Chronique spéciale cadeau de noël : on vous avait déjà parlé l'oeuvre Welcome to Hell(fest) de Johann Guyot et Sophie von Kelen, et le dessinateur a décidé de se lancer dans un nouveau projet sur les messages cachés de nos chansons adorées. On a tous eu la joie un jour, tel Indiana Jones, de découvrir un bonus par hasard à la fin d'un album ou de voir un petit détail sur une pochette. Dans un documentaire graphique, Johann Guyot et son acolyte Diego Gil titillent notre âme d'explorateur musical.
D'une bonne centaine de pages, le constat est vite clair : faire vivre la passion des deux auteurs pour la musique, le caché mais surtout pour l'art. Car s'il y a bien une idée dominante c'est celle de montrer qu'un album ne se résume pas à une suite de sons mais que souvent c'est une somme d'oeuvres et de choix artistiques réfléchis. Avec cet ouvrage, on apprend à regretter les vinyles, le déballage, la découverte physique de la pochette. Histoire d'une époque un peu révolue où la musique était tangible et se méritait. On ressent encore cette excitation qu'on a tous vécue : celle de revenir de chez le disquaire un peu tremblant avec un objet d'art entre les mains et qu'on parcourait tel un livre sacré.
L'ouvrage se lit facilement et se doit d'être relu plusieurs fois, notamment en écoutant la playlist indiquée en début de livre avec un QR code. Alors bien sûr les albums choisis sont plus dans la mouvance metal et rock puisque ces styles se prettent bien à la subversion et aux messages codés (quoique on imagine bien un Bescherelle caché dans une pochette de Jul ... mais alors bien bien caché le Bescherelle) mais les auteurs ont également élargi leurs propos pour mentionner Childish Gambino ou même France Gall (eh oui les metalleux sont cultivés). Divisé en plusieurs chapitres d'une demi douzaine de pages, on parcourt l'histoire de la musique amplifée, des pochettes d'albums avec des anecdotes sur des bonus tracks, des morceaux cachés, des références sur les vinyles, des techniques inventées avec les sillons pour révolutionner les écoutes. Si certaines références sont connues comme Pink Floyd ou Les Beatles, il y a eu un vrai travail de recherches sur des groupes plus underground.
L'autre force de l'ouvrage est de proposer une analyse sociologique démarrant dans les années 50 avec le rock de Little Richard en passant par la révolution sexuelle, l'avènement du disque compact et les questions raciales aux Etats-Unis. Encore une fois, les auteurs montrent que ce n'est pas que de la musique mais chaque style, chaque album reflète une époque. Ainsi, même les plus pointus d'entre nous, qui connaissent déjà la plupart des oeuvres évoquées, pourront se retrouver dans ce livre puisqu'il s'en dégage une atmosphère nostalgique forte, renforcée par les dessins de Johann Guyot. Ce dernier alterne entre hommages classiques à Tintin, petites histoires courtes dans le style de Sempé mais avec un graphisme proche de Christian Binet et bien sûr pochettes d'albums reproduites en noir et blanc qui permettent d'illustrer les analyses.
Il faut noter que dès le début, les auteurs stipulent bien que certains messages cachés sont purement imaginaires, dépendent de notre interprétation ou de notre point de vue sur une oeuvre. Cette humilité se devait d'être remarquée car bien souvent, lors d'analyses littéraires, on trouve tel ou tel message alors que l'auteur n'a fait qu'écrire ce qui lui passait par la tête. Comme ils le disent si bien, l'ouvrage reflète "leur découverte" et non une démonstration tentant de prouver qu'ils ont raison. La lecture s'achève avec le sourire aux lèvres, comme si on avait passé un bon moment dans le grenier de son grand-père ou de son papa, à découvrir ou redécouvrir des trésors cachés et à les emporter chez soi pour prolonger l'expérience.
Les deux compères Diego Gil et Johann Guyot nous ont concocté un bel ouvrage, bien fourni et bien complet mais sans prise de tête. Des anecdotes croustillantes, techniques et humoristiques rendent cette oeuvre indispensable pour qui voudrait se replonger dans des souvenirs, découvrir la richesse d'une musique souvent résumée à "du bruit". On savait déjà que le rock et le metal étaient de merveilleux styles mais avec "Something to Hide", on accède à cette dimension cachée, une dimension divine en quelque sorte (ou diabolique puisque le diable se cache dans les détails).
Disponible dans toutes vos libraires ou sur le site des Editions du Blouson Noir.
Images : DR Editions du Blouson Noir