Voyager a crevé l'écran de millions de téléspectateurs en mai dernier lors de leur passage à l'Eurovision pour représenter l'Australie. Mais on ne peut pas les considérer comme des petits nouveaux totalement inconnus. Actif depuis 1999, le groupe a plusieurs fois été chroniqué à la Grosse radio et mérite qu'on s'y attarde. Mêlant metal progressif avec une pop très années 80 teinté de synthés, le groupe possède une signature unique et commence à compter parmi la scène metal. Le 14 juillet 2023 sort Fearless in Love leur huitième album. Que penser de ce nouvel effort ?
Quatre ans après leur album Colours in the Sun qui lorgnait beaucoup plus du côté du metal que des synthés, le groupe redonne une place aux claviers pour se démarquer un peu plus du reste de la scène progressive et nous montrer que, non, les années 80 ne sont pas si kitschs que cela. Empruntant plusieurs fois des atmosphères proches de la synth pop de Michael Sembello ou de Depeche Mode, on aurait pu craindre qu'un groupe se produisant sur la scène de l'Eurovision avec un keytar soit risible. Or Voyager sait ce qu'il fait et le fait bien. Alors que le metal prog se tourne en général vers des sons plus puissants dérivés du rock progressif, les Australiens ont toujours pris le parti de délaisser des soli démonstratifs au profit d'arpèges plus électro.
Cela se ressent dès le début avec "The Best Intentions" dont l'intro lorgne vers la techno ou encore sur "Prince of Fire". On a le sentiment général d'un album assez dansant. Cela pourrait effrayer certains fans de metal mais ce côté synthétique et largement contrebalancé par des riffs par Scott Kay et Simone Dow. Les deux guitaristes sont primordiaux pour insuffler un groove et une puissance héritée du djent comme sur "Ultraviolet" morceau complètement fou qui montre que Voyager a bien choisi son nom. Extrêmement complexe, on navigue entre techno, prog extrême avec des relents de hard rock des années 80.
Bien sûr, dès que les mots "prog" et "complexes" sont prononcés, certains auditeurs pensent tout de suite à fuir. Ne partez pas tout de suite car Voyager sait composer des morceaux très faciles à assimiler. On pense tout de suite au "hit" présenté à Liverpool lors de l'Eurovision : "Promise". Avec un refrain qui emprunte les "ho ho ho" à Coldplay, on ne doute pas qu'en live, il fera un carton. Même constat pour "Dreamer" qui ne verse jamais dans le kitsch malgré des effets 8-bits et un rythme très dansant. Dommage que ces deux morceaux ne fassent que trois minutes. Mais au moins le groupe montre que parfois, pour faire prog, pas besoin de développer un thème pendant une dizaine de minutes.
On l'a bien compris Voyager nous fait voyager, notamment avec "Submarine" sorte de morceau hybride joyeux à la "Maniac" qui serait passé par le filtre Devin Townsend. Comme le canadien, Daniel Estrin fait preuve d'une schizophrénie musicale impressionnante. Avec sa voix de tête et son accent si caractéristique, il se permet de growler et d'être plus menaçant dans "Prince of Fire" ou dans "Promise" (ndlr : oui un passage en growl à l'Eurovision, ça fait toujours plaisir).
Pour nous diriger dans ce voyage musical, il faut aussi une section rythmique solide et le mixage rend clairement hommage au talent d'Alex Canion qui délivre des parties de basses sublimes sur "Submarine" ou "The Best Intentions". Cela fait clairement plaisir de pouvoir entendre cet instrument et surtout de ne pas avoir une basse "techno". Même constat pour Ashley Doodkorte qui est aussi à l'aise dans les passages électro et metal.
Pour cet album, le groupe a avoué avoir enregistré en direct et non instrument par instrument. Cela se sent clairement à l'écoute et on n'a aucune difficulté à imaginer les morceaux en live. Outre les singles dévoilés, on a hâte de voir la réaction du public sur le très Coldplay/Rick Astley "Daydream" ou sur "Twisted".
Sans pour autant révolutionner le metal prog et sa propre discographie, Voyager nous livre un album solide et un peu plus diversifié. Taillé pour la scène et pour rentrer dans les têtes, "Fearless in Love" n'est pas juste un album qu'on écoute une seule fois. Assez catchy pour s'en souvenir dès la première écoute, les Australiens ont encore une fois composé des morceaux qui méritent de s'y attarder.
L'album sort le 14 juillet sur le label Season of Mist
Images : DR Season of Mist
Tracklist :
01 The Best Intentions
02 Prince of Fire
03 Ultraviolet (featuring Sean Harmanis of Make Them Suffer)
04 Dreamer
05 The Lamenting
06 Submarine
07 Promise
08 Twisted
09 Daydream
10 Listen
11 Gren (Fearless in Love)