En 2021 on vous parlait de Meridian, un premier album d’une puissance et d’une maturité déconcertantes, sorti via l’excellent label Pelagic. La formation belge de post / prog metal Hippotraktor se remet en selle et présente aujourd’hui le tonitruant Stasis, nouvelle étape d’un parcours sans faute.
Quintette depuis l’arrivée au chant en 2021 de Sander Rom (L’Itch) et Stefan de Graef (Psychonaut), Hippotraktor récidive, et se révèle dans le choc des extrêmes. Tout au long des sept titres de Stasis, le groupe cultive l’art de la nuance et de la navigation en eaux troubles, entre la lumière et le chaos.
"Descent" est une entrée en matière époustouflante marquée par un début percutant, mur de riffs signé Sander Rom et Chiaran Verheyden (principal compositeur, également producteur de l’album), densité et hurlements démentiels en avant. Les transitions habiles mènent à des passages plus lumineux où le chant clair va même jusqu’au chuchotement avant que le morceau ne se charge à nouveau d’une puissance impitoyable. Le morceau-titre "Stasis", plus sombre mais étonnamment groovy, s’ouvre également sur une intro monstrueuse avant des passages d’une délicatesse infinie.
La puissance est là, oppressante par moments, mais la bande virtuose sait également se faire entraînante et marquer le groove, par de superbes lignes de basse de Jakob Fiszer, comme sur l’excellente "The Indifferent Human Eye" où s’invitent quelques passages djent à la Meshuggah avant une conclusion écrasante. Il faut souligner l’énorme travail sur la rythmique, avec la batterie bien en avant dans le mix, de façon à ce que tous les épisodes de déconstruction, syncopes millimétrées, et autres ralentissements de Lander De Nyn s’impriment dans la tête de l’auditeur. Cela confère une touche très moderne ("Silver Tongue" avec son intro démente pleine de lourdeur) et complète parfaitement les moments lourds, écrasants, énormes breakdowns et riffs monumentaux qui viennent s’abattre sur des moments plus feutrés.
Difficile de ne pas évoquer la prestation vocale époustouflante de Stefan, du chant clair aux rugissements saisissants. Plusieurs morceaux s’appuient sur la belle complémentarité des chants, clairs et criés, de Sander et Stefan, dotés d’une force d’interprétation hallucinante. En mode chant de marin sur la moderne "Echoes", ou en harmonies pour donner une dimension spirituelle à certains passages lumineux, avant que les hurlements post hardcore ne reprennent le dessus comme sur l’impressionnant crescendo "Renegade". La narration suit le cheminement tumultueux et introspectif d’un personnage fictif confronté à la réalité d’un nouveau monde, luttant contre cet état d’inertie (stasis)et la tentation du repli vers soi.
On retrouve le choc des énergies tempétueuses et mouvantes avec le morceau de conclusion, "The Reckoning", ultime dialogue entre murs de riffs et notes aériennes. L’approche progressive est assumée, avec sept morceaux longs – les quatre derniers comptant plus de sept minutes. Les compositions complexes et percutantes, élaborées et marquantes, se digèrent et se découvrent au fil des écoutes. Dans la continuité de son premier opus, Meridian, le combo belge s’affirme dans un style post / prog qui, il faut l’admettre, n’est pas forcément des plus accessibles. L’approche sinueuse du groupe est aussi riche qu’exigeante, et les amateurs du genre se feront un plaisir de découvrir de nouvelles textures au fur et à mesure des écoutes.
Les extrêmes entrent en collision dans ce Stasis, créature lumineuse et viscérale à la fois, qui dépasse les paradoxes. Animé par une énergie irrésistible, Hippotraktor réussit pleinement son pari et poursuit l’exploration d’univers denses et intenses, sans renier la puissance ni la nuance. De quoi espérer une prestation mémorable pour les premières rencontres entre les Belges et le public français, prévues cet été du côté du Finistère, au Motocultor, et en octobre à Paris du côté du Glazart…
Tracklist :
Side A
1. Descent
2. Echoes
3. Silver Tongue
4. Renegade
Side B
5. The Indifferent Human Eye
6. Stasis
7. The Reckoning
Stasis, nouvel album de Hippotraktor, sort le 7 juin via Pelagic Records.