Maintes fois repoussée en raison de la pandémie de Covid, l'étape parisienne regroupant Katatonia et Sólstafir en co-headline peut enfin avoir lieu à la grande satisfaction des fans présents ce soir. Initialement prévue pour promouvoir City Burials, la date du jour voit finalement les Suédois de Katatonia mettre en avant Sky Void of Stars, leur dernier opus qui a recueilli un bel accueil. De leur côté, les Islandais de Sólstafir s'apprêtent à donner un set célébrant l'ensemble de leur carrière, depuis les débuts avec Masterpiece of Bitterness (2005), jusqu'au plus récent Endless Twilight of Codependent Love (2020). Mais pour l'heure, place à SOM, dans un Trianon encore relativement peu rempli.
SOM
Le combo américain officie dans un style entre doom et post metal moderne, évoquant parfois la tête d'affiche de la soirée, en plus monolithique. Premier constat, le son est particulièrement fort et dessert le groupe puisqu'il est parfois difficile de distinguer ce qu'il se passe dans le spectre sonore. En outre, la basse du leader, Will Benoit, a tendance à noyer l'ensemble, à commencer par son propre chant. Dommage d'ailleurs, tant ce dernier propose un timbre de voix intéressant, qui ne manque pas de faire penser à celui de Neige d'Alcest. Notons par ailleurs la performance du combo qui a joué aux chaises musicales sur cette tournée, Justin Forrest (initialement bassiste du groupe et batteur de Caspian) passant à la batterie et laissant de fait la quatre-cordes à Will Benoit.
Les compositions elles-mêmes oscillent entre shoegaze planant et riffing pachydermique, renforcé par les coups de butoirs de Forrest. Comme pour renforcer l'immersion dans sa musique, le combo américain propose un light show minimaliste, à base de stroboscopes et de lumières vertes.
L'audience encore relativement clairsemée en ce début de set n'oublie pas de saluer les musiciens à la fin de chaque titre, ce qui touche visiblement le leader de la formation. « Merci Paris ! Vous avez envie de voir Sólstafir ? Et Katatonia ? Cela tombe bien, ils jouent juste après » annonce malicieusement Will Benoit aux spectateurs. Après 45 minutes parfois éprouvantes pour les oreilles en raison du volume sonore, le quatuor salue et s'éclipse, laissant la place aux deux têtes d'affiche du jour.
Sólstafir
A l'heure où Sólstafir foule les planches du Trianon, le public semble bien plus présent dans la fosse, prouvant à quel point la formation islandaise a su marquer des points au cours des dernières années et s'est imposée comme un incontournable du post rock / post metal.
Dès le début du set, sur le très calme « Náttmál », Addi Tryggvason (chant, guitare) joue avec les photographes, posant plus spécialement sur le devant de la scène pendant que ses comparses restent plus en retrait, à l'image de l'impassible Pjúddi Sæþórsson (guitare). Les conditions sonores sont beaucoup plus agréables que lors de la performance de SOM, puisque le volume semble avoir été réglé à un niveau plus raisonnable, permettant d'apprécier la musique du quatuor à sa juste valeur.
Après ce début tout en douceur, les Islandais proposent un détour vers leur début de carrière, encore teinté du black des débuts, avec « Köld » (tiré de l'album éponyme de 2009) et « Bloodsoaked Velvet » (extrait de Masterpiece of Bitterness, 2005). Ce choix étrange laisse d'ailleurs de côté une frange non négligeable du public, et ne représente d'ailleurs que peu le style actuel du combo, Grimsi Hallgrímsson (batterie) alternant quelques passages à la limite du blast. On peut également regretter le fait que Berdreyminn (2017) ait été totalement laissé de côté suite à ces choix de setlist.
Toujours est-il que l'ambiance elle-même ne semble réellement redécoller qu'à partir du très beau « Rökkur » (seul extrait du dernier opus), au cours duquel Addi va lui chercher le public, montant debout sur la crash barrière, s'agrippant aux mains tendues des premiers rangs pour parcourir ainsi la largeur de la salle.
Le classique « Fjara » permet d'ailleurs à l'audience de donner de la voix, tandis qu'« Ótta » nous fait voyager à travers les paysages islandais, avec son thème entêtant et ses montées à la fois intenses et tout en finesse.
Mais l'heure de la fin du set pointe rapidement le bout de son nez. Addi présente ainsi les musiciens qui l'accompagnent sur scène, avant d'entamer l'épique « Goddess of the Ages », conclusion parfaite à la prestation des Islandais.
C'est donc un set déséquilibré qu'a proposé le quatuor de Reykjavik, mettant parfois trop l'accent sur ses débuts et n'interagissant avec le public qu'à la moitié de son temps de jeu. Heureusement, le groupe a su redresser la barre et aller chercher les spectateurs pour un beau moment de partage, en concluant avec les pépites de sa discographie.
Setlist Sólstafir
Náttmál
Köld
Melrakkablús
Bloodsoaked Velvet
Rökkur
Fjara
Ótta
Goddess of the Ages
Katatonia
Après un très bon Sky Void of Stars unanimement salué, les Suédois étaient fortement attendus ce dimanche soir. Pourtant, dès le début de la tournée, une pointe de déception pouvait poindre parmi les fans du combo, puisque Anders « Blakkeim » Nyström, guitariste et membre fondateur de la formation aux côtés de Jonas Renkse (chant) a annoncé rester chez lui pour raisons familiales. Mais Nico Elgstrand (ex-Entombed et Entombed A.D.), chargé de remplacer Nyström, s’en sortira avec les honneurs.
Dès le début du concert, l’accent est mis sur le dernier opus, avec l’enchaînement « Austerity » / « Colossal Shade » introduisant Sky Void of Stars. Les conditions sonores sont toujours bonnes et le chant de Jonas Renkse est parfaitement mis en valeur, jamais écrasé par les riffs de guitare de Roger Öjersson et d’Elgstrand. Tout juste peut-on regretter le light show, cauchemar des photographes, ne laissant parfois apercevoir que la silhouette des musiciens.
En outre, le visage du leader de la formation est sans cesse masqué par sa longue chevelure. Cela n’empêche pas le vocaliste d’échanger à plusieurs reprises avec l’auditoire, remerciant le public de son accueil chaleureux entre les titres, dépassant l’apparente austérité (!) affichée d’habitude par Katatonia sur scène. On sent même que Jonas est heureux d’être présent sur la scène du Trianon, allant régulièrement à la rencontre de ses camarades de jeu (tête contre tête avec Niklas Sandin) et s’efforçant même de blaguer avec le public : « J’ai étudié le Français à l’âge de 14 ans en classe…Et la seule chose dont je me souvienne est la phrase suivante : "Excusez-moi d’être en retard" ! »
Du côté des musiciens, on sent le reste du groupe également appliqué, à l’image de Niklas Sandin (basse) qui fait preuve de beaucoup d’énergie sur l’ensemble des titres, incitant d'ailleurs le public à taper en rythme sur l'introduction d' "Opaline". Le dernier opus est d'ailleurs particulièrement bien représenté, mais les Suédois n’oublient pas de jouer certains de leurs classiques, tirés de The Great Cold Distance ("on va vous jouer notre seul tube, ça s’appelle « My Twin »" annonce Renkse devant un public plus que ravi).
Le temps du plus calme « Old Heart Falls » à l'ambiance automnale, l’occasion nous est donnée d’entendre à nouveau ce très bon titre tiré de The Fall of Hearts, sublimé par le solo de Roger Öjersson, et largement applaudi. Ce dernier aura d'ailleurs été également irréprochable sur ses choeurs, sa voix se mariant toujours à merveille avec celle du leader de la formation. Après un « Untrodden » rare rescapé de City Burials en support duquel la tournée était initialement programmée, les cinq musiciens s'éclipsent pour mieux revenir après une acclamation massive du public parisien.
Et en guise de rappel, ce sont deux classiques qui sont dégainés par la formation avec « July » et « Evidence ». Il est d'ailleurs amusant de constater que parmi les présents ce soir, Renkse est le seul à avoir participé à leur version studios, en raison de l'absence de Nyström. L'interprétation reste toutefois sans faille de la part des quatre aux musiciens, mais on comprend mieux pourquoi le set a été principalement axé sur la discographie récente des Suédois.
En définitive, Katatonia a délivré un très bon concert, plein d'énergie et de partage avec le public, en dépit d'un lightshow minimaliste. L'occasion de confirmer sur les planches la qualité des titres de Sky Void of Stars. Leurs compagnons de route de Sólstafir et SOM nous ont également fait passer une très belle soirée, que certains auront attendu de pied ferme pendant presque deux ans. Preuve en est que la patience est toujours récompensée !
Setlist Katatonia
Austerity
Colossal Shade
Lethean
Deliberation
Birds
Behind the Blood
Forsaker
Opaline
Buildings
My Twin
Atrium
Old Heart Falls
Untrodden
Encore :
July
Evidence
Merci à Garmonbozia et SLH Production
Photographies : ©Lil'Goth Live Picture
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