Quelques jours à peine avoir reçu un Grammy Award pour "The Alien" de Dream Theater, James LaBrie nous accordait un peu de son temps, malgré les problèmes de connexion, pour parler de son nouvel album solo Beautiful Shade of Grey qui sortira le 20 mai 2022 sur le label Inside Out Music. L'occasion d'évoquer la composition de cet opus particulier avec notamment son fils Chance à la batterie.
La Grosse Radio : Bonjour James, tout d'abord félicitation pour ce Grammy Award ! Est-ce que tu penses que c'est une vraie opportunité pour le groupe ou simplement une reconnaissance du milieu de la musique ?
James LaBrie : C'est fou, ça faisait longtemps qu'on attendait ça. La troisième fois fut la bonne. On avait été nommé en 2012 pour "On the Backs of Angels" puis en 2015 pour "The Enemy Inside" et on a enfin réussi à le "chopper". Je pense que c'est vraiment une corde supplémentaire à notre arc : quand un groupe gagne un Grammy, ça augmente sa côte de popularité.
Laissons Dream Theater de côté et parlons de ce nouvel album qui est un changement radical de style par rapport à ce que tu fais avec Dream Theater ou même en solo. Qu'est-ce qui t'a motivé ? La situation sanitaire, la collaboration avec Paul Logue, le fait de devoir composer à distance ?
Cela faisait un certain temps que je voulais le faire. J'aime vraiment élargir le champ de mes compétences et j'avais ce désir de faire une musique qui m'a toujours influencé : le rock des années 60, 70. Pour moi, cette période est l'âge d'or du rock car c'était totalement nouveau et expérimental. Je voulais revenir à la naissance du rock. Alors attention, les albums que j'ai faits avec Matt Guillory sont géniaux et j'en suis fier : on avait vraiment bien travaillé ensemble. Mais je voulais changer de point de vue et me frotter un peu au style de Led Zep, un groupe que j'adore, car tous les membres sont phénoménaux. C'est aussi venir d'une envie de collaborer avec Paul Logue. Je l'ai connu lorsque j'ai enregistré le morceau "No Holy Man" pour Eden's Curse. Lui vient plus du pop rock classique. Un jour, je lui ai demandais qui composait au sein du groupe et il m'a répondu : "moi". On a eu pas mal d'idées et c'est clair que le Covid nous a permis d'écrire des chansons ensemble.
Cela a été génial car cette collaboration m'a permis de montrer des facettes différentes de moi-même : en tant que chanteur et musicien. Et c'est un aspect que j'adore : expérimenter et toujours trouver des idées innovantes.
D'ailleurs y'a t-il eu une différence entre l'enregistrement de ces chansons et celles de Dream Theater ?
Non pas du tout, c'est la même routine en fait. Avant d'enregistrer une chanson, on y pense bien en amont. Peu importe le morceau, il faut réfléchir à ce que les paroles veulent dire, à quel son tu veux enregistrer et bien prendre ton temps. Donc peu importe que ce soit une chanson de Dream Theater, de mon album solo ou même lorsque j'enregistre pour un autre artiste, il faut être prêt au moment d'appuyer sur le bouton "enregistrer". Mais j'aime beaucoup cette étape car finalement, c'est la première fois qu'on entend le chant en vrai et que j'ai un retour.
Puisque tu composes en solo et pour Dream Theater, y a t-il des paroles que tu mets de coté pour le groupe ?
Non pas du tout, en fait les paroles me viennent de deux choses : des sujets qui m'intéressent mais aussi surtout de l'énergie de la musique qui a été composée avant. L'atmosphère du morceau me donne une direction, un chemin à prendre. Les paroles dépendent de l'émotion dégagée par la mélodie.
Et au niveau de la musique, comment cela s'est passé ? Etait-ce juste toi et Paul ou les autres musiciens ont pu intervenir ?
Paul et moi avons composé principalement la musique. Les autres ont donné quelques idées mais c'est vraiment parti de nous deux. A l'époque, on fonctionnait déjà comme ça avec Matt Guillory. On se partageait même les paroles en se disant : "toi tu fais six chansons, moi j'en fais cinq". Pour Beautiful Shade of Gray, je balançais des idées de mélodies à Paul et lui me répondait avec des riffs, des progressions d'accords ou alors un accord en picking. Et ensuite, on a construit dessus la mélodie et les paroles. Doucement mais sûrement, les idées sont devenues des chansons. Christian, le claviériste, arrive à visualiser dans sa tête les arrangements et a pu apporter ces textures. Même Chance, mon fils a contribué aux arrangements car il est très musical : ce n'est pas juste un batteur. Il a été très impliqué surtout au niveau de la production, ce qui fait qu'on a même mis son nom en tant que producteur. Il s'est même occupé de mes parties chant. Et pour finir, Marco Sfogli avec qui j'avais déjà travaillé est venu enregistrer les soli de guitare laissant à Paul l'enregistrement des guitares rythmiques 6 et 12 cordes.
Puisque tu parles de Chance, ton fils, ça n'a pas été trop compliqué de travailler avec lui ? Cela a renforcé le lien familial ?
C'est clair que dans un environnement créatif, on est parfois en désaccord (rires). Chance et moi on a vraiment une super relation, on est très honnête et on se respecte. Quand il était à la console d'enregistrement, il était très direct en me disant : "sérieux papa, je voudrais que tu chantes cette partie comme dans "Learning to live" ou "As I Am". C'est un vrai fan de Dream Theater et il savait comment je pouvais chanter et moi je savais où il voulait aller. C'était vraiment génial de l'avoir à mes côtés pour ça et je pense que c'est une des raisons pour laquelle mes parties chant sonnent bien. On a inversé les rôles lorsqu'il a enregistré la batterie et je lui disais "sois plus comme Larry Mullen" ou "sois plus comme John Bonham" et en retour il me disait "ouais je vois très bien ce que tu veux dire". On a vraiment passé des bons moments. Alors certes parfois tendus mais on savait que cela faisait parti du jeu. Mais ça a été une superbe expérience.
Une question se pose : vas-tu faire une tournée pour promouvoir cet album ?
On vient de démarrer la tournée avec Dream Theater et ensuite (ndlr : au moment de l'interview) on passera par Belfast, le Royaume-Uni puis l'Europe. Une tournée avec le groupe, ça représente presque un an, un an et demi. Mais c'est sûr qu'ensuite j'aimerais bien. Cela serait l'occasion de rajouter des choses, de faire des versions acoustiques de morceaux de Dream Theater. Il faut juste trouver une occasion et synchroniser nos agendas. Je me vois bien faire un truc intimiste dans des salles de 500 personnes, 1000 au maximum : comme si je venais chanter à côté du public.
L'album Beautiful Shade of Grey sortira le 22 mai 2022 sur le label Inside Out Music.
Images : DR Inside Out Music