Leprous – Melodies of Atonement

Disons-le d'entrée de jeu : Leprous a toujours su transformer la musique en or. Des débuts plus extrêmes aux côtés d'Ihsahn à un virage plus électro, il est difficile de déceler une faute de goût. Avec une régularité d'un album tous les deux ans, les Norvégiens comptabilisaient sept œuvres presque parfaites. Trois ans après son dernier effort intitulé Aphelion, cassant ce rythme biannuel, le groupe revient donc avec Melodies of Atonement qualifié de plus heavy - ce qui a vite fait frémir les fans des premiers albums, espérant du growl et des choses plus extrêmes. Alors, Leprous est-il capable de continuer sur sa lancée quasi parfaite ?

Encore une fois, Leprous décide de ne pas suivre les mêmes recettes qu'auparavant. On avait quitté la bande à Einar Solberg sur du chamber rock avec violon et violoncelle il y a trois ans. Exit les cordes, le groupe revient aujourd'hui sur des fondamentaux qui mêlent electro, rock et un peu de metal. Au risque de décevoir les puristes de Leprous, oui, Melodies of Atonement est plus heavy, mais non ce n'est pas un Tall Poppy Syndrome. Néanmoins il reste plus sombre et violent que Aphelion. Si on devait résumer ce nouvel opus, on pourrait dire "on est comme Muse mais on le fait mieux et on ne se perd pas dans des morceaux pop et fadasses". En effet les deux formations évoluent au départ sur les mêmes bases : un rock assez énervé, influencé par Radiohead, par l'électro des années 80, le tout arrosé d'influences classiques notamment dans le chant. Mais Leprous se sert de ses influences pour créer son style particulier et pour proposer un metal/rock progressif digne d'intérêt.

Leprous, Melodies of Atonement, Einar Solberg, Tor Oddmund Suhrke, Baard Kolstad, Simen Børven, Robin Ognedal, Tomasz Gotfryd

Lorsqu'on analyse vraiment Melodies of Atonement, on se rend compte d'une chose : la capacité qu'a le groupe de nous hypnotiser littéralement. Que ce soit en utilisant moultes anaphores et épiphores dans les paroles de "Limbo", "Unfree My Soul" ou "My Specter" ou par la répétition subtile de certains motifs, le tout avec l'art maîtrisé du crescendo pour installer une réelle tension. On a toujours vanté le côté cinématographique du groupe et il est plus que jamais présent dans cet opus. L'album et chaque chanson s'écoutent comme un film qui passe à une vitesse folle. Contrairement à certains groupes, Leprous n'a pas besoin de créer des titres d'une vingtaine de minutes pour raconter des choses fortes. Même si le groupe a déjà fait des compositions fleuves par le passé, Melodies of Atonement représente une facette plus concise des Norvégiens. Et pourtant la diversité est au rendez-vous. Un bon exemple serait le très particulier "Self-Satisfied Lullaby". Assez hypnotique avec son titre répété par Einar Solberg avec des effets dans la voix, le tout souligné par une ambiance très synthwave, la chanson parvient à évoluer vers un paysage plus urbain. Ce n'est pas forcément le morceau qu'on retiendra mais on peut saluer cet ovni qui fera son petit effet s'il est joué en live.

Autre ambiance développée ici et chère à Leprous, le jazz. Cela permet souvent d'alterner entre le côté plus sombre du rock/metal distillé par le groupe et l'atmosphère plus feutrée. "Atonement" est un bon exemple avec notamment un Baard Kolstad très impressionnant à la batterie. Il est vraiment celui qui va apporter de la subtilité avec son jeu à la charley et à la snare pour ensuite diriger le morceau vers quelque chose de plus groovy et plus violent.

En arrière plan, ça tient clairement la route grâce à Baard mais aussi grâce au jeu très varié de Simen Daniel Børven à la basse. Il se permet même de sortir une sublime contrebasse sur "Faceless" et navigue facilement dans les univers jazzy, electro, metal du groupe. Mais forcément, celui qui dirige le navire reste Einar Solberg avec sa voix variée et angélique. Parfois proche de Sam Smith ou Matt Bellamy, il atteint des sommets assez vertigineux sur "My Specter" ou "Starlight". On sent qu'il a clairement progressé dans ce registre qu'il utilisait un peu moins aux débuts du groupe. Il fait quand même plaisir aux fans de la première heure en growlant un peu sur "Like a Sunken Ship" mais cela reste très léger et on sent que le metal des débuts n'est plus que de l'histoire ancienne. Ce dernier morceau est un bon exemple de l'évolution du groupe, tout en montrant également le côté plus sensuel d'Einar. Les compos prennent même un aspect "sexy" avec LE titre de l'album "Limbo" qui contient toute la force de Melodies of Atonement : l'hypnose, les anaphores, un clavier électrique, une basse hyper groovy et un solo magique de guitare.

A noter aussi un énorme travail de sound design qui notamment sur "Silently Walking Alone". Les fans de guitare décideront de se concentrer sur les riffs mais ceux qui aiment voir ce qui se passe en arrière plan ne seront pas déçus. Notamment avec "I Hear the Sirens" qui rappelle un peu le travail des synthétiseurs de Richard Barbieri, le claviériste de Porcupine Tree, autre influence musicale des Norvégiens. Les influences remontent même encore plus loin puisqu'on se surprend à penser à David Gilmour de Pink Floyd sur certains soli comme celui de "Starlight". Mais le groupe n'oublie pas pour autant le côté moderne de sa musique notamment sur le morceau qui clôt l'album "Unfree My Soul" doté d'une ambiance martiale à la Imagine Dragons.

C'est donc encore un (nouvel) album quasi parfait que nous délivre Leprous. Mais après tout, n'était-ce pas ce que nous attendions ? Le groupe a toujours prouvé qu'il était passé maître dans l'art de se dépasser et surtout dans sa capacité à se renouveler sans pour autant perdre son identité. Il est vrai que, si on écoute les premiers albums puis Melodies of Atonement, le fossé est immense, mais on vous invite à vous plonger dans l'intégralité de la discographie du groupe pour vous rendre compte de la cohérence de leur propos. Faisant toujours preuve d'intelligence et développant une capacité à être complexe sans pour autant être difficile d'accès, Leprous a encore une fois prouvé qu'il était vraiment une force créative dans le monde du prog, du rock et du metal. Courrez donc les voir à la Salle Pleyel à Paris le 17 janvier 2025 !

 

Photos : DR Thomasz Gotfryd et Inside Out Music

Leprous, Melodies of Atonement, Einar Solberg, Tor Oddmund Suhrke, Baard Kolstad, Simen Børven, Robin Ognedal, Tomasz Gotfryd

Tracklist

1. Silently Walking Alone
2. Atonement
3. My Specter
4. I Hear The Sirens
5. Like A Sunken Ship
6. Limbo
7. Faceless
8. Starlight
9. Self-Satisfied Lullaby
10. Unfree My Soul

L'album est disponible le 30 août ici sur le label Inside Out Music.

Leprous, Einar Solberg, Tor Oddmund Suhrke, Baard Kolstad,

NOTE DE L'AUTEUR : 9 / 10



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