Nos amis de Garmonbozia ont mis les petits plats dans les grands pour cette première édition du festival francilien Grand Paris Sludge, mettant à l’honneur le sludge, indissociables des sonorités stoner, doom, et autre rock ou metal psyché. Retour sur une déferlante de gros riffs du côté de Savigny le Temple !
L’Empreinte est plus que prête à accueillir les festivaliers du Grand Paris Sludge pour deux jours de musique dans ses deux salles (la salle principale et la petite salle dite du Club), agrémentées du cadre bucolique d’un patio et de tables installées en bord d’étang pour les moins frileux.
Dans le hall, les tables de merch et les artistes ou leurs équipes se tiennent prêts à discuter avec le public, et chacun peut s’assurer de ne rien rater grâce aux écrans installés qui diffusent en direct l’intégralité des concerts. Les backdrops imposants sont installés, portant la mention ‘Grand Paris Sludge, Noblesse since MMXXIII’, les bars sont ouverts, les instruments accordés, au plus bas évidemment : la première soirée du festival peut commencer …
Decasia - 19h20
Le trio Decasia, chargé du coup d’envoi du weekend, investit la scène à l’heure pile et lance sans tarder des accords de heavy rock rythmé et extrêmement groovy. Les énergiques Nantais présentent des nouvelles compositions ainsi que des morceaux issus de leur premier album An Endless Feast For Hyenas, sorti en 2022. Le public se presse dans la salle, séduit par le dynamisme du groupe et la qualité de ses compositions, accrocheuses et terriblement entraînantes.
"Vous êtes prêts à zouker ?" , lance Maxime, le guitariste / chanteur qui signe une solide prestation, sur le chant clair assez haut, les riffs pachydermiques et autres arpèges et soli alambiqués, tandis que Fabien délivre (aux doigts) des lignes de basse bondissantes chargées d’un groove irrésistible. Le batteur, Geoffrey, porte l’ensemble par sa puissance de frappe en position centrale. Le son est bien équilibré, assez fort déjà, de quoi être optimiste sur la qualité du mix pour l’ensemble du weekend. 40 minutes et le sympathique combo Decasia achève son set sous des applaudissements enthousiastes, amplement mérités.
Fatima - 20h05 (Club)
C’est un set un peu particulier que le trio français Fatima, qui s’installe sur la minuscule scène du club, s’apprête à présenter ce soir. JC, le batteur, est blessé à la main et doit s’économiser ; les trois musiciens, assis, proposent donc un live acoustique, "ambiance bar à chicha" dixit le guitariste et vocaliste Antoine. Le stoner doom teinté de grunge mais également de sonorités orientales du combo va prendre une dimension particulière avec ce set acoustique, faisant parfois penser à un certain MTV Unplugged, mais cette fois-ci live from Savigny, trente ans plus tard. Il faut dire que dans ces conditions débranchées, l’interprétation mélancolique et le timbre poignant d’Antoine rappellent encore davantage Kurt Cobain, surtout sur les passages les plus poignants des morceaux de la seconde partie du set.
La tranquillité dégagée par Fatima version unplugged ne rime pas pour autant avec ennui, car les morceaux joués ce soir sont riches et variés, avec des montées en puissance bienvenues, des passages lourds alternant avec des arpèges et des sonorités orientales sur une intro à la flûte signée du bassiste Maxime ou les lignes de guitare acoustique d’Antoine. Le public semble adhérer à la prestation courte mais intense du groupe francilien, et ce même si peu d’entre eux peuvent vraiment profiter d’un visuel sur la scène à peine surélevée. Le groupe termine ici une longue série de concerts après la sortie de l'album Fossil en 2022 et d'un tout récent split avec Clegane.
Barabbas - 20h50
La salle principale de L’Empreinte se mue en Cathédrale du Saint Riff Rédempteur pour Barabbas. Après une introduction solennelle sur piste, le quintette lance son doom lourd et surpuissant qui écrase sans tarder la salle pleine à craquer. La part belle est donnée dans la setlist au dernier opus du groupe, sorti fin 2022, La Mort Appelle Tous Les Vivants : la force du morceau "De La Viande" est indéniable, et la puissance des textes en français est accentuée par la qualité du mix. "Sous le Signe du Néant" semble être déjà un classique, fédérateur et intense, et les premiers pogos se lancent.
Les musiciens interagissent avec le public, le bassiste Alexandre, qui fait également les chœurs, est extrêmement mobile, et le charismatique saint patron Rodolphe arpente la scène, headbang au rythme des riffs redoutables assénés par ses camarades. Sur "Judas Est une Femme" (issu de Messe Pour Un Chien sorti en 2014), ce dernier descend dans la fosse s’adresser directement à l’auditoire féminine. En conclusion du set, le morceau plus ancien "Quatre Cavaliers" est le théâtre de nombreux pogos fiévreux dans le public.
"Est-ce que vous êtes vivants ? Donnez-nous votre énergie !" Posté sur l’avancée centrale, au plus près de ses ouailles, Saint Rodolphe domine, crie, chante, bénissant le public et l’incitant à taper des mains et à communier avec l’ensemble du groupe. Clairement, de nombreuses personnes sont venues ce soir pour vivre l’expérience Barabbas, en témoigne la marée humaine qui headbang au rythme lent et destructeur des compositions du groupe.
Les poings se lèvent, les paroles sont chantées avec ferveur du côté de la fosse, et quelques doigts d’honneur se glissent même devant les rares écrans de téléphone brandis pour filmer. Une cérémonie puissante et impressionnante tenue de main de maître par la formation qui peut revendiquer sans peine le titre de pilier du doom made in France.
Setlist Barabbas :
La Mort Appelle Tous Les Vivants (Intro)
Je Suis Mort Depuis Bien Longtemps
De la Viande
Sous le Signe du Néant
Judas Est Une Femme
Le Saint Riff Rédempteur
Quatre Cavaliers
The Necromancers - 21h40 (Club)
Retour au club, cette fois-ci pour le combo poitevin The Necromancers dont le troisième album Where the Void Rose est sorti en 2022. Point d’acoustique cette fois-ci, c’est bien un live électrique et énergique qu’entame le quatuor à l’heure pile. À grands coups de riffs bien sentis et de solides soli, le groupe accroche avec facilité le public compact de la petite salle par son heavy rock occulte assez old-school diablement bien ficelé.
La scène semble toutefois bien étroite pour les musiciens qui auraient aimé se mouvoir un minimum, car seul le guitariste - vocaliste Basile est vraiment mobile. Très expressif dans son jeu, ce dernier se distingue surtout lors de passages où son timbre rauque ressort particulièrement. Le côté rétro (jusqu’au style vestimentaire des musiciens), et surtout très rythmé de la prestation de The Necromancers semble avoir séduit le public du Club, et des applaudissements chaleureux s'élèvent pour le quatuor qui a offert à l'Empreinte une parenthèse bienvenue entre deux chapes de plomb.
Conan - 22h30
À peine quelques secondes de répit et il est déjà temps de rejoindre la grande salle où les enceintes se mettent à bourdonner sévèrement. Profitons-en pour saluer l’énorme travail des organisateurs, qui ont tenu le planning à la perfection tout en proposant aux festivaliers un cadre idéal pour profiter pleinement de ces deux jours. Une collaboration de qualité entre l’association Garmonbozia et la salle de l’Empreinte, qu’on espère voir pérennisée ! Après quatre groupes français, c’est désormais Conan, pointure britannique de la scène doom qui se charge de la conclusion de cette première journée.
Le trio de Liverpool, fort d’un cinquième album paru en 2022, Evidence of Immortality, entame son set après un laconique "Bonjour" plein d’écho délivré par le guitariste et chanteur Jon Davis, avant que d’épaisses fumées ne viennent obscurcir encore plus la salle. Des riffs monolithiques, une atmosphère ultra pesante et une rythmique brutale, voilà ce que Conan va offrir une heure durant à la fosse de l’Empreinte qui semble ravie de se faire écraser de la sorte : toutes les têtes s’agitent dangereusement malgré la fatigue, des pogos se forment, y compris sur les passages les plus lents ("Levitation Hoax") et chaque morceau fait plonger un peu plus la salle dans cette puissance archaïque et ravageuse.
Depuis la scène enfumée, le trio fait résonner ses accords bas, pesants, qui pulvérisent la salle. Côté fosse, il règne une agitation digne des "gros" festivals estivaux, au gré des ralentissements sinistres et des cris caractéristiques de Jon ("Hawk as Weapon") qui, entre deux morceaux, ne sort de son apparent sérieux que pour trinquer occasionnellement avec le public. Des accélérations surpuissantes menées par le redoutable Johhny King à la batterie ("Volt Thrower") à l’effet rouleau-compresseur des grosses lignes de basse de l’impassible Chris Fielding ("Foehammer"), les compositions de Conan ne sont que lourdeur. Ce que le public semble avoir apprécié, si l’on en croit les visages marqués mais apparemment réjouis que l’on observe dans la foule qui se presse à la sortie de l’Empreinte. Eh oui, la dernière tête d’affiche de la soirée, le RER D, n’attend pas !
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