Devant un public très nombreux pour un début d’après-midi, le trio belge de post / prog metal Pyschonaut a fait forte impression au festival Motocultor ce vendredi 18 août. Quelques minutes après leur set, nous avons pu rejoindre Stefan de Graef (guitare, chant), Thomas Michiels (basse, chant) et Harm Peters (batterie) pour un entretien en toute simplicité sur leur parcours, leur vision du monde, et leur amour de la France.
Psychonaut ouvrait les hostilités aujourd’hui sous le chapiteau Massey Ferguscène. Comment vous êtes-vous sentis pendant cette performance ?
Harm : Très bien. Il y avait vraiment beaucoup de monde, c’était incroyable !
Thomas : Ces derniers jours, on a joué sur quelques gros festivals en Belgique, avec une foule énorme, donc en arrivant ici en France, avec un public qui nous connaît moins et un créneau de début d’après-midi, on ne savait vraiment pas si les gens allaient être là. On l’espérait, bien sûr, mais on se posait des questions. Eh bien finalement, le public était bien là ! Il y avait beaucoup d’énergie sous cette tente, c’était vraiment super.
Stefan : Le public était fantastique !
Vous serez bientôt de retour en France, mais pas pour des festivals. On vous verra à plusieurs reprises entre septembre et octobre prochain.
Stefan : oui, exactement. Nous jouons en septembre à Lille, et en octobre à Nantes et Paris, puis à Rennes pour un festival (Les Lunatiques à Pacé le 7 octobre, ndlr).
Est-ce que vous vous envisagez différemment les concerts en tête d’affiche et les festivals, en terme de setlist ou de préparation ?
Stefan : En terme de préparation, pas tellement. Nous nous préparons mentalement de la même façon pour un concert dans une salle ou un festival. Mais pour la setlist, oui, c’est différent. Il y a quelques morceaux qu’on garde spécialement pour des concerts dans des petites salles, car ils fonctionnent mieux dans l’obscurité, avec certains jeux de lumières, ça permet une sorte d’immersion dans le titre. Ça ne fonctionnerait pas aussi bien sur un festival. On garde nos titres les plus lourds pour les festivals, et les morceaux plus longs et psychédéliques pour les shows en club.
Avec l’intensité de votre musique et la profondeur des thématiques, il y a une ambiance particulière pendant les concerts de Psychonaut. Comment arrivez-vous à vous concentrer et vous mettre dans cet état d’esprit avant de monter sur scène ?
Stefan : Chacun d’entre nous a ses rituels d’avant-concert. On fait beaucoup d’étirements. C’est important physiquement, bien sûr, mais c’est aussi une question de bien-être. Par contre, je n’ai pas vraiment besoin de méditer avant un concert. Pour moi, la méditation m’aide davantage pendant la phase d’écriture, car justement ce que je compose vient directement de cet état psychique, cela se retranscrit directement dans la musique.
Harm : Avant un show, je m’étire, et j’essaie de trouver le calme, de me mettre dans le bon état d’esprit et de me concentrer sur les morceaux. Après, pendant le show, généralement, je me laisse porter par la musique. Au point que je me dis parfois Mais, on a déjà joué ce passage ? Je ne m’en suis pas vraiment rendu compte.
Thomas : Moi, mon rituel d’avant-concert, c’est un gin-tonic. [Rires] Ah, et Stefan et moi nous échauffons la voix avec un genre d’inhalateur de vapeur.
Votre univers est assez unique, entre spiritualité et philosophie, vous évoquez des thèmes profonds et une certaine représentation du monde dans vos compositions. Ce côté spirituel est-il la base de votre travail de composition, ou alors vous composez la musique d’abord avant de travailler sur les thèmes que vous voulez mettre en avant ?
Thomas : C’est intéressant – et plutôt philosophique, comme question : qu’est-ce qui vient en premier ? [Rires]
Stefan : Je pense que quand nous avons commencé la musique, nous n’étions pas trop dans la spiritualité. Mais je me souviens bien du moment où Psychonaut est né il y a 10 ans, et c’est à peu près au même moment où nous avons commencé à nous intéresser à la spiritualité. C’est devenu une partie importante de nos vies, on méditait beaucoup, et on a vécu à ce moment-là des choses assez folles dans nos vies. Ça nous a amené à voir le monde différemment. Donc je dirais que depuis qu’on est dans Psychonaut, oui, ça fait partie de nos vies, de qui on est en tant qu’individus. C’est notre façon de vivre, on aime y penser, on aime en parler, et en quelque sorte c’est peut-être ce qui nous fait nous démarquer, comme tu l’as dit. Parce que ça ajoute quelque chose à notre musique. On espère que les gens remarquent que ça parle de quelque chose, parce que pour nous ça n’est pas que de la musique. C’est de la musique avant tout, bien sûr, mais il y a toujours quelque chose de plus grand derrière. C’est pour ça qu’on prend beaucoup de temps à concevoir des albums qui sont des concepts. Et c’est vraiment cool d’entendre qu’il y a des gens qui ont bien compris tout ça, ou qui veulent nous en parler.
On entend de plus en plus parler de cette nouvelle scène post-metal belge, dont vous faites partie avec des groupes comme Brutus ou Amenra : comment la définiriez-vous, cette scène ?
Thomas : En sortant de scène tout à l’heure, quelqu’un est venu nous voir pour nous dire que notre son était vraiment moderne et sonnait comme du nouveau metal, du metal d’aujourd’hui. Il y a quelques groupes, plus particulièrement en Belgique, qui créent ce son, et c’est ce que cette personne a particulièrement aimé en écoutant notre set. Bien sûr, on peut reconnaître plusieurs influences dans notre musique, des gros groupes des seventies aux noms comme Gojira ou Amenra, mais nous essayons de mélanger tout ça pour créer un son unique. Et c’est vrai qu’en Belgique on est plusieurs groupes, je pense, à s’apprécier et à s’inspirer mutuellement. Il y a une sorte d’interaction constante entre nous.
Stefan : Oui, c’est ça. Si tu prends les plus grands groupes belges dans ce style que la plupart appelleraient du metal, comme Stake, Brutus ou Amenra, et bien moi je ne les considère pas comme des groupes de metal. Ils font de la musique heavy, oui. C’est qu’il y a quelque chose de spécifique avec le son, plutôt post que metal, et c’est spécifique à cette nouvelle vague de musique heavy que nous avons en Belgique. Et évidemment c’est un réel honneur d’en faire partie !
On peut d’ailleurs entendre les voix de Stefanie Mannaerts (Brutus) et Colin H. van Eeckhout (Amenra) sur "Violate Consensus Reality", l’incroyable morceau éponyme de votre dernier album sorti fin 2022. Parlez-nous de cette collaboration 100 % belge !
Harm : Eh bien c’est Stefan qui nous a envoyé des pistes de démo pour ce morceau, avec cette longue introduction sur laquelle il manquait quelque chose. On s’était déjà dit que ce serait vraiment cool d’avoir différents timbres de voix sur ce morceau. Nous connaissons Stefanie et Colin personnellement, et on s’est dit que ce serait vraiment génial s’ils acceptaient de le faire. Donc on leur a envoyé l’instru avec un message, tout simplement. Quelques semaines plus tard, Stefanie nous a renvoyé la piste en nous disant : "Voilà, j’ai fait quelque chose, si ça ne vous plaît pas, n’hésitez pas à l’effacer". [Rires] Alors on a écouté cette intro, et c’était incroyable. Tout était vraiment à sa place, tu vois, on ne pouvait pas imaginer autre chose que cette partie chantée sur l’instrumental. Et pour Colin, ça s’est fait très facilement aussi. En plus, c’est lui qui a écrit ses propres paroles. Il s’est vraiment approprié le titre.
Stefan : Oui, tout à fait. Ce qui est intéressant c’est que ce sont deux musiciens très respectés, qui ne font pas beaucoup de collaborations. Ils ne s’engagent sur quelque chose que s’ils ont un vrai feeling. Et je pense que c’est ça qui rend le morceau encore plus spécial pour nous. Le fait qu’ils aient accepté, c’est une sorte d’hommage à un morceau qu’apparemment ils ont aimé, qui leur a parlé. C’est incroyable à quel point leur participation a rendu ce morceau meilleur.
Thomas : C’est un rêve qui se réalisait. Même quand on est sur scène, quand on commence à le jouer et qu’on entend la voix de Stefanie dans les premières mesures, on ressent ce frisson, de se dire qu’on n’en revient pas d’avoir fait cette collaboration démente avec deux amis très cool qui sont dans des groupes qu’on adore.
Ça a dû être une expérience formidable d’avoir Stefanie sur scène avec vous pour interpréter ce titre il y a quelques mois en Belgique. Aujourd’hui ça n’a pas été le cas, et c’est dommage car ça s’est joué à un jour près. Brutus et Amenra seront là demain samedi, vous vous croisez !
Stefan : Oh oui, ça s’est déjà passé deux ou trois fois déjà, c’était vraiment incroyable. C’est vrai que pour ce weekend, on n’arrête pas de se croiser ! Demain (samedi) nous serons au Royaume-Uni pour le festival ArcTanGent, et Brutus y était hier. Hier, nous étions en Belgique au Pukkelpop Festival, et Brutus y joue ce soir.
Thomas : Ce qui est fou, c’est qu’en fait on a le même tourneur. Si on avait été tous au même endroit sur les mêmes jours, on aurait pu faire bus commun ! Et puis, une chose à noter, c’est que contrairement à Stefanie, Colin lui n’est jamais monté sur scène avec nous pour interpréter le titre. Il va falloir qu’on remédie à ça … [Rires] peut-être, un jour !
Est-ce que vous réussissez à écrire pendant que vous êtes en tournée comme en ce moment ?
Stefan : Non, pas vraiment. Pour être franc, nous n’avons pas fait tant de tournées que ça avec Psychonaut, nous n’en sommes qu’aux débuts, donc peut-être que ça changera plus tard. Mais pour ce qui est de la composition, nous avons une certaine façon de fonctionner qui est assez moderne, si je puis dire. J’écris les bases d’un morceau, puis j’utilise des technologies modernes pour travailler dessus, sur ordinateur, avec des plug-ins, de la programmation pour la batterie, etc. Je ne sais pas si je saurais écrire de la musique sans tout ça, je l’avoue. C’est pour ça que je ne peux pas vraiment imaginer écrire pendant qu’on est en tournée, parce que ça voudrait dire emmener tout cet équipement avec nous, en plus de notre matériel.
Vous êtes effectivement ce qu’on pourrait appeler un "jeune groupe", vous avez deux albums à votre actif, le premier, Unfold the God Man étant sorti en 2020 pendant le covid. Quel regard portez-vous sur votre parcours, et votre ascension depuis la création du groupe il y a moins de 10 ans ?
Harm : Nous sommes tellement reconnaissants pour tout ce qui nous arrive. Personnellement je n’ai rejoint le groupe qu’en 2020, juste avant la pandémie. Et quand je vois les quelques concerts qu’on a fait ces derniers jours, dans des festivals importants, avec un public très nombreux et très bruyant qui nous encourage ou chante avec nous, je me dis que c’est incroyable. Et c’est arrivé tellement vite, je trouve. Il y a juste 2 ans, au sortir de la pandémie, on était programmés dans des festivals bien plus petits.
Thomas : C’est vrai. Mais nous faisons les choses à notre rythme. L’an dernier, nous avons annulé plusieurs dates, dont un festival, à cause d’impératifs familiaux dans la famille de Harm, ou à la naissance de mes deux enfants. Aujourd’hui, Stefan aussi va devenir père de famille. Nous avons toujours privilégié nos vies personnelles, et nous respectons vraiment cette priorité pour chacun d’entre nous, avec du respect mutuel. On se dit toujours : Si on ne fait pas telle ou telle chose maintenant, nous le ferons plus tard, peut-être l’an prochain. Donc nous sommes vraiment extrêmement reconnaissants pour tout ce qui se passe pour Psychonaut maintenant, ça n’est vraiment que du bonheur.
Stefan : Je dirais que cet été, et cette année même, est la meilleure année qu’on ait jamais eue. On dit toujours que la sortie d’un deuxième album est une épreuve. C’est l’album le plus important, on était vraiment très stressés. Ça nous a même un peu bloqués au moment de l’écriture : on se posait beaucoup de questions, on s’inquiétait énormément, de savoir si on pouvait faire au moins aussi bien que pour Unfold the God Man. Et quand on a découvert qu’on avait atteint notre objectif, c’est-à-dire d’entendre beaucoup dire qu’on avait atteint un autre niveau avec ce nouvel album (même si bien sûr certaines personnes préfèrent le premier), ça a été vraiment fantastique pour nous. Et ces dernières semaines ont été complètement folles. Si tu veux, chaque show de Psychonaut qu’on fait depuis quelques semaines est un peu le plus gros concert de notre vie ! [Rires]
Thomas : Et les concerts qu’on fait dans des petites salles sont aussi vraiment incroyables, avec de plus en plus de monde.
Stefan : Mais oui ! Pour notre toute première date en France, en janvier dernier à la Boule Noire à Paris, le concert était complet, c’est fou ! Les choses vont tellement vite, d’ailleurs, que parfois il faut qu’on appuie sur Pause, pour nous rendre compte de ce qui nous arrive.
Tout à l’heure pas mal de gens dans le public connaissaient les paroles de vos chansons, et certains chantaient même les riffs de guitare. J’avais déjà remarqué la même ferveur en janvier à la Boule Noire justement. On dirait qu’il y a quelque chose de spécial qui s’est vite installé entre vous et le public français…
Thomas : Oui, c’est vrai. La première chose déjà c’est que même si aujourd’hui cette interview est en anglais, on essaie pendant nos shows de beaucoup parler en français avec le public entre les morceaux. On a remarqué que c’était important pour le public français, qui ne s’y attend pas forcément. Notre langue maternelle est le flamand, mais Stefan et moi parlons français.
Stefan : Les fans français sont incroyables. Il y a beaucoup d’énergie, beaucoup de bruit aussi, et on aime vraiment avoir ce genre de réactions. On adore venir jouer en France, et après les shows qui sont prévus en octobre, on s’imagine bien revenir dès l’an prochain pour d’autres concerts. Préparez-vous !
Crédit photos : Lil'Goth Live Picture. Reproduction interdite.