Dixième album pour le groupe poitevin qui a navigué dans sa discographie entre metal progressif, rock atmosphérique, art rock. Maître dans le jeu des contrastes, renommé pour la qualité de ses prestations live en salle ou en festival, Klone a récolté autant de reconnaissance sur les tournées avec des monstres sacrés comme Gojira ou Devin Townsend, qu’en tête d’affiche sur des shows électrique ou même unplugged à l’esthétique soignée. Un groupe aux multiples facettes qui a développé cependant un son unique et caractéristique en se cultivant l’art de la composition et le langage des émotions, et propose ici une nouvelle expérience immersive.
Il y a quelques semaines à peine Klone parcourait les routes pour une superbe tournée acoustique, en ne parlant qu’à demi-mots de cette nouvelle sortie imminente. Le groupe, généreux sur scène, a pourtant à son actif de nombreux albums marquants, et ce dernier opus ne fait pas exception. Collection de morceaux anciens et nouveaux, The Unseen marque une fin de contrat avec le label Pelagic. Sept titres seulement le composent, mais un coup d’oeil sur la liste des pistes suffit pour voir que le groupe n’a pas choisi le service minimum pour ce nouvel opus : cinq morceaux dépassent les cinq minutes, dont "Spring", piste ultime d’une douzaine de minutes, de quoi s’attendre à une escapade du côté progressif de la Force…
Le mot d’ordre du Klone cru 2024 est certainement introspection. L’album s’ouvre en effet sur "Interlaced" et "The Unseen", deux titres récemment arrangés et joués sur la tournée unplugged, et ayant trouvé comme naturellement leur place dans la setlist. De la douceur, certes, mais aussi de l’aventure et de l’exploration musicale, et du relief dans les arrangements et la production, impeccable comme souvent avec les Poitevins.
"Interlaced" est marqué par son tempo lent et les superbes lignes de basse bondissantes signées Enzo Alfano. Le morceau est immédiatement enveloppant, par les textures et la profondeur des guitares, les mélodies intenses servies par le chant clair et tellement caractéristique de Yann Ligner, magistral dans le storytelling, l’articulation, l’émotion. On y retrouve un solo de saxophone presque aérien de Matthieu Metzger, de retour pour une nouvelle collaboration avec le groupe. Les expérimentations ne s’arrêtent pas là, et on retrouvera les lignes de sax dans le morceau peut-être le plus surprenant de l’album, "Desire Line", dont le groove entêtant et l’intro très soul fera certainement tourner les têtes.
Le morceau-titre se fait plus traînant dans la première partie, avant une montée en puissance qui révèle à partir de 4:00 un visage plus dur, plus sombre, avec une pointe de distorsion dans les guitares de Aldrick Guadagnino et Guillaume Bernard, rugueuses, et le chant saturé de Yann. 1 minute 30 intenses qui nous rappellent que Klone excelle aussi dans ces épanchements lourds et plutôt métalliques. Toutefois le propos de The Unseen est différent : c’est dans l’exploration des émotions que le groupe trouve ici la force qui s’exprimait par la puissance dans le dernier album Meanwhile. Cette nouvelle invitation à la contemplation et à l’aventure musicale et conceptuelle s’inscrit plutôt dans la lignée des opus marquants Here Comes the Sun et Le Grand Voyage.
The Unseen regorge de pépites aux mélodies mémorables et à l’atmosphère poignante, véritables signatures du groupe véritablement virtuose dans la force de ses refrains. Citons "Magnetic", ode à l’amour marquée par une dynamique dans le jeu des guitares qui confère au morceau un côté incroyablement lumineux. De magnifiques refrains restent en tête, comme celui d’"After the Sun", qui se fait entêtant. Soutenu par d’incroyables lignes de basse et des boucles de guitares hypnotiques. Toutes les subtilités du jeu de batterie de Morgan Berthet s’expriment de façon impressionnante.
Sur le lent et prenant "Slow Down", l’écho touche même la batterie, jusqu’aux chœurs des premières mesures. Le morceau est dynamisé par cette basse virevoltante et les riffs entêtants, jusqu’au refrain toujours très inspiré. Le prog est là, et s’affirme sans vergogne sur le morceau-fleuve "Spring", qui se découpe en trois parties distinctes, quasiment deux premières minutes d’introduction atmosphérique avant l’irruption de beaux arpèges et d’irrésistibles lignes de basse. Tout en maîtrise, le groupe s’autorise une ultime montée en puissance, cette fois vers l’étrange, à la limite de la dissonance, avant six minutes d’outro atmosphérique et d’effets ambients qui viennent achever cette exploration onirique de l’impalpable. Il ressort toutefois de cette conclusion un léger sentiment d'inachevé, notamment par la longueur de cette outro par rapport au morceau central qu'on aurait pu espérer plus marquant.
"The unseen", c'est ce que l’on ne voit pas, l’invisible ou, ici, ce qui est inexplicable : nos émotions, nos ressentis. Mais le talent de Klone, lui, ne se cache pas. Bien visible, perceptible à chaque seconde de cet album, une sorte d’énergie solaire se dégage et emporte l’auditeur dans une plongée dans une contemplation intérieure qui refuse autant l’imposture que la noirceur. À travers ce nouveau (presque aussi grand) voyage, les expérimentations progressives d’un groupe qui respire l’authenticité, la solidité et l’audace s’expriment librement, pour notre plus grand bonheur.
Tracklist The Unseen :
Side A
1. Interlaced
2. The Unseen
3. Magnetic
4. After the Sun
Side B
5. Desire Line
6. Slow Down
7. Spring
The Unseen, nouvel album de Klone, déjà disponible via Pelagic Records.