Polyphia au Hellfest 2024 : Les prodiges de la guitare moderne en démonstration

Polyphia - Vendredi 28 juin - Mainstage 1 - 18h45

Après avoir rempli deux Bataclans  l’année dernière, le groupe de metal progressif instrumental Polyphia est de retour en Europe pour une tournée, et pour la première fois dans un gros festival français. Ce qui semble logique compte tenu de la progression et de la popularité grandissante des Américains ces dernières années. Ce live-report qui vous permettra d’appréhender un peu mieux le phénomène qu'est Polyphia

Sous un soleil couchant de fin journée et une légère brise, le groupe des deux guitaristes Scott Lepage et Tim Henson débute son show par “Loud”. Une chanson de l’EP The Worst, un EP que le groupe a d'ailleurs bien utilisé dans sa setlist du soir. Pour cette chanson, le groupe sort son artillerie lourde avec des guitares à huit cordes. Le côté raffiné et sophistiqué du jeu de guitare se ressent dès les premières notes. Le groupe en profite d’ailleurs pour ré-interpréter complètement cette chanson en live, avec des gros riffs très “djent” et des notes très basses et très lourdes.

L'aisance des deux guitaristes est très appréciable. Evidemment, le chouchou du public reste Tim Henson, très discret au demeurant. Même s’il dégage peut être une certaine arrogance, les mimiques de son visage, et son sourire toujours apparent font de lui une personnalité appréciée de la scène rock metal actuelle. Sur “Chimera”, il utilise de manière impressionnante sa technique classique d’hybrid-picking (technique où il utilise à la fois son médiator et son doigt)  sur sa guitare electro-acoustique. Sa guitare a d’ailleurs des cordes en nylon (des cordes utilisées plutôt sur des guitares classiques) afin de pouvoir sonner dans des sonorités modernes avec des inspirations un peu classique/flamenco. La partie principale du morceau donne à voir l'harmonie omniprésente entre les deux guitaristes qui se répondent à coups de riffs ultra-techniques.

Crédit photo : Sara Jisr/@GroovyMochi 

Mais s’il y a bien un musicien qui s'occupe de faire le show, c’est bien l'autre guitariste Scott Lepage, qui interagit avec le public. C'est le cas par exemple sur “Goose”, où le groupe recommence son intro car le public n’était pas assez “chaud” à son goût. Un moment parfaitement choisi, car l’intro est véritablement un des meilleurs riffs du groupe selon nous.

Les deux guitaristes sont des virtuoses. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’ils ont été adoubés par Steve Vai en personne. Ils jouent d’ailleurs sur des modèles signatures de la même marque (Ibanez). Tim en profitera d’ailleurs pour montrer (ou faire la publicité) de l'une de ses nouvelles guitares de couleur mauve. Avec comme toujours son fameux "Tree of Death", ou "Arbre de la mort", son signe distinctif imprimé sur les frettes de son manche de guitare. 

Ce même Tim Henson profite d’ailleurs des quelques moments de transition  entre les morceaux pour nous glisser des “palm muting” bien sentis, grattant quelques cordes en les étouffant légèrement avec sa main près du chevalet. Ce qui produit un son particulièrement satisfaisant. Une technique paradoxalement très simple mais qui démontre l'habileté de Tim à manipuler les sonorités de manière créative. 

Crédit photo : Sara Jisr/@GroovyMochi 

Un autre moment sympa est aussi celui où Scott demande à ce que dix personnes slamment jusqu’à la barrière de la scène sans quoi la chanson ne démarrera pas.  Aussi, ce même Scott demande au public de chanter le riff de “Champagne”, un air musical qui rentre dans la tête. Tous ces moments sont finalement devenus classiques lors des concerts de Polyphia. Il peut d'ailleurs être reproché au groupe d’avoir un show très millimétré, et de faire souvent la même chose. 

Même les jeux de scène sont très calculés, et restent plus ou moins les mêmes entre chaque concert. Par exemple les deux guitaristes dos à dos sur “The Worst”. Cette chanson (en plus d’avoir une super intro), est d’ailleurs peut-être celle qui permet le mieux d’appréhender le style guitaristique de Polyphia. Le groupe, en effet, nous montre toute sa technique, à savoir : utilisation d’harmonique naturelle, de tapping, de slides, de sweet picking (pour jouer les notes rapidement) et bien sûr d’hybrid-picking. 

Le quatuor joue d’ailleurs en live avec des technologies programmées, qui changent les sons et effets en temps réel selon la partie des morceaux (une technique typique des groupes de metal progressif), ce qui oblige à respecter les temps et la progression des morceaux à la lettre. Ce son sophistiqué s’entend d’ailleurs très bien sur “Genesis”, chanson sur laquelle Tim Henson utilise un multi-voicer. Il s'agit d'un outil informatique qui permet de créer des couches de voix synthétiques qui se superposent et se synchronisent aux guitares. En live, ces harmonies générées par le multivoicer apportent vraiment une dimension épique à la chanson.

Crédit photo : Sara Jisr @Groovymochi

Si les sons et effets sont bien programmés, le groupe utilise également de nombreuses backing tracks, pistes enregistrées qui sont des éléments distinctifs du son de Polyphia. Sur 'OD,' les backing tracks apportent une dynamique puissante avec des éléments de trap et de hip-hop. Ce qui crée cette signature du groupe : le mélange de riffs de guitare complexes avec ces rythmes et sonorités plus modernes, urbains et électro.

La chanson est d’ailleurs une des chansons les plus dures à jouer à la guitare du répertoire de Polyphia. En effet, la vitesse d’exécution des notes est juste ahurissante. Ce qui permet de profiter encore de la technique des guitaristes. En tendant un peu l'oreille, on observe que Scott et Tim possèdent d'ailleurs chacun un son très distinctif. Une chanson très difficile donc, tout comme la désormais mythique, “Playing God”, qui fait approcher de la fin du set. Cette chanson est jouée sur scène à la manière d’un guitariste flamenco, avec un son de guitare électro-acoustique (et quelques effets de delay/échos). A écouter si vous ne connaissez pas ce morceau.

Polyphia est certainement le seul groupe du Hellfest capable de nous faire apprécier autant la musique et de mettre autant d’ambiance  avec une guitare nylon. "Playing God" restera certainement culte de par la technique un peu “flamenco” impressionnante à la guitare, mais aussi par la combinaison du son de guitare classique électrifié et ce côté moderne très trap, voir trip hop des pistes enregistrées. Les basses bien fortes en live rendent d’ailleurs le morceau d’autant plus appréciable.

Crédit photo : Sara Jisr/@GroovyMochi 

C’est alors qu’arrive l’hymne du groupe “G.O.A.T”. Un morceau sur l'intro duquel le public réalise un wall of death des plus épiques. C’est l’occasion aussi d’apprécier également les deux autres musiciens sur scène : le batteur Clay Aeschliman et le bassiste Clay Gobe. Les deux artistes en plus d’être excellents, et bien qu'un peu mis un peu en retrait, contribuent vraiment à la dimension live du show des Américains par rapport aux chansons sur album.

Le groupe conclut son show avec le morceau le plus onirique de son répertoire à savoir  “Euphoria”, comme à chaque concert. Le public, ravi, salue alors chaleureusement la prestation. Quant aux Américains de Dallas, ils ont prouvé qu’il fallait compter sur eux pour les prochaines années. Leur son est certainement un peu ce vers quoi pourrait tendre le rock et le metal dans les prochaines années. Un genre qui va devoir malgré tout évoluer avec son temps pour continuer à être apprécié par les nouvelles générations. 

Le groupe est particulièrement heureux à la fin du set, fier certainement du chemin parcouru ces dernières années. On a de notre côté déjà hâte de voir ce que le groupe nous réserve. Deux albums sont d’ailleurs en préparation : un du côté Polyphia et un album-solo du côté de Tim Henson.

Setlist

Loud
Chimera
Goose
40oz
ABC
Champagne
So Strange
The Worst
Genesis
Playing God
G.O.A.T.
Euphoria

Crédit photos : Sara Jisr/@GroovyMochi 
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