TesseracT (+ Unprocessed + The Callous Daoboys) au Bataclan (Paris) le 23.01.24

Le War of Being World Tour de TesseracT fait escale ce soir à Paris, pour des retrouvailles cinq ans après le dernier passage des Anglais dans nos contrées. Retour sur une soirée mémorable sous le signe du prog.

The Callous Daoboys

L’arrivée des six musiciens des Callous Daoboys (jeu de mots sur l’équipe de football des Dallas Cowboys) se fait en musique sur des tonalités insolites d’eurodance (Cascada), de quoi décontenancer le public de TesseracT... La troupe originaire d'Atlanta propose un mathcore / metalcore déconstruit et agressif, mêlant des passages mélodiques avec des breakdowns impitoyables, agrémentés d’un violon électrique et de growls, screams, et chant clair partagés entre le vocaliste, le bassiste et le batteur. La bande a pour l’instant deux albums à son actif, Die on Mars (2019) et Celebrity Therapist sorti en 2022.

Les problèmes de son se révèlent assez gênants d’emblée, même si du côté de la scène beaucoup d’énergie est déployée, la guitariste Maddie, la violoniste Amber et le batteur Matthew arborant de grands sourires et incitant le public à les suivre dans la folie ambiante. Ce dynamisme et cet état d’esprit positif contrastent quelque peu avec l’attitude du chanteur Carson, l’air blasé, qui ne cesse de reprocher au public sa torpeur.

Il est vrai qu’il est très tôt, le Bataclan est loin d’être plein, et le public, probablement pas très matheux, peine à entrer dans l’univers des Américains. Difficile en effet de savoir quand hocher de la tête ou pogoter, en raison d’une profusion de syncopes et de contretemps virtuoses, certes, mais difficilement dansants. Mais le problème vient essentiellement d’un son très brouillon qui noie complètement les guitares et le violon. On entend essentiellement la batterie et les screams du chanteur et du bassiste.  Même si la réalisation technique et l’énergie communicative des musicien.ne.s sont indéniables, le set s’achève avec un certain sentiment de frustration, des deux côtés de la salle. Le show de la sympathique formation aurait mérité un meilleur son, pour réussir à faire l’unanimité.

Unprocessed

C’est sur une scène minimaliste que le quatuor allemand prend possession de la scène devant un parterre plus garni, dans lequel plusieurs fans se font entendre. Une fanbase de plus en plus solide depuis notamment la sortie de … and everything in between, dernier album sorti en décembre, plus agressif et affirmé que Artificial Void (2019). Au programme ce soir, un prog moderne et une technique impressionnante avec beaucoup, beaucoup de cordes sur scène : le frontman Manuel Gardner Fernandes et son acolyte Christoph Schultz jouent chacun avec une guitare huit cordes, et le bassiste David Levy arbore cinq cordes à son instrument.

Et quelle maîtrise ! Palm mute, djent, virtuosité hallucinante mais l’ensemble est loin d’être froid. À grands coups de refrains mélodiques et des breakdowns ou passages plus violents ("Hell", "Thrash"), Unprocessed réveille le Bataclan qui s’agite de toutes parts. Sur "Fear" les musiciens, tout sourire, font sauter et headbanguer le public, qui ne se fait pas prier. On entend quand même beaucoup la batterie par rapport à la guitare rythmique, mais globalement le son est bien meilleur que pour The Callous Daoboys.

Les morceaux, au moins du dernier opus, sont connus par une partie du public qui entonne les paroles de "Thrash" avec Manuel. Le groupe demande au public d’allumer les torches de téléphones pour "Glass", et le Bataclan s’illumine, enchanté par ces lignes de guitare classique démentes et cette belle énergie. Unprocessed livre un gros final sur "Haven", déchaînant les sauts du public qui semble séduit. Les musiciens, l’air ravi, remercient l’audience chaleureusement. Une simplicité déconcertante pour un set de haut vol.

Setlist Unprocessed :

1. Hell
2. Lore
3. Fear
4. Abandoned
5. Thrash
6. Deadrose
7. Glass
8. Haven

TesseracT

Lorsque les lumières s’éteignent à l’heure dite, le chanteur Daniel Tompkins s’avance seul sur scène pour annoncer au public qu’il est malade et compte donc sur le soutien vocal des fans présents lors des moments où il sera en difficulté. Le Bataclan répond bruyamment et chaleureusement à sa requête. Le parterre est chaud, déjà acquis à la cause de TesseracT, et le show peut commencer, sur la scène à la décoration épurée (comme pour Unprocessed, les amplis sont relégués sur les côtés, et invisibles) mais élégante, bien mise en valeur par un beau lightshow coloré.

Le son du soir est excellent, mettant en valeur toutes les nuances du prog proposé par le combo britannique, des riffs tranchants aux rythmiques déconstruites, des passages complexes aux refrains mélodiques, des transitions entre moments de rage et passages planants comme suspendus, tout est captivant et force l’admiration. Les musiciens déroulent les titres avec facilité, communiquant volontiers avec le public et affichant de larges sourires. La prestation du bassiste Amos Williams est phénoménale. Pieds nus comme à son habitude, il vient au plus près du public de tous les côtés, monte sur les plateformes et délivre des lignes de basse somptueuses, avec ou sans mediator ("Dystopia"). Daniel aussi est très mobile, il vit la musique et s’impose par son charisme, sans jamais lâcher le public du regard, qu’il soit en retrait ou sur le devant de la scène.

Le dernier album, War of Being, est à l’honneur sur la setlist avec cinq morceaux. Les rythmes chaloupés et les gros riffs de "Echoes" mettent aisément le public en mouvement. Quelques secondes de l’introduction monstrueuse de "War of Being" suffisent pour lancer les hostilités du côté de la fosse, avec des moshpits engagés et le premier slammeur d’une longue série – qui donnera des sueurs froides à la sécurité qui se pensait plutôt tranquille jusque là. Mais TesseracT n’oublie pas ses fans historiques, mis à l’honneur ce soir et sollicités pour le chant sur des morceaux plus anciens et emblématiques qui ravissent l’assemblée : l’excellent enchaînement "Of Mind – Nocturne", "Dystopia" et "King", ainsi que les deux morceaux du rappel, le diptyque "Concealing Fate".

L’effervescence est de mise dans le public, slams et pogos s’enchaînent à un rythme soutenu sur toute la seconde partie du concert, y compris, curieusement sur les passages plus mélodiques voire atmosphériques ("Legion"). Daniel fait mentir le diagnostic médical en atteignant à la perfection les notes les plus hautes, pour le plus bel effet ("Smile", "Legion"). On aurait du mal à le croire effectivement malade s’il ne montrait pas des signes évidents de douleur et de fatigue par moments, soulignés de remerciements chaleureux au Bataclan qui donne de la voix ce soir ("Je ne pourrais pas y arriver sans vous, merci", lance-t-il à plusieurs reprises).

Le vocaliste parle beaucoup entre les morceaux pour déclarer sa flamme au public parisien, le meilleur de la tournée selon lui, et évoquer avec émotion le parcours du groupe et sa joie d’être de retour dans la capitale après 5 ans (c’était au Trabendo, et on y était !). La folie furieuse se poursuit avec l’ultime morceau, "Juno", les slammeurs défilent encore et Daniel se précipite à la barrière pour un ultime moment de communion au plus près de son public, déchaîné et visiblement ravi de la qualité du spectacle proposé ce soir. Une petite sortie et voilà déjà le temps du rappel, très bruyant, pour TesseracT : place à nouveau à un moment de nostalgie avec "Concealing Fate, Part 1 Acceptance" et "Part 2 : Deception", ce dernier étant d’ailleurs présenté par Daniel comme le tout premier single du groupe, sorti en 2009. La fosse montre son enthousiasme par un circle pit d’anthologie qui convaincra le vocaliste de retourner à la barrière, debout, avant de saluer et remercier le public pour de bon cette fois-ci. Que de chemin parcouru par les Anglais, qui ont véritablement retourné le Bataclan ce soir en proposant un show maîtrisé mais chaleureux, efficace mais généreux, en un mot parfait !

Setlist TesseracT :

Natural Disaster
Echoes
Of Mind – Nocturne
Dystopia
King
War of Being
Smile
The Arrow
Legion
The Grey
Juno
Concealing Fate, Part 1 : Acceptance
Concealing Fate, Part 2 : Deception

Crédit photos : Steph Pictures. Toute reproduction interdite sans l'autorisation du photographe. 



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