On avait laissé Carpenter Brut il y a maintenant quatre ans avec Leather Teeth. Avant cela, la première trilogie d’EP avait conquis le cœur d’auditeurs divers et variés, pour ensuite être portée par des concerts positivement éreintants. Si bien que quand Leather Teeth était sorti, il avait surpris tant le tempo semblait différent. Les sons se faisant plus retro, moins lourds, moins pesants, laissant parler de multiples influences, entre funk, glam, pop et disco. Et après avoir « destabilisé » ses fans, Franck Hueso est désormais de retour avec Leather Terror, bien décidé à montrer qu’il sait toujours être tranchant.
Du hardcore gamer l’écoutant sur Hotline Miami à l’amateur d’électro et bien sûr au metalleux amateur de riff, Carpenter Brut a su ratisser large. Tout le monde peut se retrouver dans ces accélérations fulgurantes, ces sonorités à la fois intemporelles et futuristes qui ont fait du groupe le fer de lance du mouvement synthwave. Même quand il s’agit de toucher à d’autres genres, on retrouve toujours cette « patte » caractéristique à l’entité de Franck Hueso.
Et pourtant, dès l’introduction, Leather Terror plongéedans un environnement beaucoup plus lourd, beaucoup plus sombre que sur Leather Teeth, mais aussi plus proches des premiers disques du musicien. Oublié les chaloupes disco de "Sunday Lunch" ou la bande son parfaite pour Outrun qu’est "Inferno Galore".
Bret Halford, l’antihéros de cette nouvelle trilogie est encore plus énervé que par le passé. Le désormais chanteur de Leather Patrol est devenu un meurtrier, bien décidé à se venger de ceux l’ayant terrorisé. Et cela se ressent dans la musique. Là où Leather Teeth pouvait être vu comme un bonbon sucré, où l’amour de la pop acidulé se mariait aux rythmes débridés, ici, le personnage est plus sombre et les rythmiques en deviennent plus martiales.
Le résultat est extrêmement puissant. Au fil des morceaux qui s’égrènent, on imagine ce Darkman superstar du rock abattant sa vengeance sans concession. De déclaration d’amour au glam, le second volet des Leather devient un pamphlet indus, aux rythmiques bien plus lourdes et lancinantes. On évoque ainsi bien plus Rammstein que Poison.
On retrouve néanmoins cette capacité propre à Carpenter Brut à casser des nuques via d’endiablées pistes instrumentales, comme le prouve le milieu de l’album… Alors qu’il s’agit sur bien des disques de l’endroit propice aux pistes de remplissages, rien de tout ça ici. La médiane du disque est au contraire une puissante accélération, point d’orgue de l’album avec un enchainement "Day Stalker" / "Night Prowler" qui va causer quelques dégats en live !
De plus, chacun de ces morceaux est parfaitement dosé et placé, permettant à l’album d’être parfaitement digeste à l’écoute. A ce titre, ce deuxième véritable album est une véritable leçon de tracklisting comme cela se perd à une époque où les albums servent de fer de lance à singles plus qu’à une véritable réflexion thématique.
Ce qui surprend le plus à l’écoute de ce Leather Terror, c’est clairement son nombre de featuring. La moitié de l’album est ainsi chanté dans ce qu’on va appeler un sublime grand écart stylistique. "The Widow Maker" avec Gunship et "Imaginary Fire" avec Greg Puciato avaient déjà fuité, mais n’annonçaient en rien les délires de Hueso vis-à-vis de ces morceaux. On retrouve ainsi Kristoffer Rygg (seul feat présent sur les deux disques) sur le titre le plus triste et lent de l’album – encore – avec un "…Goodnight, Goodbye" sonnant telle une pop funeste.
Puis viendra ensuite un "Lipstick Masquerade", qui, après "Maniac", semble être une seconde déclaration d’amour à Flashdance. On retrouve ainsi un rythme endiablé que n’aurait pas renié Irène Cara, ou encore la Bonnie Tyler de "Holding Out For A Hero" sur la BO de Footloose (autre grand film de danse des 80’s). Il s’agit de la chanson la plus proche du précédent disque, qui en remet une couche sur le bonbon dont on vous parlait au début de texte. On peut difficilement faire plus acidulée que son final appelant le MJ intouchable à son apogée pop.
Mais alors que dire de "Stabat Mater", sorte de procession funèbre portée par une Sylvaine en état de grâce, ou encore de Leather Terror. L’éponyme est la composition la plus sombre et violente de l’album, portée par un Jonka qui insuffle de sa voix une aura démoniaque au dernier morceau du disque.
En conclusion, paraphrasons pour une fois un élément de langage disponible sur le site internet du groupe. En effet, Leather Terror est la version Terminator 2 de Leather Teeth. Une baffe monstrueuse, démente, gérant parfaitement le syndrome du Bigger, Better and Louder. Ce disque est ainsi une petite pépite en terme de construction, de composition, tant et si bien qu’il est difficile de lui trouver de gros défauts.
Ni trop court, ni trop long, ni trop violent, ni trop calme, Carpenter Brut a réussi parfaitement son numéro d’équilibriste. Et vu comme c’est parti, et qu’il n’y aura pas un Jonathan Mostow ou un McG pour tout saloper derrière, on va partir confiant pour la dernière partie de la trilogie qui ne ressemblera pas à Terminator 3 ou ses horribles successeurs !
Carpenter Brut - Leather Terror : sorti le 1er avril 2022 chez No Quarter Prod / Virgin Records
- Opening Title
- Straight Outta Hell
- The Widow Maker feat. Gunship
- Imaginary Fire feat. Greg Puciato
- ...Good Night, Goodbye feat. Ulver
- Day Stalker
- Night Prowler
- Lipstick Masquerade feat. Persha
- Color Me Blood
- Stabat Mater feat. Sylvaine
- Paradisi Gloria
- Leather Terror feat. Johannes "Jonka" Andersson