraient en vivre me semble extraordinaire ! Un rêve bleu à la Aladdin ! Mais bon, poursuivons...
18 organismes représentants les artistes-interprètes, les producteurs et les plateformes ont signé cet accord : Fédération communication conseil culture (CFDT-F3C), Fédération nationale des labels indépendants (FELIN), Guilde des artistes de la musique (GAM), QOBUZ, IDOL, Music Manager Forum France (MMFF), SACEM, Société civile des producteurs de phonogrammes en France (SPPF), Société civile des producteurs phonographiques (SCPP), Syndicat français des artistes-interprètes (SFA), Syndicat national des artistes, chefs d’orchestre professionnels de variétés et arrangeurs (SNACOPVA CFE-CGC), Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP), Syndicat national des artistes et des professions du spectacle (SNAPS-CFE-CGC), Syndicat national des producteurs, diffuseurs et salles de spectacles (PRODISS), Syndicat des éditeurs de musique en ligne (ESML), Syndicat des musiques actuelles (SMA), Union nationale des producteurs français indépendants (UPFI), Union nationale des syndicats d’artistes musiciens (SNAM-CGT).
Fleur Pellerin a aussi ajouté qu'il s'agit pour son ministère de développer l'offre légale et de lutter contre les sites de piratage en les privant des accès aux moyens de paiement et aux publicités.
La ministre s'en est aussi pris au radios commerciales diffusant les mêmes Top 10 en boucle. Et nous saluons ses propos : "Il faut faire entrer de la diversité dans l’exécution de ces quotas, tout en préservant la liberté de programmation, essentielle à nos médias. C’est tout le sens de l’amendement à la loi relative à la liberté de création, qui a été adopté en séance par les parlementaires il y a deux jours, et dont je me réjouis." Dans ce cadre, des plateformes ont pris l'engagement "d’assurer une exposition significative des oeuvres d’expression originale française, et de les mettre en valeur dans toute leur diversité." Fleur Pellerin aimerait que Spotify et Google adhère aussi à cet engagement.
Evidemment, si la ministre souhaite une rémunération juste pour les artistes, elle n'en salue pas moins les producteurs "qui s’intéressent en particulier à la jeune création : ils font un travail formidable pour faire émerger de nouveaux talents". Là, c'est plus discutable d'autant qu'il y a derrière ceci un crédit d'impôt phonographique en jeu...
Elle nous rappelle également dans son discour certains engagements pour son budget 2016 et fait un dernier appel du pied à l'Adami, la Spedidam et à FO en leur signalant que "le protocole est une grande avancée, il n’est pas la fin de l’histoire". Ceci, nous en jugerons dans les mois et années à venir...
Découvrez quelques points importants ci-dessous et le protocole complet qui se trouve sur le site du ministère.
Nous reviendrons sur les points importants pour les artistes dans un prochain article. Il nous importait déjà à La Grosse Radio de vous prévenir de la signature de cet accord et de prendre connaissance des grandes lignes avant de rédiger un article d'analyse de cet accord.
- OBJECTIF N°1 : SOUTENIR LE DÉVELOPPEMENT DE L’OFFRE MUSICALE LÉGALE
En quinze ans le marché mondial de la musique enregistrée a perdu plus de 50% de sa valeur, le prix moyen d’un album a baissé de plus de 35%, et celui d’un titre de plus 80%.
Mettre en oeuvre de façon volontariste la stratégie gouvernementale pour la mise en oeuvre des droits d’auteur et des droits voisins.
Veiller à ce que les projets de modernisation du droit d’auteur et des droits voisins préparés par la Commission européenne fassent toute sa place à l’enjeu du partage de la valeur avec les nouveaux acteurs numériques.
Travailler avec les acteurs des industries culturelles et avec l’ensemble des parties prenantes pour améliorer la réponse européenne aux atteintes aux droits de propriété intellectuelle.
Contribuer, à l’occasion de la consultation lancée par la Commission européenne sur le rôle économique des plateformes en ligne et des débats liés à la stratégie européenne pour le marché unique numérique (Digital Single Market), à la construction d’un cadre européen propice au développement de l’offre légale de musique.
- OBJECTIF N°2 : ÉTABLIR UNE PLUS GRANDE TRANSPARENCE DE L’ÉCONOMIE DE LA FILIÈRE MUSICALE
Les pouvoirs publics et les parties prenantes décident de créer un Observatoire de l’économie de la musique, géré de manière neutre.
Les parties prenantes s’engagent à collaborer au futur Observatoire de l’économie de la musique, en mettant à sa disposition les informations et données nécessaires à l’exercice de sa mission.
Les parties prenantes concernées s’engagent à collaborer activement à l’étude lancée par la Direction générale des médias et des industries culturelles pour mesurer le partage de la valeur sur la base d’un échantillon de contrats et d’une méthodologie choisis d’un commun accord.
- OBJECTIF N°3 : AMÉLIORER L’EXPOSITION DE LA MUSIQUE ET LA DIVERSITÉ CULTURELLE
Confirmer et améliorer l’efficacité des engagements de diffusion de chansons d’expression originale française pour améliorer la diversité musicale à la radio.
Les éditeurs de services de musique en ligne s’engagent à assurer dans leur offre une exposition significative des oeuvres d’expression originale française et à assurer par ce biais la promotion et la mise en valeur de la diversité des catalogues musicaux et des oeuvres.
- OBJECTIF N°4 : PROMOUVOIR DE BONNES PRATIQUES CONTRACTUELLES PAR UN CODE DES USAGES
Pérennité et stabilité des contrats.
Justification des avances.
Transparence des minimas garantis.
Les éditeurs de services de musique à la demande gratuits s’engagent à mettre en oeuvre des services payants à valeur ajoutée, afin de développer la conversion des utilisateurs des services gratuits vers des services payants.
Diversité des plateformes et émergence de nouveaux acteurs.
Prise en compte des parts de marché.
- OBJECTIF N°5 : GARANTIR AUX ARTISTES UNE JUSTE RÉMUNERATION
Intérêt commun des parties
Assiette de rémunération des artistes
Participations en capital
Abattements contractuels
Garantie de rémunération minimale
Transparence des revenus des artistes
Les artistes-interprètes bénéficient de plein droit d’un droit d’audit des comptes se rapportant à leurs enregistrements, et ce dans le cadre de la mise en oeuvre des contrats et des conditions économiques qu’ils prévoient.
Les sociétés de perception et de répartition des droits des artistes-interprètes et des producteurs phonographiques s’engagent à participer au groupe de travail sur les métadonnées conduit par la direction générale des médias et des industries culturelles, et visant notamment à permettre une meilleure identification des droits.
- OBJECTIF N°6 : MOBILISER LES MOYENS DISPONIBLES POUR FACILITER LA TRANSITION NUMÉRIQUE
Poursuite de la rationalisation et de la modernisation des organismes d’intérêt général au service de la filière musicale.
Les producteurs proposent de créer un fonds de soutien à l’emploi direct.
Mobiliser l’action artistique et culturelle en faveur des actions prioritaires.
- OBJECTIF N°7 : ASSURER UNE MISE EN OEUVRE EFFECTIVE ET DURABLE DU PROTOCOLE D’ACCORD
Le présent protocole d’accord, qui est reconductible, est applicable à compter de la date de sa signature, pour une durée de 3 ans.
Crédit photo : MCC (c) Thibaut Chapotot