Quatre ans après l’excellent Mære, le duo autrichien revient avec un sixième opus, nouvelle étape dans l’ascension irrésistible d’un groupe à qui la tristesse va si bien …
Que les puristes se rassurent, Harakiri For The Sky chante toujours aussi bien le désespoir, le mal-être et les crises existentielles. Le groupe, composé du guitariste / compositeur / producteur M.S., et du vocaliste J.J. qui signe toutes les paroles de l’opus, préserve sa base post black metal, et la sublime dans ce nouvel opus par une richesse d’influences musicales au service de l’émotion et de l’intensité. Au cœur de chaque morceau, des mélodies toujours aussi puissantes, tantôt délicates, tantôt denses, et cet inimitable cri de douleur, le chant écorché de J.J., marqué ici par davantage de variations que sur les précédents albums. Un post metal varié mais déchirant, de quoi faire se serrer les cœurs, des variations de rythme et une énergie sombre presque grunge, comme ce que le duo offre dès la première piste "Heal Me".
Ajoutons à cette richesse des lignes de batterie exceptionnelles signées Kerim "Krimh" Lechner (Septicflesh, ex-Decapitated), instillant une intensité, un groove imparable et des moments de furie savamment orchestrés comme sur "Too Late for Goodbyes" ou encore le single (de dix minutes!) "Keep Me Longing". Sur ce morceau, des éléments signature de HFTS, des attaques black metal en contrepoint de passages mélodiques contemplatifs au piano ou aux cordes. Ce choc entre mélancolie et fureur autodestructrice se retrouve d’ailleurs dans certains passages du clip, à la limite du supportable – avis aux âmes sensibles.
Le groupe qui n’a jamais caché un certain goût pour le rock alternatif ou le grunge, laisse libre cours à sa créativité sur Scorched Earth. Explorer sans dévier de son identité, un sacré pari parfaitement négocié par le duo qui semble décomplexé dans les approches artistiques et réussit pourtant à sonner comme du Harakiri For The Sky dès les premiers accords de chaque morceau.
"Without You I’m Just a Sad Song", tout un programme … outre des paroles déchirantes, on y trouve de la dentelle dans les transitions et un sacré groove, avant l’irruption d’une énergie un peu épique dans les attaque des riffs, avec même un solo inattendu de M.S., qui fonctionne pourtant bien. De la mélancolie, oui, mais ornée d’une sorte de grandiloquence qui ferait lorgner certains passages du côté du metal mélodique à la Amorphis.
Le groupe bascule presque dans le hardcore avec certains passages plus bruts au chant presque scandé ("No Graves but the Sea"). "I Was Just Another Promise You Couldn’t Keep" montre une superbe progression, des riffs superposés, et une fin galopante. Sur ce morceau, poignant mais plus sombre et moins « joli », des accords surprenants font irruption.
De l’exploration, certes, mais cette mélancolie et ces tonalités typiques de HFTS sont toujours bien là. C'est le cas, même sur le single "With Autumn I’ll Surrender", où des couches de guitares savamment superposées répondent au piano et au synthé, avec des touches folk et une mélodie assez accrocheuse.
Autre tour de force, les compositions sur la fin de l’album sont sublimées par des collaborations aussi inattendues que réussies. "Too Late for Goodbyes", sombre et fantomatique par moments, incorpore à sa base black metal un blast beat et une vigueur plus punk sur lesquels le chant clair et l’énorme cri de Serena Cherry (Svalbard) font des merveilles avec le chant de J.J..
Le numéro d’orfèvrerie s’achève avec brio sur la dernière piste de la version bonus, seul morceau de l’album sous les sept minutes. Le "Street Spirit (Fade Out)" de Radiohead prend une épaisseur et une densité incroyable, porté par l’écho de la batterie, la distorsion torturée de la guitare de M.S. et les longues plaintes en chant clair de J.J. et P.G. du groupe allemand Groza, histoire d’arracher les larmes une dernière fois à l’auditeur… avant de se lancer dans une nouvelle écoute.
Une fois de plus le duo M.S. et J.J. livre un opus intense, authentique et déchirant, tout en réussissant ce pas en avant de la variété et de l’exploration. Il est évident qu’à La Grosse Radio, on ne souhaite de mal à personne, mais il faut bien admettre que la peine, le cœur brisé et la douleur leur vont si bien ! Avis aux amateurs, de longue date ou nouveaux venus, une unique date française est prévue pour l’instant, à Paris (La Machine) le 16 avril prochain.
Tracklist Scorched Earth :
1. Heal Me (feat. Tim Yatras de Austere)
2. Keep Me Longing
3. Without You I’m Just A Sad Song
4. No Graves But The Sea
5. With Autumn I’ll Surrender
6. I Was Just Another Promise You Couldn’t Keep
7. Too Late For Goodbyes (feat. Serena Cherry)
8. Street Spirit (Fade Out) (feat. P.G.) – Radiohead Cover
9. Elysian Fields (feat. Daniel Lang)
Scorched Earth est sorti le 24 janvier 2025.