Selon Bloomberg, la société suédoise de streaming Spotify punirait les artistes qui passent des accords exclusifs avec les autres plateformes de streaming et notamment Apple Music, service lancé l'an dernier, mais aussi avec Tidal.
La démarche de Spotify est simple : si un artiste signe l'exclusivité d'un album chez la concurrence, l'artiste en question verra ses titres présents sur Spotify plus difficiles à trouver, retirés des playlists et en conséquence moins écoutés. Le but est d'empêcher les accords d'exclusivité et de garder des parts de marché, mais ceci au dépend des artistes et de leur liberté de fournir leur musique où bon leur semble (ou du moins au choix de leurs maisons de disque).
On le sait le business du streaming gratuit comme payant à de lourds enjeux aux vues du nombres d'écoutes de la musique sur internet. Spotify voit en Apple Music un sacré concurrent à combattre, car il a déjà 15 millions d'abonnés depuis un an alors que Spotify en compte plus de 30 millions depuis ses débuts il y a 10 ans déjà. Malgré cela et le fait que les écoutes de titres sont très faiblement payées aux artistes, la société suédoise ne génère pas encore de profits alors qu'elle a plus de 2 milliards de dollars de revenus dans le monde, cela s'expliquerait en partie par la rétribution des labels et son budget publicitaire qui lui coûtent 55% de ses revenus. On comprend alors sa motivation acharnée pour garder et augmenter ses parts de marché.
Une guerre sans fondement pour les artistes que se donne Apple et Spotify dans laquelle tout est permis puisqu'en juin dernier Spotify accusait Apple de de bloquer sur iPhone la nouvelle version de son appli mobile. Apple a tenté de se légitimer en expliquant que son rival ne respectait pas les conditions de service, ou comment bloquer facilement la concurrence en étant à la fois présent sur le front du streaming et en vendant des téléphones où sont disponibles les applis de streaming, il est alors aisé de favoriser la sienne. Apple a aussi dégainé en proposant de modifier les coûts des redevances, ce qui aurait des répercutions sur les charges de Spotify. On comprend alors que Spotify montre les dents.
Spotify trouve donc que les offres exclusives sont nocives pour les musiciens, les fans et pour elle-même puisque cela bloque sa croissance et pourrait limiter son nombre d'abonnés à l'offre payante. L'offre gratuite de Spotify ne servant qu'à attirer le chaland (au dépend des artistes puisqu'ils sont encore moins bien rétribués dans ce cas-ci), certaines maisons de disques demandent à Spotify de ne rendre disponible en écoute les titres de leurs poulains qu'aux abonnés payants. Et c'est de bonne guerre, mais dans ce nouveau business juteux la place de cette guerre pourrait finalement coûter cher à tous, aux auditeurs qui pourraient devoir s'abonner sur plusieurs plateformes pour profiter de plusieurs catalogues, aux artistes qui verront leurs titres restreints sur certaines plateformes et aux plateformes de streaming elles-mêmes qui en se jettant dans la surenchère pour attirer les gros poissons (Universal a par exemple vendu à Apple Music certains de ses meilleurs vendeurs, dont Drake) limitent encore leur possibilité de générer enfin du profit.
Pour la première fois, je laisserai la conclusion d'un article à Kanye West qui critiqua sur son Twitter cette compétition agressive entre Apple Music, Tidal et Spotify et en appella ces trois sociétés à laisser les gosses avoir la musique.
J'ajouterai tout de même que nous sommes encore loin de la "juste rémunération" des artistes souhaitée par Fleur Pellerin lors du début des accords sur la Loi Liberté de création. Ici on ne parle que de parts de marché, de business et finalement pas de musique.