AVATAR : entretien avec les guitaristes Jonas Jarlsby et Tim Öhrström

De passage à Lyon pour un concert à guichet fermé prévu le soir même, Jonas Jarlsby et Tim Öhrström, les deux guitaristes d’Avatar nous ont accordé un peu de leur temps pour discuter de leur actualité et notamment du nouvel album Dance Devil Dance, sorti le 17 février dernier.  Rencontre avec des musiciens passionnés, bienveillants et prêts à tout pour jouer devant leurs fans.

La Grosse Radio : Bonjour les gars. Tout d'abord, comment allez-vous et qu’est-ce que ça fait d’être de retour en tournée ?

Tim : On va vraiment bien, merci.

Jonas : C'est une très bonne tournée jusqu'à présent. Tout a été au-delà de ce que nous attendions et même plus.

Tim : Faire trois concerts à guichets fermés en France, c'est incroyable ! Vous savez, c’est le deuxième concert que nous faisons aujourd'hui en France et nous sommes vraiment excités. Ça va être super sympa. Vous êtes fous et nous aimons ça.

Jonas : Et vous avez beaucoup de passion, donc ça va être un concert vraiment cool ce soir.

 

Donc c'est vrai quand vous dites que les Français sont très bruyants pendant les concerts !

Tim : Oui, c'est la vérité.

Jonas : Oh mon dieu, vous auriez dû voir le concert que nous avons fait à Paris à l'Olympia. Tout le sol bougeait. C'est comme si on regardait l’océan, on voyait les vagues, presque.

 

Oui, le sol est comme un grand trampoline et rebondit beaucoup.

Jonas : Et je ne le savais pas. Au début, je me suis demandé si tout le monde était en sécurité !

 

Vous voyez une grosse différence d’ambiance entre les concerts en Europe et à l’autre bout du monde par exemple ?

Tim : Chacun a sa propre personnalité en tant que public, c'est sûr. Mais j'aime vraiment toutes les foules. Tout le monde apprécie le spectacle de la bonne manière. Les gens, surtout en France, c'est comme regarder un vieux groupe de metal sur un DVD live des années 90, c'est vraiment génial et ça nous motive à fond.

Le nouvel album d'Avatar, Dance Devil Dance, est sorti en février. Quelles ont été les réactions depuis sa sortie ? Êtes-vous satisfaits des critiques ?

Jonas : Oh oui, vraiment. Je ne sais pas à quoi nous nous attendions, mais dans le groupe nous sommes super contents de la façon dont l'album a été reçu à sa sortie, et il semble que tout le monde l'aime autant que nous.

Tim : Pour nous, l'enregistrement de ce nouvel album était vraiment spécial parce qu'il n'y avait que nous cinq dans le groupe ainsi que notre producteur Jay Ruston. Il a pris l'avion de Los Angeles jusqu'en Suède où nous avons enregistré dans un endroit reculé, dans la forêt. C'était très calme et paisible et nous nous sommes beaucoup amusés, juste nous six.

Jonas : L'atmosphère et l'ambiance étaient vraiment bonnes. Cet album représente beaucoup pour nous, mais il nous a semblé particulier dès que nous sommes arrivés et que nous avons commencé à écrire, il y avait quelque chose de spécial. Les fans ont montré à quel point ils apprécient l'album, c'est une confirmation. C'est un sentiment génial.

 

Comment s'est déroulé l'enregistrement ? Pourquoi l’avoir enregistré dans la nature suédoise ?

Tim : Je pense que c'est parce que l'album que nous avons fait avant était Hunter Gatherer. Nous l'avions enregistré à Los Angeles dans un studio à Hollywood appelé Sphere Studios. Vous savez, c'était le top du top et c'était très luxueux, très beau et très chic. Nous voulions faire l'inverse avec Dance Devil Dance, dans une petite cabane, avec peu d’équipement et c'était aussi bien, voire mieux. Je dirais même mieux.

Jonas : Oui, parce que L.A. était bien, bien sûr, mais c'est comme si tu faisais un break et que tu sortais. D'abord, il y a cette cour qui ressemble à une prison, et ensuite, il n'y a que des routes et de la circulation autour. Mais pour ce dernier album, en sortant, c’était calme et on entendait les oiseaux.

Tim : Et le vent ! Merveilleux. Très relaxant.

 

Est-ce plus facile pour vous, en tant que musicien, de composer quand c'est plus calme ?

Tim : Pour moi, ça a vraiment bien marché, et je pense que pour nous tous aussi, parce que tu es là à jouer du metal à fond. Tu as ce yin et ce yang, tu te lances à fond, puis tu sors et tu te détends, et il y a moins de distractions.

Jonas : C'est une autre chose à propos de L.A., parce qu'évidemment, en enregistrant là-bas, il y avait beaucoup de gens que nous connaissions qui voulaient venir nous rendre visite. C'est toujours un bon moment mais à chaque fois que quelqu'un venait, c’était une pause pour nous et quand nous rentrions au studio, nous devions nous remettre dans l'ambiance.

Tim : Nous avons commencé à écrire les chansons pendant la pandémie mais nous avons commencé à enregistrer le 10 avril ou quelque chose comme ça, il y a un an, et nous étions là-bas pendant un mois, donc au début du mois de mai.

Jonas : Oui, ça fait presque un an maintenant. C’est incroyable non ?

Tim : Oui !

Est-ce vrai que vous vouliez sauver le heavy metal avec cet album ?

Jonas : Oui, c'est une façon amusante de le dire. En fait, je pense que nous sommes revenus en arrière et nous nous sommes demandé ce qui faisait que le heavy metal était si génial. Par exemple, Judas Priest a enregistré plusieurs albums avant British Steel, mais c'est sur British Steel qu'ils ont trouvé leur son, tu vois ? Et cet album a été une explosion pour eux en termes de heavy metal. Je pense que nous avons coupé tous les éléments inutiles de la musique et nous l'avons ramenée à ce que nous aimons dans le metal, nous avons essayé de trouver le noyau et d'entendre cinq personnes jouer de la musique ensemble, c'est ce qui est important. La plupart des musiques d'aujourd'hui sont très... trop parfaites, tu vois ? C'est trop propre.

 

Surproduit peut-être.

Jonas : C'est peut-être surproduit, oui. Nous voulons juste avoir confiance en nos propres compétences. Nous voulons sonner comme nous le faisons lorsque nous jouons tous ensemble, au lieu d'enregistrer la batterie, puis de tout couper pour que ça sonne parfaitement. On peut jouer de manière un peu bancale ou avec des notes qui ne sont pas parfaites ici et là, mais c'est la musique. La musique n'est pas parfaite. Nous sommes humains et les humains ne sont pas parfaits. Tout est question d'expression. L'authenticité, la vraie, c'est ce que nous aimons et c'est vraiment ma passion.

 

Il y a beaucoup d'éléments groovy dans votre musique, mais votre plus grande inspiration est donc Judas Priest ?

Tim : C’est tout, en fait. Toute la musique qui touche notre âme d'une certaine manière. La bonne musique qu’on entend, tout ce qui va du classique au death metal le plus extrême. Nous avons beaucoup d'influences différentes dans notre musique et puis nous sommes un groupe de metal, donc nous nous inspirons et utilisons notre créativité et on l’applique à notre son.

 

Il y a également un featuring avec Lzzy Hale dans votre album, pour le titre "Violence No Matter What". Quelle est votre relation avec elle et comment cette idée vous est-elle venue à l'esprit ?

Jonas : Tim, c'est toi qui as eu l'idée de la chanson en premier.

Tim : Tu sais, la vie passe et tu traverses des choses, et moi, parfois, j'ai besoin de me défouler, et ce que je fais, c'est que j'écris de la musique. Je suis arrivé avec ces parties et Johannes a vraiment aimé. Il a donc commencé à s'amuser avec les paroles et a imaginé ce duo, mais il n'avait pas prévu à l'époque de faire appel à quelqu'un d'autre. Mais ce serait vraiment cool d'avoir un duo sur cette chanson. Nous avons tourné avec Halestorm au Royaume-Uni en 2018 ou 2019, c'est un très bon groupe. Lzzy est aussi une très bonne chanteuse. Je crois que Johannes lui a écrit un email pour lui demander si elle aimerait faire quelque chose et elle était partante.

Jonas : Ce qu'elle a fait était au-delà de nos espérances, c'était tellement bien ! Les paroles et les mélodies étaient déjà écrites, elle s'est donc contentée d'apprendre ce que Johannes avait inventé. Ensuite, elle a apporté sa propre touche à certains endroits que nous avions conservés, ce qui était vraiment cool.

 

C'est rare qu'Avatar fasse des featuring avec des artistes féminines.

Tim : D'habitude, nous ne faisons pas de featuring du tout ! C'était un projet très amusant.

 

Peut-être allez-vous faire plus de featuring à l'avenir ?

Jonas : On verra. Nous n'avons pas de projet encore, mais si nous sentons que c'est la bonne façon de faire, c'est sûr.

Tim : Hey, Guthrie Govan, si tu nous entends, pourrais-tu jouer un solo de guitare sur notre nouvel album ?

Quelle était l'idée derrière cet album ? Le visuel est à propos du diable, une sorte de diable heureux.

Tim : Très tôt, nous avons essayé de créer la musique de manière à ce que nous puissions avoir une image claire de ce à quoi le son ressemblerait.

Jonas : C'est une partie très amusante de choisir les visuels mais aussi très difficile parce que quand vous écrivez la musique, il est difficile de mettre une image sur ce à quoi la musique ressemble. Et je pense que nous avons réussi sur cet album parce que nous avons parcouru tellement de pochettes d'albums et de photos... et parce que les chansons et toute l'ambiance et le sentiment étaient déjà là, nous avions les idées ! Je ne suis pas le meilleur orateur, mais je pense que c'est l'album le plus clair à ce jour, et il sonne exactement comme la pochette de l'album.

Tim : La musique vient toujours en premier, mais nous avions les photos et les idées très tôt cette fois aussi, parce que d'habitude, c'est une décision de dernière minute. Ce qui est bien avec les photos en noir et blanc, c'est qu'elles ont été prises avec une plaque humide, vous savez ce que c'est ? Ce sont de très vieux appareils photo et il faut rester immobile pendant 10 secondes. C'était vraiment cool de retrouver cette ambiance de vieux cirque sombre.

Jonas : Nous sommes un cirque de metal. Nous ne jouons pas du metal de cirque, tu sais, c'est un spectacle loufoque.

 

Quelle est votre chanson préférée du nouvel album à jouer en live ?

Jonas : Toutes ! Mais j'aime vraiment jouer " Do You Feel In Control ? ".

Tim : J'allais justement le dire ! Et il y a quelques chansons que nous n'avons pas encore jouées en live. Nous voulons tous jouer " On The Beach " aussi.

Jonas : Je pense que pour moi, c'est " Do You Feel In Control ? ". C'est une chanson avec des guitares et des riffs amusants. C'est le riff que je joue le plus souvent quand je m'assois et que je m'échauffe, parce que c'est une bonne chanson d'échauffement pour les doigts.

 

Que pensez-vous de la scène metal actuelle ? Il y a beaucoup de groupes comme Bad Omens, Motionless In White, etc. qui sont vraiment créatifs et dont la musique heavy est plus pop.

Jonas : Même si tu écoutes du vieux metal, il y a des influences pop, je suppose que tu dirais qu'il y a beaucoup de refrains à chanter en choeur et des choses comme ça, des rythmes et mélodies simples aussi.

Tim : Oui, il n'y a rien de mal à cela. Mais je pense que beaucoup de nouveau metal est produit de la même façon que la pop. C'est peut-être la raison pour laquelle ça sonne plus pop. Il y a de très bons groupes de metal aujourd’hui.

 

Quels sont vos nouveaux groupes préférés en ce moment ?

Tim : Cela dépend de la nouveauté ! Je suis assez difficile à convaincre lorsqu'il s'agit de s'intéresser à un nouveau groupe ou à quelque chose de ce genre. Je n'ai pas encore trouvé de nouveaux groupes de metal. Une nouvelle artiste que j'aime beaucoup est une artiste américaine qui s'appelle Sierra Ferrell. Elle chante un peu comme de la musique country. Sa musique a tellement d'âme, j'adore ça.

Jonas : Mais Gojira est un très, très, très bon groupe. Les groupes qui jouent avec nous aujourd'hui, Kassogtha et Veil Of Maya, sont aussi très bons.

Ces derniers temps, on entend beaucoup parler du prix du merch. Est-ce que vous êtes aussi concernés par la réduction des ventes de produits dérivés ? Il y a beaucoup de groupes qui ne veulent plus vendre de merchandising parce que les salles prélèvent trop de taxes.

Tim : Je sais que c'est une chose, mais je ne suis pas trop à l’aise avec ce sujet. C'est plutôt notre batteur John qui devait faire l'interview, mais il ne se sentait pas très bien. Il s’y connaît mieux. Mais bien sûr, c'est de la merde que les salles prennent de l'argent.

Jonas : A l'époque, les groupes et les artistes vendaient beaucoup plus d'albums, mais aujourd'hui, le seul moyen pour un groupe de gagner sa vie est de faire des tournées et de vendre des produits dérivés.

Tim : Et les tournées coûtent très cher, on augmente les prix des produits dérivés juste pour ça. Mais je ne pense pas qu'un t-shirt devrait coûter 35 euros ou plus, c'est trop. J'espère qu'il y aura un changement très bientôt.

 

Vous avez quand même réussi à vous adapter, car vous avez une grosse communauté de fans sur Internet, et votre propre fan club Avatar Country.

Tim : Peut-être que ça aide.

Jonas : Oui, ça aide beaucoup parce que nous avons notre propre entrepôt à Göteborg. Nous envoyons généralement tout le merchandising nous-mêmes, donc nous travaillons là aussi pour recevoir les commandes et envoyer les colis. C'est une partie vraiment amusante du travail, de pouvoir être proche des fans de cette façon.

 

Êtes-vous optimiste quant au futur de la musique en général ?

Tim : Pour moi, je suis heureux tant que je peux jouer de la musique.

Jonas : Nous ne faisons pas ça pour devenir riches ou quoi que ce soit. Plus il y a de monde aux concerts, plus on s'amuse.

Tim : Et c'est génial. L'autre jour, Jonas et moi étions assis dans notre chambre d'hôtel et nous parlions de vieux souvenirs. "Hé, tu te souviens quand Johannes et moi on pliait les 20 T-shirts qu'on avait dans une petite boîte et on allait jouer quelque part ? »  Tu sais, genre "Oh mon Dieu, nous venons de si loin". On oublie parfois de prendre un peu de recul et de voir les changements qui se sont produits pendant tout ce temps. Nous sommes tellement heureux que les gens aiment notre musique et veulent venir à nos concerts. Nous allons faire ça aussi longtemps que possible parce que nous aimons tellement ça !

Avez-vous des rituels avant vos concert ? J'ai entendu dire que vous faisiez du yoga.

Tim : Je suppose que chacun a sa propre routine pour la journée.

Jonas : Probablement. En général, je me lève, je fais de l'exercice, je mange un peu et ensuite on fait le soundcheck. Parfois, nous faisons des choses comme cette interview. Deux heures et demie avant le concert, je commence à m'échauffer et à m'entraîner un peu, puis je me change et je me prépare pour le concert.

Tim : Jonas, Johannes et moi sommes souvent les premiers à nous préparer, à nous asseoir et à nous échauffer à la guitare, puis à nous changer. Je fais quelques exercices d'étirement parce que je vieillis et que si je ne le fais pas, je ne serais pas très gentil avec mon corps ! Je dois activer les muscles et le sang. Plus on prend soin de son corps, plus on est capable de faire ça longtemps.

Jonas : Oui, il faut être en bonne condition physique. Nous jouons pendant près de deux heures, c'est donc un long set et nous faisons beaucoup de concerts d'affilée.

Tim : Nous avons fait six concerts d'affilée ! Mais on se sent bien. Nous sommes en bonne forme, je dirais.

 

Le dernier mot vous revient ... 

Tim : Je ne sais pas quoi dire, mais je vais trouver quelque chose de spontané. Nous vous remercions. Merci beaucoup pour votre soutien pendant toutes ces années et j'espère que vous nous soutiendrez aussi à l'avenir. Nous ne nous arrêterons pas, nous reviendrons encore et encore autant que nous le pourrons et nous avons hâte de vous voir ce soir.

Jonas : Viva la France ! Je t'aime !

 

Propos recueillis lors du concert d’Avatar à Lyon le 23 mars 2023.

Merci à Replica d’avoir rendu cette interview possible.

Crédit photo : Florentine Pautet, toute reproduction interdite sans l'accord de la photographe.



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