Un joli plateau post attend le public parisien en cette pluvieuse soirée hivernale. La Boule Noire affiche complet pour le combo belge Psychonaut à qui tout réussit depuis quelques mois et la sortie de son second opus Violate Consensus Reality chez Pelagic Records.
Nordkapp
Le duo parisien Nordkapp a la tâche d’ouvrir la soirée pour Psychonaut, et c’est à l’heure pile que Constantin (batterie) et Paul (guitare) s’avancent sur la minuscule scène et entament leur set. Les deux musiciens se font face, de profil par rapport à la fosse déjà bien remplie, et proposent un post-rock instrumental qui se teinte de syncopes et d’impressionnantes ruptures de rythmes entre ralentissements pesants et montées en puissance irrésistibles.
Sous des lumières distillées avec parcimonie, les deux hommes se livrent à un ballet fascinant voire hypnotique. L’un semble habité derrière ses fûts, imposant une rythmique entre nuance et puissance, et le second alterne avec habileté (et, souvent, les yeux fermés) les accords de guitare et le jeu avec sa pédale de loop permettant de créer des atmosphères intenses ou plus épurées aux titres variés, issus du premier album du groupe, SPIN, sorti en 2021.
La densité de l’ensemble semble faire l’unanimité, et la prestation de Nordkapp est saluée par des cris et applaudissements chaleureux, aux moments où le public pense (parfois à tort) qu’un morceau est terminé. Espiègle, le souriant duo enchaîne en effet les tempos hachés et moments éthérés, dans une logique matheuse qui peut en décontenancer plus d’un, mais sait réserver des moments de puissance pure par l’irruption de murs de riffs ravageurs, faisant bouger les têtes du public en rythme avec le groupe. Une belle découverte que ce talentueux groupe capable de nous faire croire le temps d’un set qu’il est bien plus qu’un duo !
Psychonaut
21 heures. Le trio qui s’avance sur la micro scène semble attendu avec une impatience non dissimulée par le public. À l’avant de la scène, ce n’est pas un mais deux frontmen qui prennent place, le guitariste Stefan De Graef et le bassiste Thomas Michiels. L’air concentré, ils entament le premier morceau, "Interbeing", passant d’une intro ambiante au riff entêtant à des montées en puissance pleines d’émotions. L’équilibre dans la setlist est parfait entre les morceaux issus du dernier opus (le magistral Violate Consensus Reality) et le précédent (l’excellent Unfold the God Man sorti en 2020).
Si les morceaux, les tempos et les ambiances varient, la signature Psychonaut est toujours là, dans cette fièvre et cette puissance des riffs virevoltants, dans cette navigation sans cesse sur le fil entre cri écorché et harmonies mélodiques. Harm Peters, en position centrale derrière ses fûts, tient le rôle de pierre angulaire, martelant ses caisses avec nuance, ingéniosité et force, magistral dans les accélérations implacables ("A Pacifist’s Guide to Violence") et le ralentissements écrasants ("Interbeing").
La première partie du concert est une mise en place d’atmosphères musicales tout en intensité, portées par une rythmique incroyable, des riffs pachydermiques et cette belle complémentarité derrière le micro de Stefan et Thomas. Chacun des deux hommes apporte ses propres émotions et son interprétation, inspirée ou déchirante, pour un effet d’une intensité rare. Le son est plutôt bien mixé ce soir et les variations de rythme, les lignes bondissantes de basse ou les riffs hypnotiques sont mis en valeur et joués fort, pour une immersion dans l’univers post hardcore plutôt progressif du combo belge.
L’ambiance se fait plus calme, presque aquatique avec les lumières bleues pour la pièce prog atmosphérique "Sananda", en position centrale ce soir, sur laquelle Thomas quitte un moment la scène pour laisser Stefan seul au chant accompagné par de discrètes lignes de synthés lancées par Harm, pour un moment suspendu avant un énorme final. Pour la deuxième partie du set, le trio embarque la Boule Noire pleine à craquer dans des moments d’agitation irrésistible, et c’est tout naturellement que des pogos se forment sur l’enchaînement redoutable "All I Saw Was a Huge Monkey" / le crescendo monstrueux "Violate Consensus Reality" / "A Storm Approaching".
Les morceaux joués ce soir sont connus d’une partie du public, qui reprend avec force les paroles de certains morceaux ("Halls of Amenti", "All Your Gods Have Gone", les parties de Stefanie Mannaerts, sur piste ce soir, et de Colin H. Van Eeckhout, interprétées par Stefan ce soir, du monumental "VCR") et chantent même les riffs de guitare sur l’énorme final "The Fall Of Consciousness". Habités pendant les titres, les trois hommes ne sont pas avares de headbang, de mouvements et de gestes adressés à leur public, qui le leur rend bien pendant les morceaux. Entre les titres ils affichent un large sourire et expriment leur joie d’être à Paris ce soir, pour la première fois annoncent-ils… même si, en réalité, ils avaient fait un passage au Glazart en janvier 2020 avant même la sortie de leur premier opus, en compagnie du combo français Dragunov.
Pour leur premier concert parisien (et demi, donc), Psychonaut a fait très fort. L’ovation réservée par le public de la Boule Noire (sold-out) ne ment pas : ces derniers mois ont porté le groupe vers de nouveaux horizons, bien haut sur la scène post belge, et l’Europe désormais leur tend les bras . L’iconique petite salle ne désemplit d’ailleurs pas à la fin du concert, le groupe se pressant à la table de merch pour échanger longuement avec ses fans. Ces derniers retrouveront le sympathique trio au festival Motocultor en août prochain, en attendant, nous l’espérons, un retour dans l’Hexagone très bientôt !
Setlist Psychonaut :
- Interbeing
- The Story of Your Enslavement
- A Pacifist’s Guide to Violence
- Halls of Amenti
- Sananda
- All I Saw Was a Huge Monkey
- Violate Consensus Reality
- A Storm Approaching
- All Your Gods Have Gone
- The Fall of Consciousness
Photographies : David "Dwidou" Dauphin.
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