Dissimulés derrière leurs linceuls noirs estampillés du logo énigmatique du combo, les membres de Gaerea ont su tirer leur épingle du jeu. Avec un EP éponyme et deux albums (Unsettling Whispers et Limbo), les Portugais ont rapidement gravi les échelons et marqué les esprits avec des sorties tous les deux ans. La tradition se perpétue avec Mirage qui, comme son nom l’indique, sort de leur zone de confort les plus puristes du mouvement black metal. Mirage se veut donc être une illusion, mais certainement pas en ce qui concerne le son.
Durant la pandemie, beaucoup de groupes ont totalement cessé leur activité. Ce ne fut pas le cas de Gaerea qui a mis toutes les chances de son côté pour faire la meilleure des sorties possible avec Limbo. Cette pause de scène forcée a été mise à profit pour la promotion de ce dernier mais pas seulement. Durant cette période de trouble mondial, Mirage, "produit d’une inspiration soudaine", a été couché sur le papier en deux semaines pour les pistes principales.
Loin des standards du black avec ses envolées mythologiques ou anti-religieuses, Mirage se veut être un concept album ayant pour thèmes principaux l’isolement, la souffrance et l’incertitude. Plus habitué à la scène death, leur producteur et compatriote Miguel Tereso (Demigod Recordings) a apporté avec une grande réussite son regard extérieur et sa touche personnelle.
"Memoir" ouvre le bal de la plus belle des manières. Une longue introduction électro-acoustique à laquelle se mêle la voix chuchotée de Ghilherme Henriques immerge totalement l’auditeur dans un univers sombre et ténébreux. Les riffs de la rythmique et blasts se déchainent pendant que la lead apporte sa part d’harmonie au son. Le voix s’est muée en un scream rocailleux qui, dans un ultime effort, se veut laconique avec l’énergie du désespoir. Des pistes comme "Salve", "Ebb" et "Laude" sont percutantes dès les premières notes tandis que les autres morceaux, "Arson" en tête, nous laissent un léger répit avant de nous submerger entièrement par un black percutant mais enclin à l’émotion.
Nous avions déjà découvert "Salve", "Mantle" et "Mirage" par l’intermédiaire de clips vidéo. Pas de grosse production pour les deux premières, la horde portugaise est en configuration live avec leur frontman derrière son fameux pied de micro arborant symboliquement leur logo (à la manière de Der Weg Einer Freheit pour Finisterre). En ce qui concerne "Mirage", le clip se focalise sur le chanteur se débattant, son corps sombre meurtri de plaies béantes dorées et sanguinolentes. On retrouve ici l’artwork général de Mirage, les protagonistes sombres, comme les thèmes abordés, nous délivrent un son dont l’harmonie dorée coule et nous éclabousse littéralement en pleine face.
Même si, d’une manière générale, l’album est d’une homogénéité impressionnante de par la qualité sonore mais aussi la structuration identique de la quasi-totalité des pistes, deux chansons sortent aisément du lot. "Arson", placée au centre de l’opus avec sa rythmique mid-tempo, est une tempête émotionnelle. Le son des guitares brillamment travaillé sur l’intro vient se faire embrocher par les riffs soutenus, les screams et murmures désespérés.
"Laude", quant à lui, se place comme un hymne fédérateur de Gaerea. Lors des passages plus calmes, le chant est très audible et harmonieux. Sans aucun doute, il sera repris en cœur en live par tout le pit. Après le break instrumental et à l’instar de "Memoir" et "Arson", on nous susurre à l’oreille "We are Gaerea" avant l’ultime déferlement de violence.
C’est avec un troisième album très structuré et à contre-courant que Gaerea est de retour après deux années de disette artistique. Si l'on veut être vraiment tatillon, le fait que toutes les pistes se valent au niveau qualitatif peut être un point faible de Mirage. Les thèmes abordés, sortant des sentiers battus du black sont une force, mais peuvent être considérés comme une faiblesse par les plus puristes du mouvement.
Présentant un visage unique à leur public (le même que la pochette de Mirage), les Lusitaniens ne sont pas près de tomber le masque. L’isolement est un véritable cauchemar et Gaerea gratte les accords de cette horreur avec nuance et grâce. « Nous ne sommes pas le même groupe qui a enregistré Limbo. Nous sommes plus désireux de conquérir le monde. Si la pandémie nous a appris quelque chose, c’est que rien n’est certain. » On a hâte de voir ça sur scène.
Tracklist:
Memoir
Salve
Deluge
Arson
Ebb
Mirage
Mantle
Laude
Dormant (Bonus)
Disponible le 23/09/2022 chez Season Of Mist