Quand il n'officie pas dans son groupe Paradise Lost, Nick Holmes, alias Old Nick, sévit également comme chanteur du supergroupe suédois de death metal Bloodbath, qui sort aujourd’hui son sixième opus Survival Of the Sickest. Le talentueux – et polyvalent vocaliste britannique s’est confié à La Grosse Radio avec humilité, professionnalisme et humour sur ce dernier disque, le rôle de chacun dans un groupe tel que Bloodbath, mais également sur son amour des films d’horreur et du death metal.
Bloodbath sort aujourd'hui son sixième opus, Survival Of the Sickest, véritable retour aux fondamentaux pour ce projet né d’un désir de ressusciter les grandes heures du death metal old school de la fin des années 80. Pour Nick Holmes, lui-même amateur du genre, l’exercice de style tombait sous le sens, avec même une petite pointe de nostalgie. " J’aime et j’écoute du death metal classique, même encore aujourd’hui. On peut tout à fait arrêter d’écouter du death metal pendant quelques années, puis ressortir cette musique du tiroir et l’apprécier de nouveau."
Pour le frontman qui a connu cette époque des débuts du death metal, la nostalgie est bien là. "Tout ce que l’on écoute à l’adolescence, entre, disons, 14 et 21 ans, influencera forcément une grande partie de nos vies", nous explique-t-il. Avec les membres de Bloodbath ( Anders Nyström, Jonas Renkse, Martin Axenrot et Tomas Åkvik), ils écoutent même parfois du death metal en backstage avant les concerts, en faisant les imbéciles comme lorsqu’ils avaient seize ans ! "En plus, ça fait du bien d’être dans un groupe qui joue ce genre de musique, ça donne l’impression que l’on perpétue quelque chose".
Selon Old Nick, si le genre est toujours aussi populaire quatre décennies plus tard, c'est que "le death metal est toujours resté un genre cool, mais n’a jamais connu un énorme succès, ce qui aurait pu en faire un style ‘à la mode’. Il n’y a jamais eu de vrai gros effet de mode. Le genre a perduré en toile de fond dans le paysage musical. Bien sûr, beaucoup de groupes de death metal ont fait évoluer leur son avec le temps. Mais personnellement, mes références sont plutôt les groupes de la première vague du death metal, ceux qui ont marqué les débuts de ce style. De la même façon, pour moi, les groupes qui représentent le thrash par excellence resteront toujours Slayer et Metallica, parce qu’ils ont été les premiers."
L'album s'ouvre sur le single "Zombie Inferno", et en cela Bloodbath est resté fidèles aux entames d'album pleines d'agression. "Ce morceau a été composé par Thomas Åkvik. C’est son premier album avec Bloodbath, mais il a beaucoup joué avec nous avant de rejoindre le groupe en studio. Quant au tempo très rapide, et le fait de commencer par un premier titre très rapide et agressif, c’est un peu la marque de fabrique de beaucoup d’albums de death metal traditionnel."
Un seul coup d'oeil à l'imagerie gore et au clip aux allures de court métrage pour comprendre qu'il n'y a pas que le death metal qui est célébré dans ce dernier opus. Les membres de Bloodbath ont tous été grands amateurs de cinéma d’horreur, et ce avant même d'être fans de death metal. "Quand j’étais ado j’aimais beaucoup ce genre de films," nous raconte Nick Holmes. "C’était les années 70, l’âge d’or des films d’horreur. Il y a eu une sorte de progression naturelle à cette époque, le style de Black Sabbath évoluant avec le temps vers le son de groupes comme Venom,avant l’apparition du death metal, et tout ce processus était étroitement lié au cinéma d’horreur. Il y a toujours eu une association de ces deux genres, le death metal et l’horreur, au niveau esthétique. On n’a donc eu aucun mal à exploiter tous les poncifs et clichés du genre et de la pop culture en général. Ça a été vraiment très amusant de faire tout ça, mais c’est aussi un genre qui s’amuse et qui repose beaucoup sur le second degré."
L'album regorge de surprises, des explosions de brutalité d'un côté mais aussi des touches de doom, et ambiances plus lentes, comme par exemple dans "No God Before Me", composé par Jonas Renske. Nick Holmes explique cette variété : "Il y a un feeling différent sur certains morceaux de l’album. Au sein du groupe, tout le monde compose, c'est donc normal d'y trouver différentes atmosphères, différentes textures. Jonas a une façon de composer qui est différente de la mienne, et de celle de Anders. Et c’est précisément cette variété de textures ou d’éclats qui fait la richesse des meilleurs morceaux de death metal, à mon avis."
Si le précédent opus The Arrow of Satan Is Drawn (2017) tendait vers le black metal pour la musique, avec un côté théâtral et très sombre, ce nouveau disque opère un retour vers les débuts du groupe. "On s’est intéressé à ce qu’on écoutait à nos débuts, à ces groupes de death metal de Floride qui ont tellement influencé le son de Bloodbath, et cet album, pour moi, est à la fois un clin d’oeil mais aussi une sorte de révérence, un hommage à ces groupes de la fin des années 80 et du début des années 90." - comme par exemple Morbid Angel sur "No God Before Me".
Les musiciens ont, comme beaucoup de groupes, pris le temps qu'il fallait pour élaborer ces nouvelles compositions au moment de la pandémie, quand le monde était au ralenti. Une situation sanitaire qui a eu des conséquences sur l'enregistrement de l'album, mais pas uniquement ... "Les vols en-dehors du Royaume-Uni ont été restreints très longtemps, plusieurs de mes vols ont été annulés. Au final, Axe a enregistré la batterie un an avant que je n’enregistre le chant. Ça a été un processus très lent.", explique le vocaliste - qui nous assure que Martin ‘Axe Axenrot fait toujours partie du groupe : "Il a participé à l’écriture et à l’enregistrement de l’album. En fait, nous ne nous sommes pas vus en face à face depuis près de trois ans maintenant, de plus il n’est pas très présent sur les réseaux sociaux. Pas mal de choses ont été compliquées avec le covid et les restrictions, comme voyager et se déplacer à l’étranger, ce qui explique qu’il n’a pas pu venir sur certains concerts ces derniers temps. En tout cas, il fait toujours partie du groupe et je pense même qu’il sera présent avec nous sur certains concerts prochainement." [ndlr : Martin Axenrot est effectivement présent sur scène ce jeudi 8 septembre au Meh Suff Festival en Suisse]. Bloodbath tournait en effet depuis trois ans avec Waltteri Väyrynen (ex-batteur de Paradise Lost, ce dernier ayant annoncé son départ à l'amiable du groupe ce 7 septembre), et ce même avant la pandémie, lorsque Axe était très sollicité avec Opeth. Ironie du sort, Opeth vient d'ailleurs d'annoncer ce vendredi 9 septembre l'arrivée de Waltteri Väyrynen parmi ses rangs, en remplacement de ... Martin Axenrot. On espère que vous suivez toujours !
Le dernier arrivé du groupe, Tomas Åkvik, accompagnait déjà Bloodbath sur scène depuis 2017 ; c'est tout naturellement qu'il a entamé sa collaboration pour l'écriture. "Il m’a envoyé le morceau "Zombie Inferno" à moitié terminé, on a échangé là-dessus pour avancer," confie Nick Holmes. "C’est comme ça que je travaille aussi au sein de Paradise Lost d’ailleurs, à distance avec des va-et-vient constants entre les différents membres du groupe. Il faut du temps pour que chacun puisse réfléchir à comment retravailler telle ou telle chose. Je préfère ce mode de fonctionnement, plus productif à mon avis que lorsqu’on est tous ensemble dans une pièce à écrire rapidement." D’autant plus que les membres du supergroupe vivent assez loin les uns des autres. Avec ses deux groupes, le vocaliste ne retrouve ses camarades en chair et en os que pour les répétitions au moment de la préparation des tournées.
Une fois les pistes enregistrées, les membres de Bloodbath ont discuté de ce qui pouvait manquer, de ce qui pouvait encore être ajouté pour amener un peu de texture ou de variété. C'est là que les idées de collaborations ont éclos - et quelles collaborations ! Nick Holmes liste ces caméos de luxe : "J’ai demandé à Barney (Greenway) de venir sur "Putrefying Corpse". Je trouvais qu’il y avait quelque chose de Napalm Death dans la chanson, et que sa voix y serait parfaite, ce qui a été le cas. Ensuite, je trouvais que dans le refrain de "To Die" il y avait une vibe un peu à la Chuck Schuldiner (vocaliste de Death), et Marc Grewe de Morgoth a un timbre aigu, assez similaire à celui qu’avait Chuck, et il a fait un superbe travail sur ce titre. Enfin, Luc Lemay de Gorguts a participé à "Carved" et a également poussé quelques cris sur "Born Infernal"".
Arrivé dans Bloodbath en 2014, Old Nick n’avait pas vraiment eu le temps de participer à l'écriture de l’album Grand Morbid Funeral, déjà en grande partie composé. Auteur des paroles d'un seul morceau de cet opus ("Unite In Pain"), le vocaliste a pris un peu plus la plume pour The Arrow of Satan is Drawn (2017), mais a beaucoup plus participé sur ce dernier album en terme d’écriture.
Le défi était grand, et le nouveau frontman s'est attelé à la tâche avec détermination. Reprendre un répertoire conséquent sur scène sans avoir participé à la composition des morceaux s'est révélé ardu, mais, comme il le dit avec humour et sagesse, "tant qu’on fait ses devoirs à la maison, tout se passe bien. J’ai dû travailler, me familiariser avec ces morceaux, la façon de chanter, etc. Et cela s’est bien passé, mais cela m’a pris des semaines et des semaines de travail intensif. La plus grande difficulté avec Bloodbath, c’est l’intensité vocale qui existe dans les morceaux les plus anciens."
Une place désormais assumée, et un talent qui fait taire les réserves entendues ça et là à l'annonce de son arrivée après Mikael Akerfeldt au poste de vocaliste. "Quand j’ai rejoint le groupe il y a huit ans, beaucoup pensaient, à cause de ce que je faisais avec Paradise Lost, qu’il y aurait des changements dans le son de Bloodbath : que cela deviendrait beaucoup moins agressif, avec même des passages acoustiques, ou même (quelle horreur !) du chant clair ! - ce qui n’est pas du tout le cas, ce n’est pas dans l’ADN de Bloodbath."
Mis à part son accent du Yorkshire, Nick Holmes n'a pas souhaité amener une identité britannique dans Bloodbath. Bien au contraire, il s'est glissé avec joie dans la peau du frontman d’un groupe suédois. "J’aime beaucoup la Suède et Stockholm. Je regrette de ne pas parler suédois, mais je pense que je vais bientôt remédier à ça. Quand ils se mettent à discuter tous ensemble en suédois, je n’arrive pas à suivre et je pars dans mes pensées !"
Une autre épreuve pour un artiste qui officie dans deux groupes : gérer le grand écart entre deux styles de chant complètement différents. Le growl bas déployé par Nick Holmes dans Bloodbath et son chant (surtout) clair dans Paradise Lost ne nécessitent pas la même technique. Le secret, une bonne hygiène de vie et du repos. "À mon avis, j’aurais eu beaucoup plus de mal à jongler entre ces deux techniques vocales si j’avais eu la vingtaine, parce qu’à 20 ans je ne pensais qu’à sortir et faire la fête, alors qu'aujourd'hui, quand je vais quelque part, à 22h30 je n’en peux plus !" nous dit-il en riant. "Maintenant, à mon âge, je suis plus raisonnable au niveau de l’hygiène de vie et ça aide pour préserver mes cordes vocales."
Nick Holmes partira prochainement en tournée pour des concerts très attendus avec Paradise Lost, pour la présentation de l’album Obsidian sorti en 2020. "Cela fait si longtemps ! Mais nous avons hâte de défendre enfin cet album sur scène. Pour boucler la boucle en quelque sorte. Ce ne sera qu’une fois la tournée finie que nous pourrons vraiment considérer ce cycle comme terminé, avant de nous remettre à l’écriture du prochain album." En attendant, l'été se termine avec un nombre impressionnant de dates de festivals, avec Bloodbath et Paradise Lost. Un exercice qui n'est pas pour déplaire au chanteur, véritable animal social. "Il y a énormément de festivals maintenant, alors que je me rappelle il y a vingt ans, il n’y en avait que trois ou quatre chaque été. Mais j’aime beaucoup ça, c’est l’occasion de jouer mais aussi de retrouver des artistes que nous aimons beaucoup. Backstage en festival, c’est un peu comme des réseaux sociaux des groupes mais aussi de toutes leurs équipes, des techniciens."
Propos recueillis via Skype en juillet 2022.
L'album Survival of the Sickest de Bloodbath sort le 9 septembre 2022 via Napalm Records.