Les artistes morts vendent plus que les vivants

"Et dans ces cas-là, qui c'est qu'on appelle ?" Car comme le disait Dan Akroyd à Bill Murray lors de sa première apparition à l'écran dans SOS Fantômes, "Ca y est ! Cette fois, ça y est !" Et oui, pour la première fois de l'histoire, les albums dits "catalogue", c'est-à-dire étant sortis depuis plus de 18 mois, réalisent plus de ventes que les sorties récentes (donc oui, parler des morts et des vivants est pour l'heure exagéré, mais si ça continue...). On parle ici uniquement des chiffres US, les bilans annuels du SNEP (Syndicat National de l'Edition Phonographique) n'en faisant pas mention.

Ajoutons également un petit bémol, puisque si cette information est vraie pour les ventes globales, pour les ventes physiques ou les ventes de titres en numérique, ce n'est pas encore le cas des albums en version numérique. Encore que ce n'est peut-être qu'une question de temps...
 

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Doit-on vraiment rappeler l'apathie des maisons de disques, leur refus de prendre en compte l'émergence de nouvelles pratiques avec Internet et le numérique, jusqu'à se faire couper l'herbe sous le pied par les réseaux P2P... Le passé est le passé. Les labels d'aujourd'hui, et la nouvelle génération de directeurs artistiques et de responsables marketing qui va avec, se retrouvent devant une situation terriblement complexe. Le système de la payola (en gros, trouver des moyens détournés pour payer les diffuseurs afin qu'ils mettent certains artistes en avant), que les grandes maisons de disques ont largement contribué à mettre en place, est devenu incontrôlable (à ce sujet, nous vous renvoyons à cet article qui en traite en partie).

Les arrangements à l'amiable sont généralisés, la concentration de la diffusion sur un nombre toujours plus réduit d'artistes également. Les diffuseurs mènent la danse, hier radios FM, aujourd'hui les plateformes GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft). Sans avoir les moyens d'inverser la tendance, et devant la chute des ventes qui se poursuit, les labels font ce qu'ils peuvent, mais ne sont plus maîtres de leur destin et tâchent d'assurer leur survie, notamment en cherchant de nouvelles sources de revenus autour des artistes stars (les fameux "contrats 360°"). Alors que 9 sorties sur 10 se plantaient déjà à la grande époque, le fait que la marge de manoeuvre financière soit désormais réduite incite d'autant moins à prendre des risques.
 

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Source : Nielsen Soundscan

Cela étant, les maisons de disques ne sont pas les seules responsables. Le succès du vinyle, s'il est souvent exagéré dans la presse (les ventes ne représentent toujours qu'une part très faible du total), incite néanmoins les acheteurs à se tourner vers leurs albums de référence... et vers les multiples rééditions. D'après le NME, les ventes de vinyle sur le premier trimestre 2015 avaient augmenté de 52% par rapport à 2014. Or, ce sont bien les ventes d'anciennes références qui profitent de cette hausse.

Ensuite, bien évidemment, quid des écoutes en streaming ? Là-dessus, il est très difficile d'estimer leur impact sur les ventes. Ce que l'on peut affirmer tient de l'évidence : les pratiques évoluent, et les ventes d'albums récents en pâtissent, les jeunes auditeurs privilégiant très largement le numérique, comme le montrent toutes les études à ce sujet (voir par exemple l'étude dirigée par Olivier Donnat Les pratiques culturelles des Français, dont le dernier volume date de 2008, et dont le prochain sera à n'en pas douter riche d'enseignements). Quant aux artistes, vu l'actualité récente (voir notre article sur la récente "Loi liberté de création"), ils payent les pots cassés, comme trop souvent ces derniers temps.



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